Affaires sensibles à Paris

Arrival of Gerald Darmanin at the New Caledonia Congress. New Caledonia, Noumea, December 2, 2022. Photography by Delphine Mayeur / Hans Lucas. Arrivee de Gerald Darmanin au congres de la Nouvelle-Caledonie. Nouvelle-Caledonie, Noumea, 2 decembre 2022. Photographie par Delphine Mayeur / Hans Lucas. (Photo by Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Les délégations indépendantistes et non indépendantistes sont à Paris une semaine pour des rencontres bilatérales avec la Première ministre et le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Les discussions vont se concentrer sur les deux points les plus sensibles : le corps électoral pour les élections provinciales et le droit à l’autodétermination.

« On commence par le plus dur », commente Gil Brial. Ce représentant des Loyalistes aurait bien vu une entame par les points de convergence.  « Mais Gérald Darmanin a proposé de s’attaquer d’emblée aux sujets qui fâchent et finalement c’est une bonne idée. Les évacuer nous donne une chance d’avancer sur le reste. Car la sortie de l’Accord de Nouméa doit se faire avec un projet global de refonte des institutions, des finances, de la fiscalité, du nickel, etc. Pas seulement sur ces deux points. »

Depuis des mois, ces thèmes clivants se sont dégagés. Les indépendantistes ne veulent pas revenir sur le corps électoral gelé pour des raisons de représentativité et d’accès à l’indépendance.

Les non-indépendantistes ne sont pas demandeurs d’un droit à l’autodétermination, inscrit dans la Constitution, qui peut impliquer un nouveau référendum alors que les Calédoniens se sont prononcés par trois fois en faveur du maintien dans la France.

« L’ÉTAT N’A PAS LE CHOIX »

Des discussions préparatoires vont se tenir entre non-indépendantistes pour parler d’une seule voix, comme avant la Convention des partenaires d’octobre 2022. Les Loyalistes, rappelle Gil Brial, avaient présenté leurs positions lors d’un séminaire en février. « On est conscient qu’il doit y avoir un corps restreint. Mais nous défendons un processus beaucoup plus simple avec un corps électoral provincial glissant pour les personnes ayant trois années de résidence. »

Le Rassemblement, présidé depuis peu par Alcide Ponga, a présenté sa feuille de route la semaine dernière. Il va « ardemment défendre l’ouverture du corps électoral qui ne peut plus être gelé et qui exclut des milliers de personnes de la citoyenneté », explique Virginie Ruffenach. « L’État n’a pas le choix d’ouvrir le corps électoral. Il contrevient à ses engagements à la Cour européenne des droits de l’homme, et au niveau international », insiste Gil Brial.

 

Le spectre d’un corps général

Pour rappel, Gérald Darmanin avait annoncé lors de son dernier déplacement que les élections provinciales ne pourraient se tenir en 2024 sur la base du corps électoral gelé, les trois référendums ayant mis un terme à ce point de l’Accord de Nouméa. Il appelait les élus à trouver un accord, agitant le spectre d’un corps général imposé par l’État.

 

Selon eux d’ailleurs, l’inscription sur les listes de la dernière génération des jeunes majeurs (les petits enfants) n’est même pas prévue par les dispositions actuelles qui avaient une durée limitée. Ensuite, pour Les Loyalistes, « le droit à l’autodétermination ne pourrait être déclenché qu’une seule fois par génération maximum sans obligation et par les Calédoniens eux-mêmes ».

Le Rassemblement défend « la possibilité du déclenchement uniquement par une consultation des Calédoniens qui devraient se prononcer en ce sens à une très large majorité ». Leurs positions sont similaires, de quoi s’entendre… L’unité sera plus difficile avec Calédonie ensemble. « Nous travaillons très bien avec Philippe Dunoyer, mais Philippe Gomès dit toujours l’inverse de ce qu’on dit », résume Gil Brial.

Virginie Ruffenach attend des indépendantistes « qu’ils s’inscrivent dans les pas de leurs prédécesseurs qui ont su s’asseoir à la table des discussions pour tracer une feuille de route commune » et l’idéal serait, selon Gil Brial,  d’atteindre une trilatérale au dernier jour de ce déplacement, ce qui est improbable. Leurs interlocuteurs souhaiterons d’abord consulter leurs bases.

« ACQUIS IRRÉVERSIBLE »

Le FLNKS fait son retour dans la capitale. Il s’inscrit dans le dialogue depuis la venue de Gérald Darmanin et est même désormais « fermement convaincu que c’est par la discus sion que l’avenir du pays se dessinera » comme déclaré le 28 mars au sortir du bureau élargi de Koné.

Le Front réaffirme que le corps électoral citoyen « reste un acquis irréversible de l’Accord de Nouméa » et que sa modification « pourrait fragiliser la paix sociale ». Il explique aussi que « le contentieux colonial, accentué par celui du 12 décembre, renforce l’ultime conviction du peuple kanak d’acquérir son indépendance ».

Pour « plus de garanties et de sérénité », le FLNKS semble vouloir rassurer : « toutes les décisions importantes seront actées en Kanaky ». Dans un communiqué publié mercredi 5 avril, le président de l’Union calédonienne Daniel Goa a exhorté le FLNKS à « défendre haut et fort l’accession à la pleine et entière souveraineté dès 2025 ».

Le corps électoral spécifique constitue selon lui le levier de la constitution du futur peuple calédonien et « partager ensemble un pays avec des personnes avec qui nous ne partageons pas d’histoire commune (lui) parait insurmontable ».

Chloé Maingourd

Gérald Darmanin va recevoir à Paris les délégations en rang séparé. D’un côté, Les Loyalistes, Le Rassemblement/Avenir en confiance et Calédonie ensemble, de l’autre le FLNKS. L’Éveil océanien fait également le déplacement. / © Delphine Mayeur / Hans Lucas via AFP

 

Un petit accord avant un grand accord

Ces questions sensibles réglées, il est estimé qu’il sera plus facile d’avancer sur les autres thématiques (institutions, finances, nickel, etc.). Le calendrier de Gérald Darmanin prévoit pour septembre la rédaction d’un projet d’avenir et une modification de la Constitution au premier semestre 2024.