Samedi 1er juillet, l’association SEL Fleur de niaouli tenait son marché mensuel à la Maison de quartier Magenta Soleil. Depuis 2005, ses membres échangent biens et services selon une monnaie virtuelle. Une solution anti-gaspillage et… anti-déprime.
À première vue, le marché ressemble à une petite braderie. On y trouve des vêtements, des livres, des plantes, des affaires pour la maison, et de la nourriture. Sauf qu’ici, pas question d’argent : on paie avec des fleurs de niaouli, virtuelles. Il ne s’agit pas de troc à proprement parler puisque l’on n’est pas tenu d’échanger directement avec celui dont on reçoit quelque chose. La fleur vaut 100 francs.
Autre différence : seuls les membres de l’association peuvent y participer. Tout au long de l’année, ils peuvent aussi « vendre » ou « acheter » des services de jardinage, couture, soutien scolaire, transport… De quoi combler leurs besoins à condition de donner régulièrement à leur tour.
UNE AUTRE VIE POUR LES OBJETS
Le SEL (pour système d’échange local) Fleur de niaouli, association de loi 1901, a vu le jour en 2005 en Nouvelle-Calédonie, sous l’impulsion de Martine Buchecker, désormais présidente d’honneur.
EN FRANCE ET DANS LE MONDE
La première association de ce type, destinée aux échanges locaux, a été fondée au Canada dans les années 1980 (LETS en anglais). Le premier SEL français a vu le jour en 1994 en Ariège. La Métropole en recense 840 désormais, regroupés autour de l’association nationale SEL’idaire. On trouve des SEL dans d’autres pays européens, en Australie, au Japon, en Amérique latine.
L’organisation suit le même principe que les autres SEL en Métropole, au Canada ou en Australie. L’idée est d’accéder à des échanges égalitaires et de tisser des liens au sein d’un groupe fermé qui compte ici 150 membres environ. « Il s’agit de développer une économie solidaire et locale sans argent, d’éviter le gaspillage », explique Thérèse, membre depuis des années.
Non loin de là, Nathalie évoque ses meilleures trouvailles : « des pieds de vanille, d’orchidées et de moringa ». En échange, elle aime amener des confitures, des ouvrages de couture. « Ça nous permet, quand on n’a pas de moyens ou très peu, d’aller moins dans les magasins, de donner une autre vie aux objets. » Marie, elle, a jeté son dévolu sur des ustensiles de cuisine, des livres assez anciens, dont un livre de recettes calédoniennes qui ne se vend plus. Le mois dernier, elle avait fait des impressions papier et donne parfois des heures d’aide en informatique.
FAUSSE MONNAIE, VRAIS COMPTES
Mais attention, au sein de cette petite communauté, comme ailleurs, les bons comptes font les bons amis. Il y a même une vraie « comptable des fleurs ». « Tous les mois on a notre relevé de compte, explique Nathalie qui n’a jamais eu de »découvert ». Pour être à l’équilibre, on doit donner autant qu’on reçoit sachant que c’est assez flexible, parce que parfois, tu donnes plus que ce que tu reçois et parfois c’est l’inverse. »
Au fil des conversations, on se rend compte que les Selistes, comme on les appelle, sont là autant pour le lien social que les produits, si ce n’est plus. « On se tutoie tous, on a le sentiment d’appartenir à un groupe, il y a une belle cohésion et de vraies amitiés qui se lient », confirme Marie. « Faire partie d’un SEL permet de sortir de l’isolement, de bénéficier d’un réseau d’entraide », lance Thérèse, persuadée de son utilité. L’association, dépeuplée durant le Covid, cherche actuellement de nouveaux adhérents. Les hommes et les jeunes sont notamment attendus pour plus de mixité. L’adhésion est de 1 000 francs à l’année.
Chloé Maingourd
Marie Creugnet-Basset est la nouvelle présidente de l’association SEL Fleur de niaouli. Membre depuis 2016, la jeune femme a accepté de prendre cette responsabilité à un moment où le besoin de renouvellement s’est fait ressentir. « On voulait du sang neuf et il y avait un risque que l’association ferme. Je pense que c’est d’utilité publique et donc pour éviter que ça se termine, je me suis lancée. »
Elle s’est donné pour mission de lancer une nouvelle dynamique. « Avec le Covid, on a malheureusement perdu pas mal de membres, notamment des jeunes personnes. Ce serait bien d’avoir de nouveaux venus et, dans la situation actuelle, on est vraiment persuadés que les besoins existent. »
Le SEL, la consommation responsable, est pour elle une histoire de famille.
Sa mère vendait ses œufs, elle vient désormais accompagnée de ses enfants.
« Ça leur apprend que les choses doivent vivre, qu’il ne faut pas hésiter à donner… Aujourd’hui, il faut toujours avoir le dernier truc à la mode : au bout de six mois c’est déjà obsolète et notre monde est en train de mourir, il faut arrêter de l’user comme cela. »