L’avenir institutionnel se discute dans la capitale. Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, marche sur un fil au milieu d’une classe politique calédonienne divisée, tant sur la forme des délégations que sur le fond des propositions.
« Après les évènements de mai 2024, qui l’ont plongée dans un profond marasme, la Nouvelle-Calédonie doit trouver le chemin pour construire son avenir. » Dans ce but, « le processus politique doit reprendre et le dialogue doit être renoué ».
Dans un courrier du 28 janvier consulté par le journal DNC, le Premier ministre François Bayrou a invité, à compter du mardi 4 février à Paris, les forces politiques constituées en groupe au Congrès à des rencontres bilatérales. Des discussions que le locataire de Matignon espère « approfondies, intenses » et ouvertes tant sur les questions institutionnelles qu’économiques ou culturelles. « Si les conditions sont réunies », pointe François Bayrou – et le terme est important –, ces échanges pourront « aussitôt » se poursuivre cette fois avec tous les responsables politiques réunis et l’État.
LA MISSION DU MINISTRE
Cette séquence parisienne représente tout d’abord un vrai test pour le ministre chargé des Outre-mer, Manuel Valls. L’ancien Premier ministre, qui a notamment travaillé en 2016 sur les enjeux de la consultation d’autodétermination et le sauvetage des usines SLN et Vale NC, a aujourd’hui pour mission « de trouver les voies et moyens de restaurer le processus politique », indique la lettre de François Bayrou.
Les entretiens bilatéraux doivent d’ailleurs préciser une méthode, un calendrier et le contenu de négociations. Dans l’optique de cette phase de pourparlers plus poussés, le gouvernement entend proposer un document de travail, une base, un socle. Un point est certain, les émeutes du 13 mai 2024 ont corrigé tous les travaux antérieurs. En clair, le logiciel a changé.
Faut-il être confiant ? D’entrée, une situation étonne : la dispersion des forces. La présidente du Congrès, Veylma Falaeo, a rencontré le président de la République, Emmanuel Macron, qui s’est aussi entretenu avec Sonia Backès, présidente de la province Sud, après avoir salué Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qui a croisé l’élue du Rassemblement, Virginie Ruffenach, et le président du gouvernement calédonien, Alcide Ponga… Les indépendantistes ont de même leurs réseaux. Bref, chacun fait du lobbying pour le bien de la Nouvelle-Calédonie, qui n’est pas non plus inutile pour la communication de la précampagne électorale.
LE FÉDÉRALISME DIVISE
La dispersion des points de vue est en outre notable. Les groupes Loyalistes et Rassemblement défendent, tant dans les meetings calédoniens que dans les bureaux parisiens, le concept du fédéralisme interne. C’est-à-dire une hyperprovincialisation ou des provinces aux compétences nettement accrues.
Calédonie ensemble, parti qui a également appelé à voter « non » à l’indépendance par trois fois, n’est pas du tout favorable à ce principe. Et prône davantage la construction d’un chemin entre les aspirations à la souveraineté externe sans rompre le lien avec la France et l’ambition d’une souveraineté provinciale plus affirmée sans porter atteinte à l’unité du territoire.
Un décalage dans les réflexions est aussi observé chez les indépendantistes. Réunis sous la bannière de l’UNI à Paris, le Palika milite pour une indépendance en partenariat avec la France et l’UPM en faveur d’une souveraineté partagée, deux visions très proches. Tandis que le FLNKS avec l’Union calédonienne et huit composantes nationalistes a déroulé ses calendrier et convictions pour aboutir avant 2030 à l’accession de l’archipel à la pleine souveraineté.
À court terme, le Front veut présenter à sa base les informations recueillies lors des bilatérales à Paris, avant des négociations avec l’État en Nouvelle-Calédonie.
Rassembler les ambitions autour d’un projet commun et partagé ne sera pas facile. « Il y a un avant et un après 13 mai. Chacun devra prendre ses responsabilités, c’est la mission qui m’a été confiée », estimait le ministre Manuel Valls, dans une interview accordée vendredi 24 janvier au quotidien Ouest-France. La méthode sera le « dialogue ».
À l’Assemblée nationale mardi 4 février, à la suite d’une question du député Emmanuel Tjibaou, l’actuel hôte de la rue Oudinot a encouragé les élus à « sortir de toutes les positions radicales ». Si des avancées sont constatées, l’ancien Premier ministre socialiste pourrait se déplacer en Nouvelle-Calédonie au milieu ou à la fin du mois.
Yann Mainguet
Et le 31 mars ?
Une date butoir figure dans l’agenda des responsables politiques : le 31 mars, terme légal pour la construction d’un accord global intégrant un accord sur le corps électoral provincial, dans la perspective de la tenue d’un scrutin en novembre.
Dans le courrier remis aux élus, le Premier ministre François Bayrou est plus nuancé. « Sans chercher à fixer un terme impératif à des négociations que je sais délicates, je constate que s’inscrire dans un tel calendrier permettrait de traduire ensuite, dans notre loi fondamentale, un tel accord dans des délais assurant l’organisation de la consultation des citoyens de la Nouvelle- Calédonie dans de bonnes conditions. »