Athlétisme : Loan Ville, au-delà des barrières mentales

La championne de France junior du 400 mètres haies a eu le « déclic » et s’autorise désormais à « rêver ». Fortement soutenue par sa famille et son école, concentrée sur ses objectifs, elle estime qu’elle a désormais « tout pour réussir ».

Index et pouces joints, Loan Ville forme sa bulle et ferme les yeux. Elle plonge dans les bons souvenirs, se laisse envahir par une émotion positive. Ce rituel de concentration ne la quitte plus. Adopté l’année dernière, il a immédiatement fait ses preuves aux championnats de France junior d’athlétisme. Meilleur temps des demi-finales, Loan Ville était favorite, un statut parfois difficile à assumer. « Avant la finale, dans la chambre d’appel, j’ai senti que les filles autour de moi étaient stressées. Je suis entrée dans ma bulle et là, j’ai eu cette certitude. Je me suis dit « désolée les filles, aujourd’hui, c’est moi qui vais gagner ! » »

Championne de France junior du 400 mètres haies, avec un nouveau record personnel en moins d’une minute (59 »47), la sportive de 19 ans a franchi deux barrières psychologiques d’un coup. « Maintenant, je peux commencer à rêver », dit celle qui vise une qualification aux championnats d’Europe espoirs cette année. D’où vient le déclic ? « Les séances avec ma préparatrice mentale, Pascale Bastien-Thiry, m’ont beaucoup aidée. Je me suis libérée de la peur de perdre. »

SUR MESURE

Eric Reuillard, son entraîneur, constate un changement radical, sur la piste et en dehors. « Elle doutait beaucoup. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout la même jeune femme. Elle est beaucoup plus épanouie. » Si son athlète « rayonne », c’est aussi grâce à l’allègement d’une certaine charge mentale liée aux études, qui affectait parfois la qualité de ses six entraînements hebdomadaires.

L’École de gestion et de commerce (EGC) a accepté dernièrement un aménagement de son emploi du temps : pour ses deux dernières années d’études, Loan Ville bénéficiera d’un étalement sur quatre ans, comme les sportifs de haut niveau en Métropole. « Ça nous donne les moyens de bien travailler », se réjouit Eric Reuillard. Les soins, la kinésithérapie, l’ostéopathie, le renforcement… « L’an dernier, Loan n’avait jamais le temps. Maintenant, on est serein. On va pouvoir incorporer dans sa semaine l’ensemble de ces éléments très importants pour atteindre l’expertise. »

Son emploi du temps laissera toutefois peu de place à autre chose que l’athlétisme. Peu importe, dit-elle. « Le sport, c’est ma vie ! Et je me rends bien compte de la chance que j’ai. Je suis soutenue par tout le monde. J’ai tout pour réussir. »

Gilles Caprais

Photo G.C. : La saison commence idéalement : à Auckland, début février, Loan Ville a signé un nouveau record personnel sur 400 mètres (55 »35). / © G.C.

Le club de Koumac, fondé pour elle

L’aïkido, l’équitation, le tennis, le rugby… Loan Ville a essayé sans adopter. « Elle voulait absolument faire de l’athlétisme. Elle nous a répété ça pendant un an ou deux… Je l’accompagnais aux cross, et je voyais bien qu’elle avait du potentiel », se souvient Daniella Ville, sa mère. Mais à Koumac, pas de club d’athlétisme.

Pragmatiques, ses parents ont tout simplement créé un club pour leur fille. « On n’y connaissait pas grand-chose. On ne savait pas trop dans quoi on se lançait, on était stressés… Mais la mairie et la ligue nous ont bien aidés, et ça a marché. » Fondé en 2016, le Koumac Nord Athlé compte

35 licenciés, lance une section sport santé et organisera le 6 août son premier grand événement, un trail au départ de Pagou.

Fière de son club, « Lo » porte toujours ses couleurs, cinq ans après avoir rejoint Eric Reuillard à Jules-Garnier. « Je voulais que ma fille aille à Pouembout. Ça a été tellement dur de la laisser partir à Nouméa… Mais je ne regrette pas. Elle a pris confiance en elle. Elle vit dans un appartement, elle part en stage à Auckland toute seule, elle prend les bonnes décisions… » Daniella Ville doit se rendre à la terrible évidence. « Ça y est, c’est une grande. »