Arrivé en Nouvelle-Calédonie en septembre 2024 en tant que magistrat, Luc Briand est aussi auteur de deux ouvrages historiques.
Le hasard aide parfois à faire naître des vocations. En 1975, Jérôme Carrein tue Cathy Petit, 10 ans. Il est exécuté « le 23 juin 1977, quelques jours après ma naissance », souligne Luc Briand. La sentence a lieu à Douai, tandis que l’auteur naît à Amiens. Et surtout, le condamné est l’avant-dernier homme à endurer la peine de mort en France. « Il y avait quand même cette chose étrange de voir une exécution capitale si près de ma naissance, estime Luc Briand. La guillotine, c’est quelque chose qui était contemporain de moi, de mon existence. »
Cette curieuse coïncidence va être sa porte d’entrée dans le monde de l’écriture de non-fiction avec la sortie de La revanche de la guillotine en 2018. Ce n’est pourtant pas le premier ouvrage de Luc Briand. En 2013, il coécrit avec Emmanuel Dupic La Question prioritaire de constitutionnalité, une révolution des droits fondamentaux. Une œuvre et un sujet en rapport direct avec son métier de magistrat depuis 2006. C’est cette même profession qui le mène en Nouvelle-Calédonie puisqu’il est arrivé en septembre 2024 en tant que secrétaire général de la première présidence de la Cour d’appel de Nouméa.
Qu’est-ce qui a conduit cet homme de loi à embrasser le monde des lettres ? Ses lectures, tout d’abord. Les essais historiques et « ce qui me plaît beaucoup, c’est de lire la plume des journalistes », explique le père de famille, en citant Joseph Kessel ou plus récemment Florence Aubenas et Pascale Robert-Diard. Cette dernière a d’ailleurs chroniqué son ouvrage dans Le Monde : « D’un dossier criminel “d’une quinzaine de centimètres d’épaisseur” fermé par “une mince ficelle de corde”, l’auteur, Luc Briand, qui est aussi juge, a fait un grand livre ».
UN ÉQUILIBRE
Pour son premier ouvrage de non-fiction, l’auteur ne s’éloigne pas non plus de son domaine de compétence. « C’était rassurant de commencer l’écriture sur quelque chose qu’on connaît. » Son enquête dure quatre ans. « C’est vraiment un travail de coureur de fond l’écriture d’un livre. » Le grand romancier japonais ‒ de fiction ‒ Haruki Murakami ne lui donnerait pas tort, lui qui a écrit Autoportrait de l’auteur en coureur de fond. Avant d’écrire, Luc Briand a puisé dans son expérience de magistrat.
« C’est presque des méthodes d’investigation. On recueille toutes les pièces, la presse, les archives, les témoignages. On essaie de bâtir finalement, pas un dossier, mais un récit. » Même si l’homme distingue bien sa vie de magistrat et d’auteur, ces deux facettes ont un point commun : l’écriture. « Quand je me suis lancé, j’étais sur un poste dans lequel je n’avais pas d’écriture. J’étais dans un bureau au ministère de la Justice et ça me manquait. »
Le magistrat souligne que les mécanismes à l’œuvre sont bien différents. Dans l’écriture judiciaire, « il y a une sorte de précision mécanique qui laisse assez peu de place à l’imagination. C’est tant mieux parce qu’on n’est pas là pour faire de grandes discussions avec des opinions personnelles sur des décisions. Quand on écrit comme juge, on n’est pas là pour se faire plaisir ». Le ton est volontairement neutre et respectueux des justiciables. À l’inverse, « l’écriture littéraire permet d’avoir cette liberté qu’on n’a pas au quotidien. Ce qui fait une belle séparation et me donne plus d’équilibre dans le métier de juge ».
FOOTBALLEUR NAZI
Cette liberté, l’écrivain a voulu la retrouver. Et le hasard s’en est de nouveau mêlé. « Sur le deuxième bouquin, le sujet m’est tombé dessus comme ça, une procrastination sur Wikipédia. J’ai découvert le personnage d’Alexandre Villaplane, je fais quelques recherches, et je trouve ça incroyable qu’on ait le capitaine de l’équipe de France de football de la première Coupe du monde en 1930 qui soit devenu nazi et que rien ne soit écrit dessus. »
L’auteur applique les mêmes méthodes et sort Alexandre Villaplane, capitaine des Bleus et officier nazi en 2022. L’ouvrage se fait de nouveau remarquer. Où le hasard va-t-il ensuite conduire l’auteur ? Dans le Pacifique où il a posé ses valises ? « Face à l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, il faut rester humble. C’est une histoire extrêmement complexe, y compris pour ceux qui sont là depuis des générations. Donc, je pense que je n’oserai jamais m’aventurer sur ce terrain-là », assure-t-il. Luc Briand a de toute façon un autre sujet en tête : les femmes et les Années folles. Impossible d’en savoir plus. Un bon magistrat, et un auteur avisé, sait conserver le secret sur ses dossiers.
Fabien Dubedout
Ses ouvrages : La revanche de la guillotine (2018) et Le Brassard. Alexandre Villaplane, capitaine des Bleus et officier nazi (2022), aux éditions Plein Jour.