Cantine : « Cette pause devrait être un moment agréable et convivial »

Issue d’un mouvement de mécontentement contre les dysfonctionnements dans les cantines relevant de la restauration collective, la toute jeune association « Une cantine responsable pour nos enfants » a pris tout son sens avec la récente intoxication aux carottes. Elle entend être force de proposition pour améliorer la qualité et les conditions de prise des repas. Entretien avec Carole Baillou, la présidente.

Comment l’association a-t-elle vu le jour et qui rassemble-t-elle ?

Un mouvement de mécontentement s’est vraiment fait entendre cette année sur les réseaux sociaux. La grève chez Newrest, à la rentrée, a suscité plusieurs coups de gueule et les parents ont commencé à parler de la qualité des repas de manière plus générale. Un premier groupement s’est réuni, puis on a monté un collectif et on s’est rapproché d’autres parents mécontents de « Cantine plaisir santé », à La Tontouta, qui étaient déjà bien avancés sur toutes les questions de santé. On a ensuite mis en place un système de référents dans les écoles sur les questions de restauration, puis une association de façon à être plus efficaces.

Quels sont vos objectifs ?

L’idée générale est d’inscrire dans le plan Do Kamo le « bien manger » à l’école pour l’ensemble du territoire. Nous insistons sur la problématique de la santé. Il s’agit d’œuvrer pour l’amélioration de la qualité des repas, mais aussi les conditions de prise des repas, de militer par ailleurs pour une meilleure information des parents sur l’origine des produits, leur qualité, leurs valeurs nutritionnelles, le fonctionnement de la restauration collective, les différents systèmes adoptés par les communes. Nous voulons rendre accessibles ces informations et alerter sur les problèmes existants.

Vous avez adressé un questionnaire à l’ensemble des écoles primaires. 1 200 parents et enfants ont répondu à cette enquête de satisfaction qui est pour le moins explicite…

Les premiers résultats montrent, en effet, une grande insatisfaction à la fois des parents et des enfants ! Plus de la moitié des parents (51 %) ont un niveau de satisfaction global de la qualité des repas servis à la cantine qui est « médiocre » et 38 % « passable ». Les enfants sont 43 % à ne pas aimer manger à la cantine, 43 % encore à ne pas trouver les repas « bons ». Il est aussi alarmant de voir que 67 % des enfants laissent souvent des restes et que s’ils ne finissent pas leur repas, c’est en majorité parce qu’ils estiment qu’ils ne sont pas bons.

On a souvent rétorqué que le goût était subjectif, que la cantine avait toujours été ainsi, etc.

C’est vrai que le goût est subjectif. J’y ai mangé deux fois la semaine dernière et avec d’autres parents, nous n’avons pas eu forcément le même avis. Mais on est tous d’accord sur le fait qu’il y a des progrès à faire ! Des questions se posent d’abord sur la qualité des aliments. C’est beaucoup de boîtes, de surgelés, pas forcément recuisinés. Et je ne pense pas que la qualité suive quand on voit le prix qui est effectivement consacré aux aliments (140 francs pour les matières premières à Nouméa).

Nous n’avons aucune information sur l’origine des produits et c’est ce qui nous fait peur. On aimerait aussi qu’il y ait plus de produits frais, qui sortent de la terre ! Nous n’avons aucun chiffrage sur les produits locaux utilisés même si cela a été demandé. Après, il y a certes des problèmes d’approvisionnement. Mais quand on ne peut pas s’approvisionner sur le territoire, on peut quand même viser la qualité. La présentation pose aussi problème : ce n’est pas appétissant. La nourriture est « balancée », il n’y a pas de couleur.

Vous mettez en avant la question des apports nutritionnels…

Newrest a une diététicienne en Métropole, basée à Toulouse. On leur demande depuis le début de l’année à ce qu’il y ait un diététicien ici. Mais ça coince. On a donc demandé un professionnel à la Caisse des écoles afin qu’il valide les repas. Apparemment, ils sont en train de travailler dessus. C’est important parce que les repas servis diffèrent parfois des menus annoncés. On va substituer des aliments par d’autres qui n’ont pas la même qualité nutritionnelle et ces changements ne sont pas validés par des professionnels.

