Au revoir « Poupoune »

France Debien, dit « Poupoune » est décédé à l’âge de 81 ans, le mercredi 25 juin, des suites d’une longue maladie. (©Rach photographies)

France Debien, figure emblématique de la Brousse, a tiré sa révérence à l’âge de 81 ans. Stockman passionné, éleveur acharné, celui que l’on surnommait « Poupoune » était aussi un homme de conviction, aujourd’hui salué par de nombreux politiques. Portrait de ce Calédonien au grand cœur également fort en gouaille qui laisse aujourd’hui un grand vide.

Les hommages pleuvent depuis l’annonce de son décès, le 25 juin. « Poupoune », le « Broussard au grand cœur » s’en est allé, sans crier gare, emportant avec lui une partie de l’histoire calédonienne et de sa Brousse natale. « On a à peine pris l’habitude de le voir sur un lit d’hôpital que ça y est, il était déjà parti. Mais finalement, c’était tout à fait lui ça : toujours très pressé, très impatient », raconte son petit-fils, Dylan Debien, se remémorant les week-ends de travaux sur sa propriété, à Témala. « Lorsqu’il montait encore à cheval, il nous faisait venir pour préparer les chargements de l’Ocef. Il nous disait de venir à 7 heures, mais lui, il était déjà là à 6 heures ! Puis, il montait sur son cheval, et nous regardait de loin. Ça, ça voulait dire : ‘’Bougez-vous !’’(rires). »

Une personnalité forte qui a épousé de nobles causes et s’est impliquée dans de nombreux domaines. À commencer par le sport. Vélo, football, basket, hippisme… « C’était un passionné », assure Gérard Pasco, ancien président de la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Calédonie. La rencontre entre les deux hommes se fait en 1973, lors du Tour cycliste de Nouvelle-Calédonie. « Lors de notre passage à Voh, plusieurs personnes, dont Poupoune, s’occupaient de la caravane du Tour et avaient organisé un pique-nique à la plage de Gatope. On avait passé une superbe journée. J’avais 15 ans, mais je m’en rappelle comme si c’était hier ! »
À Voh, Poupoune Debien est d’ailleurs à l’origine, avec son ami Gabriel Babin, de la construction de l’ancien vélodrome.

UNE FRANCHISE À TOUTE ÉPREUVE

Dévoué défenseur de la Calédonie française, il fut membre fondateur, en 1977, du Rassemblement pour la Calédonie (RPC), aux côtés de Jacques Lafleur, auquel il restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie. Après le décès de ce dernier, en 2010, France Debien fit ériger une stèle en son honneur à Ouaco, devant laquelle il lui rendait hommage chaque année, en compagnie d’autres fidèles.

« C’est un grand monsieur, à qui l’on doit beaucoup, souligne Pascal Lafleur. À titre personnel, je lui suis très reconnaissant pour ce qu’il a fait pour mon père, mais aussi en tant que Calédonien, car il a défendu une certaine orientation de la Nouvelle-Calédonie. J’appréciais sa franchise. C’était quelqu’un qui n’avait pas sa langue dans sa poche, qui disait les choses telles qu’il fallait les dire, contrairement à beaucoup qui ont une langue de bois. »

À la province Nord, où il a été conseiller durant deux mandats, de 1999 à 2009, son souvenir laisse une trace indélébile. Première vice-présidente de la collectivité, Nadège Faivre, évoque un « homme de valeur et de conviction » qui ne « s’est pas ménagé pour les défendre » et « qui ne faisait pas semblant ».

« Il existe des gens qui traversent nos vies et ne laissent jamais indifférent. Poupoune faisait partie de ceux-là […] Il était celui qui incarnait pleinement le vivre ensemble. Il était respectueux des autres communautés, impliqué et reconnu dans la vie de notre société et de son multiculturalisme. Il manquera à chacun. »

PRÉCURSEUR DANS L’AGRICULTURE

Également très investi dans le domaine de l’agriculture, il fut le fondateur de l’Upra bovine, en 1982, puis membre du conseil d’administration du Crédit agricole mutuel (CAM) et membre consulaire pendant quelque temps à la Chambre d’agriculture. Sur la côte Ouest, il était « une référence » dans l’élevage. « C’était quelqu’un en avance pour son temps. Il faisait ce que l’on appelle de l’embouche : il achetait des animaux et les engraissait. Il avait fait des pâturages et en prenait soin », souligne Gérard Pasco.

Une passion qu’il a su transmettre. À son fils, Johan, mais également à ses petits-enfants. L’un d’eux, Dylan Debien, est aujourd’hui à la tête de l’exploitation familiale, et élu à la Chambre d’agriculture et de la pêche, précise son président, Jean-Christophe Niautou. « France Debien était vraiment novateur dans sa capacité de préparer sa succession ».

« Son plus grand souhait, confie son petit-fils, c’était que l’on continue son travail. Je pense qu’il est parti serein.

Nikita Hoffmann

Poupoune Debien et son fils Johan, lors d’une course de chevaux organisée à Nouméa. (©DR)
Lors d’une course cycliste organisée dans le Nord, avec ses amis de Voh: JP. Bertrand, JR. Terrier, G.Babin, J.Debien, N.Martin et P.Sanele. France Debien se trouve à la deuxième place à droite en polo clair. (©Coll.Babin)
Poupoune accompagné de Jacques Lafleur et de Brigitte Girardin, ministre de l’Outre-mer en visite sur le territoire. (©DR)
Sur la propriété familiale, à Témala. (©DR)
Poupoune accompagné de son ami et voisin, Éric Babin, décédé il y a quelques années. (©Rach photographies)