À l’IAC, « on est persuadés qu’on va trouver une solution rapidement »

Dans la pépinière destinée à la restauration des sites miniers, la chercheuse Yawiya Ititiaty prend soin de ses Cyrtandra mareensis. Photo : Gilles Caprais.

L’Institut agronomique néo-calédonien est confronté aux lourdes dégradations de son site de Port-Laguerre et à l’absence de versement d’une partie de ses subventions. Pour Laurent L’Huillier, le directeur, l’importance des missions de l’IAC réclame un sauvetage rapide.

À Port-Laguerre, les scientifiques ont trouvé refuge dans un petit bâtiment excentré, épargné par des émeutiers. Les bureaux sont rustiques mais ont le mérite d’exister. La pépinière de Yawiya Ititiaty est intacte. « Ça fait trois semaines que je suis de retour sur le site et ça fait beaucoup de bien », souffle la spécialiste de la restauration écologique des sites miniers, qui avait mal vécu la période d’éloignement. « Avec les autres chercheurs, on mange à nouveau ensemble, on discute de ce qu’on pourrait faire pour redynamiser le site, on lance de nouveaux essais… On retrouve la motivation. »

Au-delà de cet îlot préservé, le site technique et scientifique de Port-Laguerre, à Païta, victime de plusieurs intrusions aux mois de mai et juin, n’est plus que l’ombre de lui-même. Sud Forêt est en cendres. Les bâtiments des services provinciaux ont été fortement dégradés. Au bout du chemin, le bâtiment principal de l’IAC est également endommagé. À l’intérieur, tout est parti : ordinateurs, téléphones, appareils à ultrasons pour l’étude des chauves-souris, caméras thermiques… Avec la perte de sept véhicules et de deux docks techniques, les dégâts s’élèvent à 68 millions de francs.

LES ÉCHANTILLONS, PERTES INESTIMABLES

« Le matériel, on peut toujours le racheter », soupire Laurent L’Huillier, directeur général de l’IAC. La perte inestimable est celle des échantillons scientifiques, partis en fumée dans l’incendie des congélateurs. Fabian Carriconde, spécialiste de l’écologie microbienne et moléculaire, a perdu 12 ans de travail.

Fabrice Brescia, dont les recherches portent sur la biodiversité, est privé d’une grande quantité de prélèvements, mais aussi de plusieurs spécimens de roussettes, brûlées vives dans l’incendie du bâtiment d’élevage. « Ça faisait partie d’études sur la santé humaine, en lien avec l’Institut Pasteur et le Médipôle… », regrette celui qui, après une phase de « stupéfaction », a rapidement rebondi au nom des missions d’intérêt public qui sont celles de l’IAC. « Les problématiques agricoles, d’alimentation, de changement climatique n’ont pas été amoindries par la crise et certaines ont même été exacerbées, constate Fabrice Brescia. On a un rôle à jouer et on a encore plein de projets à mener. »

Lundi 26 août, les ouvriers s’attaquaient à la sécurisation des accès du bâtiment principal. (© Gilles Caprais)

URGENCE FINANCIÈRE

Des projets de recherche, il y en a : 27 en cours, plus 10 autres prêts à être lancés. « Mais les projets ne sauveront pas l’IAC, prévient Laurent L’Huillier, puisqu’ils ne financent pratiquement jamais les dépenses de fonctionnement », soit 485 millions par an, principalement constitués des salaires. Cette année, l’État a payé ses 40 %. La Nouvelle-Calédonie doit encore les deux tiers de ses 30 %. La province Nord a versé sa part. Les Îles et le Sud n’ont pas payé.

L’Institut agronomique, qui ne peut pas licencier pour motif économique – les équipes sont composées de 46 fonctionnaires et agents contractuels de droit public – est menacé de cessation de paiement au mois de novembre.

Le directeur ne peut pas croire à ce scénario catastrophe. « Sa création, en 1999, a répondu à une volonté politique des membres fondateurs dans le cadre de l’accord de Nouméa. Depuis 25 ans, il fonctionne bien. On est au service de l’intérêt général. Les agents sont passionnés par leur travail et ils sont attachés à l’IAC : en moyenne, ils ont 18 ans d’ancienneté. Alors on fait du lobbying, on explique l’importance de nos missions. On est persuadés qu’on va trouver une solution rapidement, même s’il faut passer par une réduction des effectifs. »

Gilles Caprais