Augmenter les impôts en période d’inflation, une décision délicate

La réforme fiscale est lancée « au pire moment », s’insurgent les élus loyalistes. La période n’est pas idéale, reconnaissent les indépendantistes, estimant que leurs adversaires auraient dû agir lorsqu’ils étaient au pouvoir, à une époque plus favorable. Le programme a été adopté avec les voix de l’Éveil océanien, le jeudi 5 mai, au Congrès. Les mesures devront ensuite être votées une à une.

Louis Mapou voyait un « consensus sur la nécessité de réformer » la fiscalité du pays. Son plan triennal a certes été approuvé par la majorité au Congrès, jeudi 5 mai, mais le président du gouvernement s’est heurté à une opposition frontale de la part des élus loyalistes. Parmi les nombreuses critiques (« manque » de concertation, de clarté…), celle d’un « mauvais moment » revient avec insistance.

« On a un vrai problème de timing. C’est le pire moment pour engager une réforme fiscale de cette importance », s’insurge Philippe Michel (Calédonie ensemble), pour qui « les Calédoniens commencent à subir les conséquences catastrophiques de la guerre en Ukraine ». Pour Philippe Blaise (Les Loyalistes), le contexte de « crise profonde » et d’inflation « invite à la prudence, de manière à préserver les entreprises, les ménages et la croissance économique ». À son sens, la réforme devrait viser 15 milliards de francs de rendement supplémentaire par an et non une trentaine.

« On ne va pas toujours demander à la France de nous aider »
Virginie Ruffenach (Avenir en confiance) craint que ces nouveaux prélèvements ne reposent « à 80 % sur les ménages » et « sacrifient » les Calédoniens. Sonia Backes (Les Loyalistes) demande le report du vote du texte, « non pas pour qu’il ne soit jamais étudié », mais pour dire au président Mapou de « prendre le temps d’écouter » l’opposition.

« Le pays traverse un moment difficile, convient Jean-Pierre Djaïwé (UNI), mais nous sommes aussi conscients de la responsabilité que nous avons », celle de prendre « les mesures qui s’imposent pour s’inscrire dans une trajectoire vertueuse. On ne va pas toujours demander à la France de nous aider ».

Pour Milakulo Tukumuli (Éveil océanien), la présente réforme est « le rejeton de l’annexe 6 » signée en 2020 par Thierry Santa, alors président du gouvernement, qui s’était engagé à lever des impôts pour rembourser l’emprunt Covid de 28 milliards de francs garanti par l’État. Depuis, un nouvel emprunt de 21 milliards a encore gonflé la dette.

« Les caisses sont vides » par la faute des loyalistes, dénonce Marie-Line Sakilia (UC). « Vous avez eu pendant 20 ans la possibilité de développer le pays selon votre vision. » La réforme est le moyen de « redresser le résultat » de cette gestion.

« J’aurais voulu que l’on fasse cette réforme en 2010- 2011, à la suite du rapport Lieb, lance Louis Mapou. Mais c’est toujours en période de crise que l’on fait les réformes. À un moment donné, nous assumons nos responsabilités. »

Gilles Caprais


La trame de la réforme

La vingtaine de mesures prévue doit rapporter environ 30 milliards de francs par an, notamment pour redresser les finances publiques : vignette automobile
(5 milliards), taxe d’export et redevance d’extraction minière (3,6), taxe sur le sucre (2,6), réforme de l’impôt sur le revenu (4,2)… Pour « stimuler » l’économie, l’impôt sur les sociétés doit tomber de 30 à 25%.

TGC : le plan a changé

La taxe générale sur la consommation rapporte 43 milliards de francs par an, loin des 51 prévus en 2018. « Le rendement de huit milliards qu’on s’est fixé est inatteignable, ce n’est effectivement pas le moment », a annoncé Gilbert Tyuienon au Congrès le jeudi 5 mai. Pour le membre du gouvernement, « il faudra avoir des prétentions moindres. »