Saint-Louis, Bangou, cambriolages, vols et agressions, entraves à la libre circulation : les questions de sécurité et de délinquance sont dans tous les esprits alors qu’arrivent dans quelques jours la ministre des Outre-Mer. A cette occasion Harold Martin, Signataire de l’Accord de Nouméa, élu du Congrès et de la province Sud, le maire de Païta ne mâche pas ses mots pour dénoncer dit-il l’instrumentalisation de la violence et le laxisme de l’Etat.
DNC : Vous multipliez depuis quelques mois les déclarations et les prises de position radicales sur l’insécurité. Est-ce le fruit d’un constat ?
Harold Martin : Absolument. Toutes mes déclarations récentes sur ce sujet partent du constat que chacun peut vérifier : les vols, le home-jacking, les agressions, les cambriolages, les exactions, les tags sur les bâtiments, jusqu’à nos monument aux morts, sont de plus en plus fréquents, de plus en plus violents. Des individus alcoolisés, politisés pénètrent aujourd’hui dans les habitations alors que les familles sont présentes. Ces dernières sont menacées, violentées, et tout ça pour quoi ?
Pour s’emparer de trophées et aller parader avec les voitures volées à Canala ou ailleurs avant d’y mettre le feu. Dans ma commune de Païta, les citoyens se barricadent, ils se sont aussi armés, massivement, parce qu’ils ne sentent plus protégés par les dépositaires de la force publique. Voilà ce qui se passe et voilà ce que je dénonce.
Vous dénoncez aussi les causes de cette violence que vous qualifiez de violence politique ?
Quand j’entends les messages délivrés aux jeunes par certains leaders indépendantistes, quand j’entends dire, ici, c’est Kanaky, 2018, c’est Kanaky et rien d’autre. Evidemment ça excite, évidemment ça radicalise, évidemment ça incite à croire que tout est permis. Et que fait l’Etat pour s’opposer à ce déchaînement de violence ? Il nous dit qu’il n’a pas les moyens. Mais c’est faux. Bien entendu l’Etat a les moyens, mais il n’en a pas la volonté. Le mot d’ordre des socialistes c’est : surtout pas de vagues avant les élections présidentielles de 2017 et après nous, le déluge. Je ne peux pas accepter cet immobilisme qui met en danger les Calédoniens et qui menace de nous entraîner vers une situation de non-retour que nous avons déjà connue.
C’est ce que vous avez l’intention de dire à Mme Ericka Bareigts, la ministre des Outre-Mer qui arrive en Nouvelle-Calédonie mercredi prochain ?
C’est non seulement ce que je vais lui dire, mais c’est aussi ce que les Calédoniens, toutes ethnies confondues, doivent lui montrer. Il faut profiter de sa première, et sans doute dernière visite en Nouvelle-Calédonie, pour bien lui faire comprendre que la population ne peut plus supporter la situation dans laquelle nous vivons au Mont-Dore, à Païta, dans les quartiers de Nouméa ou de Dumbéa, mais aussi plus largement sur l’ensemble du territoire. Il faut rappeler deux choses à l’Etat, premièrement qu’on ne transige pas sur la sécurité, qui est un droit fondamental inscrit dans notre Constitution, et dont l’Etat est le seul garant et, deuxièmement, que les Calédoniens veulent très majoritairement rester français et qu’ils ont un droit fondamental parce qu’ils sont français à vouloir vivre en paix dans la République française. Je rappelle que nous atteignons des taux de délinquance record, plus forts que partout ailleurs outre-mer et bien supérieurs à de très nombreuses régions de Métropole.
Vous appelez à manifester ?
J’appelle l’Etat à faire son travail et à assumer ses responsabilités dans ce pays parce que ce que nous vivons au quotidien est devenu insupportable. Je ne doute pas que les Calédoniens sont très nombreux à partager ces convictions, je pense notamment à tous ceux qui subissent des blocages incessants, des caillassages, des intimidations. Je pense à tous ceux qui ont été victimes d’agressions et de vols. Ils doivent être considérés et encouragés à dire leur exaspération et à exprimer leur légitime revendication d’un retour au calme même s’ils doivent en payer le prix et y compris si cela doit prendre la forme d’une manifestation devant les grilles du haussariat pendant la visite de la ministre.
Propos recueillis par C.V.