2,3 milliards de francs pour sauver la plage de l’anse Vata

En 2024, l’anse Vata à Nouméa aura un nouveau visage. Fortement abîmée par les derniers cyclones, la plage a reculé de plus de dix mètres en un an. L’exécutif a décidé d’engager d’importants travaux, notamment de confortement du littoral. C’est le projet phare de la mandature de Sonia Lagarde, approuvé à l’unanimité des élus lors du conseil municipal du 1er septembre.

Il y a sept mois, la plage de l’anse Vata offrait un paysage de désolation. Ravagée par Lucas, elle avait été amputée de cinq à sept mètres par endroits. Certes, le problème n’est pas nouveau. L’exécutif suit l’évolution de l’érosion depuis des années. Mais, les dépressions tropicales et cyclones successifs ont largement aggravé la situation, contraignant l’exécutif à revoir en profondeur le projet de réaménagement prévu sur la zone afin de prendre en compte le phénomène. Un chantier inévitable pour Sonia Lagarde, au risque de voir la plage tout simplement disparaître sous les effets de la montée du niveau de la mer. « Soit on ne fait rien, soit on fait le nécessaire pour stopper l’érosion sur ce lieu emblématique fréquenté par tous les Nouméens, une vitrine touristique et une zone de loisirs essentielle. » Selon les projections, la mer pourrait arriver, en 2050, au milieu de la route et, en 2070, au niveau du Nouvata.

Fixer le trait de côte

C’est la première phase des travaux. Le système retenu par la ville prévoit la réalisation d’un ouvrage de confortement : un mur de béton en forme de marches constitué de trois « gradines ». Pourquoi ce choix ? « C’est esthétique et fonctionnel parce que cela permet d’arrêter la houle sans être un obstacle dur et rigide au phénomène », précise Philippe Jusiak, secrétaire général adjoint en charge de l’aménagement à la mairie. L’ouvrage couvrira 830 m sur 1,1 km concerné par l’intervention, entre l’emplacement du loueur de planches à voile jusqu’à la rue Laroque, au niveau de l’arroyo, soit la partie la plus endommagée par l’érosion. Le chantier va également permettre d’agrandir la largeur de la plage, rétrécie à la suite de travaux menés il y a plus de quarante ans. « Pour planter les cocotiers et mettre de l’herbe, de la terre avait été mise afin de recouvrir le sable. On va l’enlever et ainsi retrouver une largeur de plage plus importante, un peu comme avant », détaille Sonia Lagarde.

L’ouvrage en béton en forme de marches est composé de trois gradines. Son rôle est de fixer le trait de côte et de protéger la promenade, qui sera trois fois plus large.

De quatre à deux voies de circulation

Le principal aménagement consiste en l’élargissement des trottoirs de 3 à plus de 10 mètres, ce qui implique de rogner une partie de la route qui va passer de quatre à deux voies. L’îlot central va également être repris. Constitués de pierres naturelles, les trottoirs seront dédiés aux piétons et aux cycles. Des espaces seront réservés aux loueurs de matériels nautiques et des zones d’herbe viendront agrémenter la mise à l’eau des planches à voile. Parmi les nouveautés, des paillotes de pique-nique. « Cela va apporter une touche d’océanité, estime Sonia Lagarde, on sera vraiment chez nous, dans le Pacifique. » Des bancs, deux rampes d’accès à la plage pour les personnes à mobilité réduite ainsi qu’une revégétalisation de l’espace complèteront l’installation.

Deux ans de travaux

La mairie vient de lancer l’appel d’offres pour les travaux, dont le démarrage est programmé au premier trimestre 2022. L’ensemble doit être achevé deux ans plus tard, début 2024. L’exécutif assure vouloir limiter les nuisances. Les entreprises sont priées de travailler par phases et par secteurs afin de garantir le maintien des usages et l’accès à la mer aux Nouméens durant toute la durée du chantier. Le coût de cette première tranche est estimé à 1,9 milliard de francs, financés par le contrat d’agglomération. L’État et la province Sud prennent en charge près de 1 milliard de francs et la ville 900 millions. Ça va bouger dans le secteur. Le lancement de la requalification du dernier tronçon de la route de l’Anse-Vata, entre le stade et la promenade, qui va être élargie de 4 mètres, est également annoncé pour 2022. « On va souffrir un peu, conclut Sonia Lagarde, mais il faudra prendre son mal en patience. »

Des zones d’herbe seront réalisés au niveau de la mise à l’eau des planches à voile. Les loueurs de matériels conserveront un espace dédié.

