Publiée fin 2024 dans la revue scientifique PLOS Medicine et partagée ces dernières semaines en Nouvelle-Calédonie, l’étude Covcal a porté sur la réponse immunitaire de la population locale à la vaccination contre la Covid-19. Éclairage de la chercheuse dans l’unité dengue et arbovirose de l’institut Pasteur à Nouméa, Catherine Inizan.
DNC : Pourquoi avoir lancé une étude sur la réponse immunitaire de la population de Nouvelle-Calédonie à la vaccination contre la Covid-19 ?
Catherine Inizan : Les études d’efficacité des vaccins au niveau international n’avaient pas montré de différence de réponses entre les communautés. Au moment du déploiement du vaccin sur le territoire, nous souhaitions confirmer la qualité de la réponse au vaccin, en Nouvelle-Calédonie aussi. Les prélèvements ont été réalisés entre janvier et août 2022 auprès de 585 participants à leur domicile. Ces personnes incluses dans les centres de vaccination étaient volontaires pour participer à cette étude, qui est d’ailleurs l’une des premières en Nouvelle-Calédonie réalisées en population générale, non malade.
Et d’après les résultats, la réponse immunitaire à la vaccination est bonne…
Oui. À la suite de la vaccination, tous les participants ont développé des anticorps, détectables un mois, mais aussi six mois après la troisième dose. Tout le monde a donc conservé ses anticorps et bien répondu à la vaccination. Quels que soient les communautés d’appartenance de la Nouvelle-Calédonie, l’âge et le sexe. Les Océaniens étaient représentés dans d’autres études sur la réponse à la vaccination, mais de façon bien moindre que les autres communautés. Il y avait donc également besoin d’une confirmation : que la réponse immunitaire était efficace au sein des populations du Pacifique.
D’autant que « les Océaniens sont à risque de faire un Covid sévère » selon la restitution de l’étude…
L’obésité est malheureusement très répandue en Nouvelle-Calédonie et est connue comme un facteur de risque de Covid sévère. Des études américaines ont démontré que les gens du Pacifique étaient plus à risque de développer des formes sévères de Covid. Il a été observé, en outre, en Nouvelle-Calédonie, dans les services de réanimation, une plus forte représentation des populations du Pacifique parmi les personnes hospitalisées. D’après nos résultats, les Océaniens répondent bien au vaccin, d’où l’intérêt de vacciner cette population à risque.
Il y avait une interrogation sur les critères ethniques ?
Nous n’avions pas de doute sur le fait que les gens répondraient à la vaccination par le développement d’anticorps. Ce qui pouvait différer, c’était peut-être la capacité à neutraliser certains variants qui aurait pu être plus ou moins importante chez les Océaniens, qu’ils soient Mélanésiens ou Polynésiens. La question portait donc davantage sur les fonctions des anticorps plutôt que sur leur production. Nous anticipions que les gens allaient répondre à la vaccination, mais il fallait le montrer.
Deux variants ont circulé sur le territoire. Une différence a-t-elle été notée dans la réponse ?
Il y a eu deux variants en effet, Delta et Omicron. Dans notre étude, nous n’avons pas vu de différence dans la capacité à bloquer les variants entre les communautés, ni dans les taux d’anticorps.
Comment expliquer cette forme d’universalisme dans la réponse immunitaire ?
Le vaccin est de type ARN messager [ou acide ribonucléique messager, une molécule retrouvée dans toutes les cellules, Ndlr]. Ce vaccin provoque une réponse anticorps efficace. On peut supposer que les mécanismes qui conduisent à la mise en place de cette réponse sont partagés à travers les communautés ethniques.
L’âge du vacciné joue-t-il un rôle dans les résultats ?
La réponse initiale n’est pas différente en fonction des classes d’âge. En revanche, nous observons une décroissance plus rapide des taux d’anticorps chez les personnes âgées. D’où l’intérêt de mettre en place des doses de rappel chez les aînés, parce que la Covid-19 continue de circuler. La raison est sans doute liée à l’immunosénescence : le vieillissement du système immunitaire le rend moins efficace à produire des anticorps de manière soutenue.
Que va devenir l’étude ?
Nous espérons qu’elle va contribuer à informer les décisions de santé publique en relation avec la vaccination des personnes âgées. Elle soutient les recommandations de la Direction des affaires sanitaires et sociales. Les personnes concernées ont accepté l’utilisation de leurs échantillons dans le cadre d’études ultérieures sur les maladies qui touchent les populations de Nouvelle-Calédonie. Actuellement, nous sommes en train d’étudier la qualité de la réponse des anticorps contre le virus de la dengue.
Propos recueillis par Yann Mainguet
L’étude était soutenue par l’institut Pasteur, mais aussi par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les maladies infectieuses émergentes et la Fédération hospitalière de France. De plus, les recherches ont été menées en partenariat avec le CHS, la DPASS, l’ASS et le CHT.