À Paris comme en Nouvelle-Calédonie : le temps des grandes manœuvres

Les lendemains de scrutins législatifs sont rarement aussi féconds en recompositions et repositionnements politiques ! L’élection d’Emmanuel Macron a totalement chamboulé l’échiquier électoral. Chacun tente aujourd’hui d’y placer ses pièces : c’est vrai en France métropolitaine comme en Nouvelle-Calédonie. Partout, c’est le temps des grandes manœuvres.

 424 « petits nouveaux ». – Semaine d’installation pour les nouveaux élus à l’Assemblée nationale. À l’issue du scrutin du 18 juin, ils ne sont pas moins de 424 primo- députés sur 577 à découvrir pour la première fois les couloirs et les arcanes du Palais-Bourbon, l’écharpe tricolore sous le bras. Parmi eux, Philippe Dunoyer, coaché, « mais de loin », par Philippe Gomès, pour ne pas lui gâcher « le plaisir de la découverte », apprend-on dans Les Nouvelles calédoniennes de lundi.

Gomès et Dunoyer « constructifs ». – Pendant la campagne électorale et à quasiment chaque réunion publique, Philippe Gomès et Philippe Dunoyer ont indiqué qu’une fois élus à l’Assemblée nationale, ils siégeraient au sein du groupe Les Républicains. Moitié de vérité ou demi mensonge, puisque c’est vrai, les deux députés calédoniens ont rejoint le groupe « Les Républicains constructifs UDI et indépendants », qui regroupe les élus Républicains, « macron- compatibles ».

Divorce. – Rien à voir avec le groupe des Républicains « orthodoxes », que préside Christian Jacob et qui rassemble le gros des troupes anciennement sarkozystes, soit quelque 90 députés. Ainsi que les figures historiques de cette famille politique, qui a toujours marqué sa préférence pour la Calédonie française. Le divorce couvait entre les deux branches de la famille : « On vivait encore côte à côte, mais on ne s’aimait plus », résume Xavier Bertrand, le président des Hauts-de-France. Certainement encore une séquelle des primaires à droite et qui n’est pas sans rappeler les tensions qui secouent la même famille politique. Mais en Nouvelle- Calédonie.

Un ex-socialiste au perchoir. – L’apprentissage des nouveaux députés est bref. Mardi, ils ont élu François de Rugy, dont c’est le troisième mandat de député de Loire-Atlantique et, bien sûr, le premier sous l’étiquette LREM. Ancien d’Europe Écologie-Les Verts, proche du Parti socialiste, François de Rugy avait été l’adjoint de l’ancien Premier ministre, Jean-Marc Ayrault à la mairie de Nantes. Une petite déconvenue pour le Président Macron, qui aurait préféré voir une femme s’installer au perchoir, surtout que les députées ne comptent que pour un peu plus de 40 % de la représentation nationale ! Cet élu de 43 ans succède donc à Claude Bartolone, député socialiste de Seine-Saint-Denis et grand connaisseur du dossier calédonien, mais qui ne se représentait pas.

Transparence. – Le tranquille élu de la façade Atlantique, dont ce sera aussi le dernier mandat, promet ni plus, ni moins, que d’offrir « plus de transparence au travail législatif » et d’éviter « que cette assemblée ne se transforme en théâtre des petites phrases ». François de Rugy prend donc les clefs de l’hôtel de Lassey, la résidence du président de l’Assemblée nationale, dont on dit qu’elle possède la meilleure cave en bordeaux de la République, depuis qu’elle fut occupée par Jacques Chaban-Delmas pendant près de…seize années.

Rentrée le 4 juillet. – La rentrée parlementaire est fixée au mardi 4 juillet : vraisemblablement après la réunion (non confirmée) d’un congrès à Versailles (Assemblée et Sénat réunis pour entendre le président de la République). Le jour de la fête nationale américaine sera aussi la Saint Edouard Philippe, qui prononcera, ce jour-là, sa déclaration de politique générale, suivie du vote de confiance (ce qui n’est pas le cas en Nouvelle- Calédonie), qui lance effectivement le travail parlementaire de la mandature.

Le fidèle et les « bleus ». – C’est à Richard Ferrand, le fidèle du président de la République, l’exfiltré du premier gouvernement d’Edouard Philippe, redevenu député du Finistère, qu’il reviendra de piloter le groupe composé des 308 élus de La République en marche. Un sacré travail de cohésion lui sera nécessaire pour encadrer les « bleus » de la nouvelle majorité.

La pendule s’arrête en novembre 2018. – Parallèlement, mais loin de Paris, où Assemblée et Sénat vont apprendre à travailler ensemble, les institutions calédoniennes préparent leur renouvellement, en vue de la dernière année pleine avant l’échéance du référendum. À mi-mandat des provinciales, les législatives marquent en général une inflexion de la politique locale et un changement d’exécutif. Cette fois, chacun a l’œil rivé sur novembre 2018 : l’enjeu est capital et le compte à rebours a commencé. Donc, pas sûr qu’il faille attendre de grands bouleversements dans nos institutions…

Stabilité au Congrès. – Fin de ce mois, le Congrès entrera en session ordinaire, avec un renouvellement de son bureau programmé début juillet. L’accord signé à quatre entre Calédonie ensemble, le Rassemblement, le MPC de Gaël Yanno et Tous Calédoniens (qui n’a pas d’élu boulevard Vauban) devrait apaiser le débat. Thierry Santa pourrait ainsi rempiler pour une troisième année au perchoir de l’hémicycle : d’autant que l’élu Rassemblement fait consensus, au-delà de sa famille politique et jusqu’aux sphères indépendantistes, d’ailleurs… Pour l’heure, nul n’a encore fait acte de candidature, mais ce scénario, que personne ne dément, semble le plus vraisemblable.

Germain rempilerait au gouvernement. – Aux dernières nouvelles, Calédonie ensemble souhaite conserver la présidence du gouvernement : « Pas question de mettre le fauteuil de l’exécutif dans l’hypothétique corbeille d’une quelconque mariée », scandent les proches de Philippe Gomès. Chacun le sait pourtant, le bilan économique et social du gouvernement Germain fait pour le moins débat. Y compris dans son propre camp, où le personnage est souvent jugé trop « abrupt ». Pour autant, et faute de candidat sérieux pour le remplacer, Philippe Germain semble tenir la corde pour se succéder à lui-même.

Nouvelles têtes, rue des Artifices ? – C’est au sein du gouvernement que des changements pourraient intervenir. Avec l’accord à quatre « Pour une Calédonie dans la France et dans la paix », conclu entre les deux tours, Calédonie ensemble et le Rassemblement de Pierre Frogier pourraient totaliser cinq élus au gouvernement : à voir comment se répartiront les postes… Et quelle place restera au parti de Yanno. Les Républicains de Sonia Backes, qui pourraient bien eux aussi former un groupe au Congrès (Philippe Blaise l’a confirmé sur NC 1ère), auraient un élu au gouvernement. Le reste aux indépendantistes, qui s’interrogent encore une fois sur l’opportunité de maintenir Anthony Lecren (UC) rue des Artifices. Mais c’est une autre histoire.

M.Sp.

©DNC/M.D- AFP