 


 

Trois brise-lames dans la baie pour freiner l’érosion

C’est la deuxième phase du projet. La pose de trois brise-lames au large de la plage afin de limiter les effets de la houle et de protéger le front de mer. Ils doivent devenir, à termes, des récifs artificiels.

Trois brise-houle de 100 mètres de long et 10 de large vont être implantés dans la baie à 100 mètres de la plage, entre la CPS et l’arroyo, la partie la plus touchée par l’érosion. « C’est là qu’il y a les plus gros dégâts, parce que c’est là que les vents arrivent, souligne Sonia Lagarde, ce qui n’est pas le cas du côté du Surf et de l’Aquarium ». L’objectif est de préserver les aménagements réalisés sur la promenade. De nombreuses études ont été menées afin de trouver la solution adéquate et « la modélisation numérique est finie, précise Philippe Jusiak, secrétaire adjoint en charge de l’aménagement à la ville de Nouméa. Un montage de maquette en 3D doit permettre de simuler la houle et ainsi calculer la meilleure orientation et implantation à leur donner. » Il s’agit de murs en cailloux. L’idée est qu’ils deviennent des récifs artificiels. Des greffes expérimentales de coraux sont envisagées, en complément du phénomène de colonisation naturelle par la flore et la faune marines. Démarche pour laquelle la ville va être aidée de l’AFD, agence française de développement. « On ne peut pas faire l’impasse dessus, insiste la maire. Et on ne les verra qu’aux très grandes marées basses affleurer à la surface de l’eau. » Environ 400 millions de francs y seront consacrés, financés éventuellement par le biais de contrats de développement.

 

La phrase

Sonia Lagarde, maire de Nouméa

 

 

« C’est le projet phare de la mandature, on ne pourra pas en avoir deux comme ça. Ce sera une grande promenade confortable, on voit que les Nouméens ont besoin d’espaces pour marcher et pour respirer, comme c’est le cas avec le parc urbain de Sainte-Marie. C’est un effort financier conséquent pour la mairie, mais on a des aides. Certains vont considérer cela comme pharaonique, mais c’est la seule solution. »

 

 

 

 

 


Des arbres et des sanitaires

Faux manguier, bois de rose d’Océanie, tamanou et pommier Jacquot, 182 arbres issus de la pépinière municipale vont être plantés le long de la promenade. 25 arbres existants seront conservés et 14 transplantés – 4 banians l’ont déjà été après Lucas. Le mobilier urbain qui sera posé privilégie les matériaux naturels : paillotes de pique-nique, bancs et blocs sanitaires (toilettes, vestiaires et douches) avec récupération et traitement des eaux usées. Afin de faciliter la circulation, trois ronds-points vont être disposés au niveau de l’Aquarium, de la route de l’Anse-Vata et de la rue Laroque. Enfin, la capacité de parkings actuelle – 300 places environ – doit être conservée.

La polyclinique, un hectare dédié aux loisirs

C’est l’autre annonce. Fermé depuis trois ans, le site de la polyclinique de l’Anse-Vata va enfin être utilisé. Le gouvernement, propriétaire de ce terrain d’un peu plus d’un hectare l’a transféré gracieusement à la ville il y a un mois. Sur place, des farés pour le marché artisanal et des boulodromes (les anciens n’ayant pas survécu à Lucas). La conservation d’un bâtiment de la clinique est également annoncée. « On n’a pas le droit de retirer ce pan du patrimoine. Il sera restauré et on va y retracer l’histoire de la présence des Américains et celle de la polyclinique, où de très nombreux Calédoniens sont nés », développe Sonia Lagarde. La pose de work out n’est pas exclue et quelques places de stationnement supplémentaires doivent être créées. Le budget de cette opération n’est pas encore défini.

Le site de la polyclinique accueillera, entre autres, des farés pour les artisans, des boulodromes et peut-être des work out.