Budget de la Nouvelle-Calédonie : Quels leviers pour sortir du marasme ?

Le débat d'orientation budgétaire 2025 de la Nouvelle-Calédonie s'est tenu le vendredi 14 mars. (© Y.M)

Le gouvernement a défendu devant les élus du Congrès, vendredi 14 mars, les orientations de son budget 2025 et a dessiné une trajectoire pour 2026 et 2027. Son président Alcide Ponga a rappelé les obstacles ainsi que le contexte financier périlleux du territoire. « On fait avec ce qu’on a », a-t-il résumé. Ce débat d’orientation budgétaire (DOB) a mis en lumière plusieurs leviers pour bâtir l’année à venir.

Après l’hommage à Bernard Marant, décédé le 6 février, et l’examen du DOB, Veylma Falaeo a demandé une interruption de séance sans en préciser la nature. Philippe Michel, président du groupe Calédonie ensemble, en a dévoilé le contenu. Il s’agissait d’une signature commune, institutions comme groupes politiques, d’un « courrier adressé à l’État, et en l’occurrence au ministre d’État des Outre-mer pour réclamer son arbitrage politique auprès de Bercy ».

Le prêt garanti par l’État accordé par l’Agence française de développement (AFD) à la Nouvelle-Calédonie est la pierre angulaire du budget de la Nouvelle-Calédonie. « Si nous ne réglons pas cette question concernant le déblocage et le fléchage de l’aide de l’État de 120 milliards, nous ne parviendrons pas à éviter le chaos et l’effondrement », a prophétisé Philippe Michel.

Ce jour-là, il n’était plus question ‒ dans l’immédiat ‒ de transformer ce prêt en subvention, mais d’en contester les conditions imposées par le ministère de l’Économie et des Finances, à Bercy. Sonia Backès, du groupe Intergroupes Loyalistes, a évoqué ainsi des taux d’intérêt de 5 %, « c’est juste hallucinant de voir la Nouvelle-Calédonie traitée de cette manière ». « On n’est pas d’accord pour payer les 13 milliards d’intérêts intercalaires en 2025, 2026 et 2027. Ces 13 milliards vont manquer », a complété Philippe Dunoyer, du groupe Calédonie ensemble. « Il y a une chose que je ne comprends pas, […] [c’est] la force de Bercy de démonter une décision politique d’un ministre », s’est étonné Mathias Waneux (groupe UC-FLNKS et nationalistes), s’inquiétant de la capacité du gouvernement à négocier.

Thierry Santa, membre du gouvernement, a précisé que ce versement se ferait en deux fois. « Une première tranche qui est envisagée très rapidement […] doit permettre de financer » le remboursement des prêts et de « tenir jusqu’au mois de juin », sans condition. Un délai qui doit permettre « de nous laisser le temps de discuter des conditions de modalité » de la deuxième tranche. Ou bien d’obtenir une réponse au courrier commun. Ce qu’espèrent les élus du Congrès.

LE CONSTAT
-35,3 milliards de recettes fiscales
Le recouvrement brut en 2024 a été de 167,7 milliards, soit -17 % par rapport à 2023. Cette chute est due en partie à la réduction de l’activité économique, aux fermetures d’entreprises, à la baisse de la consommation ou encore à la crise immobilière.
Cinq impôts majeurs enregistrent de fortes baisses : TGC (-9,2 Mds), droits d’enregistrement (-7,5 Mds), impôt sur les sociétés (-7,4 Mds), droits de douane (-2,8 Mds) et TPP/TAPP (taxe sur les produits pétroliers et taxe additionnelle sur les produits pétroliers, -1,5 Md).
-25 % de budget
Le budget annexe de répartition regroupe les crédits dédiés au financement des collectivités territoriales (provinces et communes). Par rapport à 2023, il baisse de 28,1 milliards, soit ¼ en moins.
320 % d’endettement
Le taux d’endettement fin 2024 augmente de +161 points en comparaison à 2023 en raison des emprunts contractés auprès de l’État. Depuis 2019, cet indicateur dépasse le seuil de 90 % recommandé par l’AFD. Selon le DOB, « en retraitant les emprunts liés au Covid et à la gestion de crise 2024, le taux d’endettement propre passerait à 77 % ».
Et le PS2R ?
Son nom n’apparaît que deux fois dans le document présenté au Congrès. Le PS2R, le plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction, initié sous la présidence de Louis Mapou a-t-il disparu du débat d’orientation budgétaire ? C’est ce qui inquiète Ithupane Tieoue (groupe Union nationale pour l’indépendance) qui a rappelé que les fonds prêtés par l’État « sont adossés au plan S2R du 17e gouvernement ». « On regrette que le plan ― mais peut-être que c’est entre les lignes ― n’apparaisse pas forcément », a-t-elle souligné.
Thierry Santa, qui s’est défini comme « un des fervents acteurs dans la préparation de ce plan », a souhaité la rassurer : « Il est évident que la trajectoire qui vous est présentée aujourd’hui s’inspire au maximum de ces travaux ». De nombreuses mesures prônées par le PS2R sont reprises dans le DOB.

 

Fabien Dubedout