C’est un Comité exceptionnel avec un ordre du jour unique qui se tient ce vendredi 5 juin, à l’hôtel Matignon. Après environ un mois de préparation, l’état veut aborder avec les élus les difficultés que pose son projet de modification de la loi organique. Les délégations calédoniennes ont fait le déplacement pour tenter de dénouer l’écheveau des questions de listes électorales d’où pourrait émerger un accord politique.
Pour l’état, il y avait urgence à organiser un Comité des signataires exceptionnel. La question du droit de vote et de l’inscription sur les listes électorales spéciales, qu’elles soient provinciales ou référendaires, empoisonne la vie politique et la société calédonienne tandis que l’état se voit accusé par les non-indépendantistes d’en être à l’origine.
En cause d’abord, sa récente décision de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation en ce qui concerne la liste électorale spéciale pour les provinciales. Une décision qui met à bas « la doctrine Ayrault », une approche plus souple formulée en 2014 par le Premier ministre de l’époque. Selon elle, devaient être inscrites sur les listes électorales les personnes présentes en 1998 : l’inscription sur la liste électorale générale cette année-là était un des moyens – mais pas le seul – d’apporter la preuve de cette présence. Qualifiée de « trahison » ou de « changement de cap », cette décision qui lie le droit de vote aux élections provinciales à l’inscription sur la liste électorale de 1998, a suscité contre l’état une véritable levée de boucliers des loyalistes.
Puis, est intervenu le projet de modification de la loi organique sur le corps électoral du referendum d’autodétermination avec une différence de traitement entre les natifs de statut coutumier et les autres, dont on a parlé plus récemment.
Les entretiens bilatéraux entre les délégations calédoniennes et les représentants de l’état, d’abord à Nouméa au sein du haut-commissariat, puis cette semaine à Paris, avec le cabinet du Premier ministre, celui des Outre-mer ainsi que l’Elysée ont permis de dégager un ordre du jour unique, les listes électorales spéciales, lui-même divisé en trois sous-sujets : la question de l’inscription d’office des natifs sur la liste électorale référendaire, la composition et le fonctionnement des commissions électorales et enfin la liste spéciale pour les provinciales.
La virgule
de la discorde
Au Comité des signataires d’octobre 2014, les groupes politiques ont réclamé l’inscription d’office de certaines catégories d’électeurs sur la liste électorale référendaire afin de dispenser certains électeurs de toutes démarches. Du côté de Paris, on explique aujourd’hui que les catégories d’électeurs définies par l’article 218 de la loi organique ne peuvent pas toutes en bénéficier, faute de preuves matérielles en possession de l’administration que seuls les demandeurs peuvent fournir. Or, le véritable sujet de discorde qui a cristallisé les tensions ces dernières semaines porte sur le petit « d » de cet article selon lequel sont admis à s’inscrire ceux qui ont eu le statut civil coutumier ou ceux qui nés en Nouvelle-Calédonie y ont eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux (CIMM).
« L’article 218 ne retranscrit pas parfaitement ce qui est écrit dans l’Accord de Nouméa. Il y a eu un raté à l’époque », constate-t-on à Paris. En fait dans l’Accord de Nouméa, la virgule ne séparait pas les deux catégories d’électeurs, la notion de CIMM s’appliquant alors aux deux catégories. Par la disparition de cette virgule, seule la deuxième catégorie doit aujourd’hui justifier du CIMM. Ce qui, pour les non-indépendantistes, relève de la discrimination.
Trois
modifications
de la loi organique
L’état va donc soumettre aux différents partenaires calédoniens de nouvelles écritures modifiant la loi organique, rédigées de manière à ce qu’elles soient validées au Conseil constitutionnel. Le but étant de faire passer cette seconde catégorie d’électeurs, soit 55 000 personnes environ, dans l’inscription d’office. « Avec cette modification, nous pourrons peut-être dispenser de formalités entre 45 et 50 000 personnes supplémentaires. Pour celles ne pouvant bénéficier de l’inscription d’office, elles ne seront pas privées du droit de vote mais devront faire elles-mêmes les démarches pour s’inscrire », précise t-on sur place.
Deux autres modifications de la loi organique concernant les commissions électorales seront discutées. Après avoir proposé l’ajout d’un deuxième magistrat au dernier comité, l’état va soumettre une modification qui donnera au seul président de la commission la possibilité de demander des investigations complémentaires. « C’est une mesure d’instruction qui ne préjuge en rien de la décision finale, qui continue d’appartenir aux membres qui la composent », explique-t-on, attentif à éviter qu’une mesure d’instruction résulte d’une décision politique. La dernière modification concerne la création d’une commission d’experts, des magistrats, qui viendrait en soutien juridique des 263 commissions électorales.
Un accord politique ?
La question de la liste électorale spéciale pour les provinciales va aussi faire l’objet d’âpres discussions. Le point d’achoppement reste le b) de l’article 188 qui concerne les personnes arrivées entre 1988 et 1998. En résumé, si l’on procède à une application stricte des textes (loi organique, Accord de Nouméa et Constitution), les personnes doivent avoir été inscrites sur les listes électorales en 1998 pour être inscrites sur la liste des provinciales. Les non-indépendantistes souhaitent qu’il y ait un accord politique qui permettrait aux personnes présentes en 1998 de conserver leur droit de vote même si elles ne figuraient pas sur les listes électorales à cette date. Quant à l’état, faute d’un accord politique sur le sujet, il s’en remettra aux décisions « tranchées et sans ambiguïté » rendues par la Cour de cassation en 2014.
Sa priorité, affirme-t-on, est de mettre en place les meilleures conditions pour que le vote soit incontestable le jour J et de montrer que la France peut mener à bien le processus de l’accord de Nouméa sans intervention de l’Onu.