Baisse du niveau scolaire : « Il ne faut pas mépriser les nouvelles générations »

Plus d’un élève de sixième sur deux ne maîtrise pas les bases des mathématiques. Ce chiffre mérite d’être affiné à la lumière du niveau social de chaque établissement. De plus, l’école et la société ont beaucoup changé, insistent Jean-France Toutikian, secrétaire de l’UGPE et Érick Roser, vice-recteur.

En maths, les bases étaient maîtrisées par 42 % des élèves entrant en sixième en 2022. Pour le français, le taux était de 76 %. Ces deux résul- tats sont inférieurs à ceux obtenus lors de la précédente évaluation, réalisée en 2019 (50 % et 77 %). « Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes, avertit Romain Capron, chef de la Direction de l’enseignement. De nombreux élèves ‒ ceux qui ont tardé à revenir en classe à la suite du confinement de septembre 2021 ‒ ont été évalués après cinq mois sans école. »

Les résultats de 2022 restent largement inférieurs à la moyenne nationale, qui s’élevait à 75 % en maths et à 87 % en français, malgré deux années marquées par une succession de confinements en Métropole. Au niveau national aussi, « le niveau baisse », a concédé le ministre de l’Éduca-tion nationale, Pap Ndiaye, au mois de décembre.

NIVEAU SOCIAL, ISOLEMENT, ET HISTOIRE DE L’ENSEIGNEMENT

Il serait difficile de se satisfaire des derniers résultats, convient Érick Roser. Mais la Nouvelle-Calédonie affiche des résultats « comparables à toutes les académies ultramarines », insiste le vice-recteur. Il désigne les nombreux points communs avec la Guadeloupe, la Guyane ou la Polynésie française : « le niveau social, l’isolement et l’histoire de l’enseignement » expliqueraient un niveau scolaire équivalent.

« Ces évaluations sont une bonne chose sur le principe, car on a besoin de repères », considère Jean-France Toutikian, enseignant et secrétaire de l’Union des groupements des parents d’élèves (UGPE). « Mais les tests viennent de France. Il nous semble que l’on mériterait d’avoir des tests adaptés à la Nouvelle-Calédonie, et un enseignement adapté au contexte culturel calédonien. »

L’approche multidimensionnelle, développée par Richard Waminya aux îles Loyauté, lui semble particulière- ment prometteuse. En ce qui concerne les maths, il voit un problème. « On sait que la majorité des enseignants sont issus de filières littéraires. Il faut une sorte de rééquilibrage à l’IFM (Institut de formation des maîtres, NDLR) pour que l’on ait davantage de bacheliers scientifiques. »

SUR LE LONG TERME, LE NIVEAU S’EST-IL EFFONDRÉ ?

Exhumés des archives de temps à autre, les sujets du certificat d’études primaires, examen aboli en 1989, impressionnent souvent par leur difficulté. Dans ce registre, Pap Ndiaye a dernièrement évoqué une dictée témoin : soumise aux élèves de sixième à intervalles réguliers, elle a été victime de deux fois plus de fautes en 2021 qu’en 1987. « Il y a des choses qui sont une réalité, comme l’orthographe. » Érick Roser invite toutefois à ne pas céder aux conclusions faciles. « Toute génération a tendance à remarquer à tort que celle qui la suit sera plus préoccupante. »

Entre les programmes, les fondamentaux et l’éducation, « on en demande trop à l’école », estime le vice-recteur. « Il faut viser les fondamentaux d’abord ». Jean-France Toutikian approuve. « Il ne faut pas mépriser les nouvelles générations. Elles sont adaptées à leur époque. Moi-même, je me sens dépassé par un certain nombre de choses. Quand mon bluetooth ne marche pas, je me tourne vers les enfants. Ils règlent le problème en un claquement de doigts. » Et si le subjonctif imparfait leur est étranger, s’ils oublient davantage de « s » que leurs aînés, « c’est certainement que la société actuelle est moins exigeante sur la maîtrise du français ».

Gilles Caprais

Photo : Jean-France Toutikian, enseignant et secrétaire de l’Union des groupements des parents d’élèves (UGPE). / G.C.

Une question de « niveau social », comme souvent

En Nouvelle-Calédonie, les disparités sont « très marquées selon le profil social de l’établissement », relève l’étude publiée par le vice- rectorat.Dans les 20 % des collèges les plus favorisés, les taux de maîtrise sont de 88 % en français et 62 % en maths.

Chez les moins favorisés, les taux sont de 49 % e t10 %, «ce qui confirme la corrélation généralement observée entre l’origine sociale et le niveau des acquis des élèves ».

 

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