1878, la rencontre entre deux mondes

Le court-métrage 1878, d’une vingtaine de minutes, a été soutenu financièrement par le Centre National du Cinéma (CNC) et le fonds de soutien audiovisuel de Nouvelle-Calédonie. (© Production 1878)

Primé meilleur court métrage lors du 26e Festival du cinéma de La Foa, 1878 nous plonge dans la Nouvelle-Calédonie de la fin du XIXe siècle, entre fiction et répression coloniale. De ce chaos naît une amitié : celle entre un prêtre et la petite Kaï.

L’histoire n’est pas inspirée de faits réels, mais peut trouver un certain écho dans le passé calédonien. Imaginez. 1878, quelque part en Nouvelle-Calédonie. L’armée française attaque une tribu et fait plusieurs morts, dont la mère de Kaï, 10 ans. Orpheline, la petite fille va faire la rencontre d’un prêtre. Tous deux vont peu à peu se lier d’amitié, envers et contre l’opposition de leur entourage.

Ce scénario, c’est celui écrit par Aurélia Raoull, réalisatrice calédonienne, pour le court métrage 1878, récompensé lors du 26e Festival du cinéma de La Foa, samedi 7 septembre. Chapeauté par la société de production française Bobi Lux mais tourné sur le territoire, ce scénario était une véritable aubaine pour le cinéma calédonien, car « ça permettait de faire un vrai film d’époque avec des costumes. On n’en avait plus fait depuis longtemps », se souvient le producteur local Olivier Martin (NK Prod), « convaincu » immédiatement par son travail. « Ce qui était intéressant, raconte celui-ci, c’est qu’elle n’arrivait pas avec des stéréotypes lourds qu’ont parfois les réalisateurs français. Il y avait une véracité, une profondeur dans son dossier. »

Au niveau du casting, on retrouve autant des acteurs professionnels ‒ comme Raphaël Thiéry, dans le rôle du prêtre ‒ qu’amateurs, avec la présence des artistes calé- doniens Simanë Wenethem et Christopher Hnautra dans les rôles du père et de l’oncle de la petite Kaï. Cette dernière est jouée par Jayna Kamodji, âgée de neuf ans et « impressionnante » dans son jeu d’actrice et dans sa manière de gérer le rythme de tournage. « Nous avions des journées très longues, elle restait calme et sereine. Elle a été d’un professionnalisme incroyable pour son âge », raconte Olivier Martin.

HISTOIRE CALÉDONIENNE

L’histoire se déroulant à la fin du XIXe siècle, le tournage a été « très compliqué à préparer », les lieux devant être fidèles à la manière de vivre de l’époque. « À un moment, nous avons tourné dans une église, et on s’est par exemple posé la question si déjà à cette période il y avait du carrelage… C’est de l’ordre du détail, mais on devait être cohérents », illustre le producteur.

Le scénario a également dû s’adapter aux difficultés du terrain. « Au départ, Aurélia voulait que la langue utilisée soit une langue du nord. Malheureusement, ça n’a pas pu se faire. Comme les acteurs étaient quasiment tous originaires de Lifou, on a opté pour le drehu. Chose drôle, la moitié ne le parlait pas ! », poursuit Olivier Martin. « Quand on sait ça, on ne peut que saluer l’effort de Kyto (Christopher Hnautra) qui, pour les besoins d’une scène, a appris par cœur son texte en drehu et est extraordinaire dans son rôle. Il arrive à jouer les intentions, à les dire, alors qu’il ne comprend pas un mot de ce qu’il dit, il est très fort! »

Projeté vendredi 13 et samedi 14 septembre au Cinécity, 1878 sera par la suite également diffusé sur NC La 1ère, Caledonia puis, grâce à la société de production et distributeur Capricci, « dans plusieurs festivals du monde ».

 

UN LONG MÉTRAGE EN PROJET

À l’origine, Aurélia Raoull souhaitait réaliser un long métrage. Or, avant que celui-ci ne soit tourné, la boîte de production française Bobi Lux préférait qu’elle réalise un court métrage. C’est ainsi que 1878 est né. Son projet de long métrage est toujours d’actualité, il pourrait être tourné l’année prochaine, si le contexte calédonien est « plus apaisé ». Il se déroule « à la même époque » et « serait un peu plus film d’horreur », dévoile Olivier Martin.

 

Le Festival du cinéma de La Foa se réinvente

La 26e édition du Festival du cinéma de La Foa a marqué la fin de l’événement tel qu’on le connaissait. Dès l’année prochaine, il donnera une place prioritaire aux films calédoniens et à ceux du Pacifique. Et ce, par souci de « cohérence », explique la déléguée générale du Festival, Delphine Ollier. « Le Festival a été conçu en 1998 avec des besoins qui n’étaient pas du tout les mêmes qu’aujourd’hui, rappelle-t-elle. À l’époque, il n’y avait quasiment pas de cinéma d’auteur. Alors qu’à l’heure actuelle, le public a beaucoup plus accès à ces films. En parallèle, le cinéma calédonien a gagné en qualité, d’édition en édition. On veut accompagner cette évolution. »

Pour ce faire, l’équipe du Festival espère pouvoir compter sur ses partenaires financiers. « Nous leur avons présenté notre projet et il y avait une compréhension de ce qu’on souhaitait faire. A priori, ils devraient nous suivre », suppose Delphine Ollier.

 

Nikita Hoffmann