KNS : ce qui se joue dans les prochains mois

L’usine de KNS a rencontré de nombreux soucis techniques avec le procédé NST, au point de ne jamais approcher la capacité nominale de 50 000 tonnes de nickel. Photo : archives Yann Mainguet.

L’annonce du licenciement de 1 200 salariés de Koniambo Nickel porte un coup à la population et à l’économie provinciale. Le complexe métallurgique entre dans une phase à l’issue inconnue.

  • L’ANNONCE

La difficile mesure était en préparation, au cas où. La direction de Koniambo Nickel a annoncé, vendredi 26 juillet, engager un projet de licenciement collectif pour motif économique. Près de 1 200 salariés sont concernés. Seule une cinquantaine de techniciens restera sur le site de Vavouto pour la sécurité des équipements ou encore le contrôle environnemental.

Les contrats de travail seront rompus le 31 août. Glencore, actionnaire à hauteur de 49 % mais financeur à 98 %, avait fixé cette date comme l’échéance des six mois pour le maintien des fours à chaud et la recherche d’un repreneur de ses parts. Le géant suisse du négoce avait signalé en février son retrait de l’usine du Nord, jugeant l’opération « non viable » malgré des promesses d’aides. Le complexe métallurgique de KNS, axé sur la production de ferronickel, est déficitaire depuis le lancement de l’activité en 2014 et supporte une dette colossale, calculée à 13,7 milliards d’euros fin 2022. Cette somme pourrait être effacée lors des futures négociations.

  • DES CANDIDATS

Aujourd’hui, « trois groupes continuent à montrer un intérêt pour notre entreprise, écrit Koniambo Nickel. Pour autant, nous ne disposons ni d’une offre finalisée, ni de visibilité sur le financement de nos opérations. » Les syndicats croient en ces chances de reprise, estimant les dossiers solides et le site intéressant avec de belles réserves de minerai. Malgré tout, les discussions de fond entre KNS, la SMSP, le partenaire calédonien à 51 %, et les groupes candidats vont maintenant s’engager sur le détail des coûts, les perspectives comptables, l’infrastructure, etc. Ce qui va prendre un certain temps.

La SMSP a remis au président de la République Emmanuel Macron, via le député Emmanuel Tjibaou lors d’une récente rencontre, un courrier sollicitant l’État pour la prise en charge de la totalité des salaires pendant la période d’études demandée par les banques, à savoir trois à six mois. Selon nos informations, Glencore paiera les indemnités de licenciement, mais aussi la veille dite froide jusqu’à la fin de l’année. Vu l’effectif minimal promis sur place, il peut être déduit que les deux fours seront arrêtés.

  • LA TECHNOLOGIE

Le très probable arrêt des fours signera la fin du procédé Nickel Smelting Technology (NST), mis en place dès l’origine du projet à Vavouto. Cette technologie dite de fusion du nickel, qui s’inspire de l’industrie du ciment, n’a jamais vraiment enchanté à Voh, l’outil se heurtant à des problèmes lourds et réguliers, et occasionnant des investissements conséquents. Pour ces raisons, couplées à une baisse de la teneur en nickel du minerai traité, l’usine a enregistré une sous-production, très pénalisante sur le plan comptable. En toute logique, les éventuels repreneurs des parts de Glencore ne conserveront pas ce modèle NST, lié au ferronickel, et pourraient viser un nouveau marché.

L’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’économie ont formulé une suggestion dans leur rapport publié il y a un an. « Une option pour désensibiliser le résultat de KNS et de la SLN au prix du ferronickel sur le marché asiatique serait de convertir tout ou partie de leur production de ferronickel en matte » ont avancé les spécialistes, pensant à une relation à construire avec des acteurs européens pour l’approvisionnement du marché du nickel à destination des batteries des véhicules électriques. Encore faut-il que l’Europe développe cette stratégie. Changer de marché signifie aussi à Vavouto changer de procédé, donc mobiliser les financements. KNS a déjà produit des études sur le sujet.

  • LE RISQUE

Pilier du rééquilibrage voulu par les accords politiques, l’usine du Nord vacille. Or, son impact économique est considérable en province Nord. Au-delà des effectifs de KNS, le complexe fait appel à 600 salariés de la sous-traitance. En 2023, 250 millions d’euros, soit 30 milliards de francs, ont alimenté l’économie, selon KNS. Le développement de la zone Voh-Koné-Pouembout-Poya est dû à la croissance du projet métallurgique. Bien des salaires et bénéfices d’entreprises ont irrigué la côte Est.

Le déclenchement du plan de licenciement de près de 1 200 employés constitue un drame pour la région. La fermeture de l’usine représenterait une catastrophe, avec son cortège d’incidences locales et territoriales. Voilà pourquoi les syndicats espèrent à la fois un aboutissement proche des négociations en vue d’une reprise, mais aussi le maintien d’un maximum de compétences dans la province. Un double risque.

Yann Mainguet

Le massif du Koniambo culmine à 902 m et s’étend sur 20 km de long et 5 km de large avec une réserve de minerai de 62 millions de tonnes de nickel, selon la SMSP