Vous aimeriez aussi voir s’améliorer les conditions de prise des repas. Expliquez- nous…

L’enquête illustre ce qu’est la pause du midi. Cette pause devrait être un moment agréable et convivial et on a vraiment l’impression d’être loin du compte. Il y a énormément de restes dans les assiettes parce que certains enfants ne cherchent même plus à goûter. Dans certaines écoles, on dit aux enfants de poser la tête sur le bras et d’attendre. Certains ne veulent pas aller à l’école à cause de la cantine ! Il y a un ras-le-bol et c’est n’est pas juste en leur disant « mange » qu’on va y arriver. Il y a des choses qui existent, des jeux, l’éducation positive, l’éducation au bien manger, au goût, au tri des déchets etc.

Certains disent que ce rôle est celui des parents, mais puisqu’ils mangent à l’école, on pourrait améliorer ce temps ! Nous pensons, par exemple, que l’on pourrait former davantage les cantinières, les femmes de services. Beaucoup sont vues négativement, alors qu’elles représentent la dernière barrière, essentielle, de la chaîne. Des formations pourraient aussi permettre de redorer ces métiers.

Réfléchissez-vous à des solutions alternatives ?

Il faut produire entre 16 000 et 18 000 repas par jour et nous n’arriverons pas de sitôt à une solution suffisamment satisfaisante pour des enfants de cet âge-là qui ont besoin d’une nourriture riche et équilibrée. Mais nous avons effectivement des personnes qui cherchent des solutions autres que ce monopole donné à un prestataire. La solution des lunchs box, avec des enfants qui mangent leur propre repas, à l’école, sous surveillance, a déjà été refusée… Est-ce que les services de gamelles peuvent prendre une partie des demandes ? À plus long terme, comment la Nouvelle-Calédonie peut-elle produire plus et produire pour ses enfants ? Aujourd’hui, la seule alternative qu’on voit se concrétiser est le retrait des enfants de la cantine avec des roulements entre parents !

L’affaire des carottes vous a-t-elle permis de vous faire entendre ?

Le problème est arrivé le jour où on a reçu les papiers de création de l’association. On a été mis dans le bain de manière directe et précipitée. Nous avons observé avec cette affaire une prise de conscience des élus, un changement total de discours. Jusqu’à présent, on voyait dans la presse que la cantine était « bonne », que les enfants étaient « difficiles ». Mais à partir de ce moment-là, tout le monde a convenu que ce n’était plus possible, la mairie de Nouméa a demandé le changement de gouvernance à Newrest, mis en place plus de contrôles sanitaires et compris la nécessité de faire preuve de transparence.

Cette affaire nous a permis d’être reconnus, d’être intégrés plus facilement aux discussions. Mais il y a beaucoup à faire. Cette association est faite de parents bénévoles et nous avons besoin d’autres parents pour nous aider avec un peu de temps ou de compétences. Plus on sera nombreux, plus on pourra avoir de poids. On les invite à porter en action le mécontentement qu’ils expriment derrière leurs écrans !


Comment les soutenir

L’association compte à ce jour 140 adhérents.
Il est possible d’adhérer en ligne sur la plateforme de crowdfunding www. wawa.nc/cantineresponsable (1 000 F) ou physiquement lors des Jeudis du centre- ville, des kermesses (500 F)…

La pétition « Une cantine responsable pour nos enfants » sur www.change.org a recueilli 1 152 signatures. La forme écrite plus de 160.


Une intoxication… dont on ignore l’origine

Les deux enquêtes lancées par le Sivap et la Dass ont conclu à une toxi-infection alimentaire collective (Tiac). Mais aucune des huit bactéries les plus fréquemment mises en cause dans les Tiac n’a été retrouvée. Des analyses plus poussées ont été menées et uniquement la présence de la bactérie Pseudomonas a été détectée. Elle ne présente pas d’ordinaire de toxicité particulière, mais des cas d’intoxication ont néanmoins été suspectés en Métropole avec cette bactérie pour laquelle aucun seuil réglementaire n’est défini. En tout état de cause, l’enquête n’a pas permis de définir de responsabilité.

 

C.M.