Le restaurant de Nouméa est ouvert du mardi au vendredi. Le lundi, une partie de l’équipe profite d’un jour de repos, tandis qu’une autre prépare des plats à emporter. Les 12 employés et gérants tentent ainsi de concilier passion, travail et vie personnelle.
Pas la peine de réserver une table Au P’tit Café samedi soir ou dimanche midi. Ne comptez pas non plus sur le lundi. La fourchette horaire de l’établissement est inédite dans le monde de la restauration. Il sort les couverts quatre jours par semaine.
Les salariés et les gérants n’ont pourtant pas moins de pain sur la planche. Ils avalent leurs 39 heures de travail en moins de cinq jours. « On avait testé plusieurs concepts, mais on a décidé d’ouvrir quatre jours à fond et d’avoir trois jours de repos », explique Jean-Philippe Frémondière, l’un des co-gérants.
La formule a un peu changé avec la crise sanitaire. Depuis les confinements et les changements d’habitude des clients, buddha bowl, salades et plats du jour sont à emporter le lundi jusqu’à 14 heures. « On fait la matinée en alternance pour avoir un lundi sur deux. »
« UN CONFORT »
Paulette Haocas ne regrettera jamais les durs réveils du lundi matin. Ce « petit dimanche » fatiguant à se mordre les doigts de ne pas pouvoir rester au lit plus longtemps. L’assistante maître d’hôtel le passe désormais à s’occuper de la paperasse administrative après deux jours en famille.
Certaines semaines, elle se permet un aller-retour à Lifou. « On est plus détendu, ça contribue à une bonne ambiance dans l’équipe. Le mardi, on arrive dans la joie », constate celle au service du P’tit Café depuis 2009.
Durant ses jours de repos, le chef cuisinier et co-gérant Aurélien Bouygues préfère sortir la tête des fourneaux et prendre l’air. Il s’adonne à une autre de ses passions : le trail. « Dans un restaurant, avoir un week-end c’est rare. On fait plutôt 6,5 jours sur 7 », commente le cuistot.
Adieu les dimanches à se remettre du service du samedi sans pouvoir profiter des enfants. Bonjour les sorties familiales, les courses en pleine nature et les escapades entre amis. « C’est un confort. On peut avoir une vie de famille, organiser les anniversaires. »
À côté du restaurant, Aurélien Bouygues a trouvé le temps de développer ses propres cours de cuisine. « Ça permet de faire autre chose. On préfère avoir des salariés qui peuvent faire ce qu’ils veulent », prêche le convaincu. « Trois jours, ça permet de partir facilement en Brousse », abonde Jean-Philippe Frémondière.
BAISSE DU TURN-OVER
L’établissement en a fait un de ses arguments de recrutement. Les trois co-gérants défendent une autre vision de l’emploi, un « état d’esprit » conciliant vie personnelle et ambitions professionnelles. « On n’est pas là que pour l’argent, mais aussi pour que ça se passe bien pour nous, développe Jean-Philippe Frémondière. On veut pratiquer un métier qu’on aime sans avoir trop de contraintes. »
Bien sûr, le menu ne plaît pas à tout le monde. Les « journées trop intensives » ont découragé certaines recrues. Le faible taux de renouvellement des effectifs laisse néanmoins imaginer le succès de la carte.
En salle, trois des serveuses sont là depuis au moins dix ans. La quatrième entame sa sixième année. « En cuisine, cela bouge un peu plus parce qu’il y a toujours un besoin d’apprendre, de voyager et de découvrir d’autres façons de faire », assure Jean-Philippe Frémondière.
L’aménagement horaire n’a pas empêché l’adresse fondée en 2007 par Gabriel Levionnois de se faire un nom. Malgré la flambée des prix, l’affaire reste aujourd’hui rentable. Le restaurant continue de régaler avec ses produits locaux. Au moins quatre jours et demi par semaine.
Brice Bacquet
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