Cachez ces bouteilles que je ne saurais voir !

Depuis le 1er août, la vente d’alcool en province Sud doit se faire dans un espace dédié. Cette mesure, plutôt bien respectée, constitue une étape supplémentaire dans le dispositif provincial. Celui-ci inclut également la formation de l’ensemble de professionnels distribuant de l’alcool. Un quart des effectifs l’ont déjà suivie.

Pour certains, c’est une contrainte, surtout coûteuse. Pour d’autres, une nouvelle étape vers la régulation de la consommation d’alcool. Si la politique de la province Sud concernant la vente de bières, vins et autres breuvages éthyliques divise, elle est tout de même respectée par les distributeurs dont la grande majorité a aménagé, dans ses magasins, un espace de vente dédié à l’alcool, conformément au Code des débits de boissons du 7 mai 2020.

Depuis le 1er août, dimanche dernier, c’est devenu une obligation légale et pour les aider à financer les travaux, la province Sud a pris en charge 50 % du coût dans la limite d’un million de francs en fonction de la surface du commerce. À noter qu’une dérogation a été accordée aux distributeurs dont les travaux n’ont pas pu être terminés dans les délais. Ceux- là ont donc jusqu’au 1er novembre prochain pour se mettre en règle.

Sur le terrain, beaucoup s’interrogent sur l’utilité d’un tel dispositif qui a nécessité un investissement financier non négligeable pour la collectivité comme pour les établissements concernés. Lundi matin, à l’ouverture des magasins, chacun bronchait en sourdine, à l’image de cette vendeuse qui souhaite garder l’anonymat. « Les gens se plaignent, car ils ne trouvent pas l’endroit où acheter de l’alcool, d’autres pestent parce qu’ils doivent payer deux fois. Bref, ça râle depuis plusieurs semaines ! »

Pour la province Sud, qui s’est inspirée de nos voisins australiens et néo-zélandais, c’est une étape nécessaire. « Comme l’alcool est un produit particulier, on se doit de le distribuer de manière particulière. On le sait tous, il y a un problème d’alcool en Calédonie et la province Sud a voulu prendre en charge ce problème dans sa complétude », assure Nicolas Pannier, le secrétaire général de l’institution.

Les formations obligatoires

La mise en place de ces espaces dédiés ne constitue qu’une facette de la politique provinciale en matière d’alcool. Afin de faire évoluer les habitudes de vente, de consommation et pour lutter contre le marché noir, la collectivité a pris un ensemble de mesures : révision des restrictions d’horaires et des jours il y a un peu plus d’un an, présentation d’une pièce d’identité pour tout achat d’alcool et formation pour l’ensemble des professionnels de la vente de boissons alcoolisées ou fermentées. De l’exploitant au livreur en passant par les salariés en charge de la sécurité, 1 600 personnes ont jusqu’au 25 janvier 2022 pour présenter l’attestation obligatoire, obtenue à l’issue d’un petit examen en fin de formation. À l’heure actuelle, un quart des effectifs a obtenu son fameux sésame.

La Chambre de commerce et d’industrie a été mandatée pour réaliser l’ingénierie de formation et lancer les premières sessions. « En tant que chambre consulaire, elle est compétente de droit, sans avoir besoin de lancer de consultations, de répondre à nos besoins. C’est pour cette raison qu’elle a effectué ce travail », justifie Nicolas Pannier. Depuis février dernier, plus de 80 sessions ont été dispensées (750 personnes). « En plus de former les professionnels, notamment sur la législation, l’idée est de créer une culture commune pour qu’ils se sentent capables et légitimes de refuser de servir de l’alcool à une personne quand cela est nécessaire », indique Céline Soviche, responsable ingénierie à la CCI.

Des avis contrastés

Aujourd’hui plusieurs organismes de formation privés ont également intégré le dispositif et proposent des sessions. « Cette obligation est souvent perçue par les chefs d’entreprise comme une contrainte, mais c’est plutôt bien vécu par les salariés qui apprennent des choses. Pour faciliter la démarche, nous avons mis en place des sessions en distantiel. Personnellement, j’ai le sentiment que cette formation est utile », précise Brigitte Deseille, directrice du Centre territorial de formation, qui parle également au nom de son partenaire, la Sefor.

Pour Jean-Philippe Fremondière, cogérant du restaurant Au p’tit café, « ça ne sert pas à grand-chose, car on avait déjà la responsabilité de ne pas servir d’alcool dans certains cas. En tant que gérant, j’ai appris quelques éléments, notamment sur la législation. Mais ça ne valait pas la peine d’y consacrer un jour et demi ». Une position partagée par de nombreux professionnels qui ont néanmoins l’obligation de se former avant janvier prochain. L’avenir nous dira si ces investissements, très lourds pour les entreprises et la collectivité, permettront de modifier les habitudes face à l’alcool.


Quid des extras ? 

C’est une question qui est souvent posée par les professionnels de la restauration. Les extras doivent- ils être formés ? « Nous avons deux types d’extras, précise Nicolas Pannier, le secrétaire général de la province Sud. Concernant les réguliers, ceux qui interviennent de manière récurrente, mais pas forcément régulière, ils doivent obtenir l’attestation de formation. Concernant les extras ponctuels, ils n’en ont pas besoin ». Reste que les entreprises pourraient privilégier, à l’embauche, les employés déjà formés pour éviter l’investissement…


A noter

  • Dans le cadre des mesures d’accompagnement pour ceux qui sont dans une situation d’insertion professionnelle, des formations peuvent être mises en place par le Service de l’emploi de la province.
  • Les professionnels qui exerçaient déjà ont jusqu’au 25 janvier 2022 pour former leur personnel. Par la suite, les porteurs de projet qui souhaitent s’installer, auront trois mois pour fournir l’attestation. Actuellement, le taux de réussite est de 92 %. En cas d’échec, une nouvelle formation payée par l’employeur est nécessaire. Une mise à jour sera nécessaire tous les six ans, à la charge des entreprises.
  • Selon la province Sud, chaque établissement qui délivre de l’alcool sera contrôlé, soit par les policiers municipaux, soit par les agents provinciaux assermentés du service en charge des débits de boissons.

V.G.

 

©V.G.