XIVe Comité des signataires : qui veut quoi ?

La Tribune- A la veille du Comité des signataires, les positions des indépendantistes et celles des non-indépendantistes ne sont plus aussi éloignées les unes des autres qu’il y a encore quelques semaines. Du moins si l’on s’attache au vocabulaire. En clair, tous les ingrédients pour une recette de consensus sont sur la table.

Trois points sont à l’ordre du jour de ce XIVe Comité des signataires : l’avenir institutionnel, le corps électoral et le nickel. Du lourd, qui hier encore aurait divisé au-delà des clivages existants.

Premier constat : ce Comité des signataires sera éminemment politique.

Tous les masterchefs de l’Accord sont en cuisine. Le FLNKS a sorti tous ses historiques, Paul Néaoutyine et Roch Wamytan en grande toque. Tout comme Les Républicains avec Pierre Frogier et Harold Martin en chefs de batteries, grosso modo d’accord sur la liste de courses, un peu moins sur où se fournir… Même constat chez Calédonie Ensemble, qui ne compte pas de signataires de l’Accord dans ses rangs, mais aligne ses poids lourds politiques à Matignon, Philippe Gomès et Philippe Michel en tête.

Les délégations calédoniennes, qui viennent de s’envoler pour Paris, totalisent un peu moins de 30 politiques ou qualifiés. Mis à part Jean Lèques et ses 85 ans qui restreignent ses déplacements, la totalité des signataires historiques encore en exercice sera à ce rendez-vous crucial… vingt ans après, ou presque.

Pour le coup, le Premier ministre, Manuel Valls pour qui « les sujets qui ne sont pas politiques n’en sont pas » sera servi…

Deuxième constat : le timing rapproche les points de vue.

2016 est la dernière année blanche avant les rendez-vous électoraux de 2017 (présidentielle puis législatives) et la consultation de sortie de l’Accord normalement prévue pour novembre 2018. Aussi, qu’il s’agisse des corps électoraux (pour le référendum de sortie et les provinciales à suivre) ou de la sortie de l’Accord de Nouméa, chacun aspire à trouver la voie du consensus. Et le consensus implique que chacun mette de l’eau dans son vin. « On ne fait pas d’accord sans concessions réciproques », répète à l’envi Harold Martin.

Le litige électoral, comme on l’appelle désormais, porte sur quelque 3 000 personnes indûment inscrites selon l’UC qui en a fait son cheval de bataille. Après expertise, un peu plus de 1 000 cas restent à scanner, répondent les loyalistes. Pas assez pour peser sur l’issue du scrutin référendaire. La vérité serait-elle à mi-chemin ?

Quant aux discussions sur la sortie de l’Accord, qui constituent selon Pierre Frogier « le vrai sujet du Comité des signataires », une méthode ou tout au moins « un cadre de travail » pourrait s’imposer. Le chef de file des Républicains récuse le principe d’un référendum couperet, qui jetterait dos à dos les Calédoniens et caresse toujours l’idée d’un troisième accord. À la différence près qu’aujourd’hui plus personne ne lui claque plus la porte au nez… « Je ne veux pas croire que les partenaires de l’Accord ne discutent pas déjà ! » : à Matignon, chacun aura en tête cette phrase de Michel Rocard extraite de sa dernière interview aux Nouvelles Calédoniennes. Y compris Manuel Valls, qui fut l’un de ses collaborateurs !

Troisième constat : le nickel a cessé de diviser.

Curieusement ce sont les aléas du marché qui ont fait reculer les doctrinaires et gais lurons du « métal politique » de la décennie passée. Surproduction mondiale et chute des cours aussi vertigineuse que semble-t-il durable ; difficile maîtrise du process à l’usine du Sud et bugs répétés sur les fours de l’usine du Nord ; report de l’usine électrique de la SLN et reformatage de la stratégie industrielle d’Eramet : côté nickel, la Calédonie n’est pas à la noce ces temps-ci…

Décembre 2015, le conflit des rouleurs, même s’ils n’ont rien obtenu à court terme, a sonné le glas des chantres du dirigisme lesquels voyaient dans le nickel le moyen de s’offrir « l’indépendance économique du pays ». Février 2016 leur a donné raison : après une gestion jugée « lamentable » par le Premier ministre australien Malcolm Turnbull, QNI prévoit la fermeture de la raffinerie de Yabulu. Les élus Les Républicains avaient alerté le gouvernement Germain dès novembre dernier. Celui-ci devrait néanmoins logiquement assouplir sa position sur les exportations vers la Chine notamment, comme le demandaient rouleurs et petits mineurs.

Reste qu’à ce jour les mots « doctrine » ou « stratégie » nickel, aux consonances plus marxistes que libérales, sont bannies du vocabulaire Calédonie ensemble des Philippe et, plus que prudemment susurrées au Palika. Depuis la lettre cosignée du député Gomès et du sénateur Frogier sur la SLN, les lignes ont en effet bougé. L’économie politique du nickel s’est échouée sur les récifs du marché. Malheureusement salutaire. Et de bon augure pour le relevé de conclusions du Comité des signataires !

Alors un Comité des signataires aux conclusions pliées d’avance ? Non, restent quelques nuances de gris dans les approches des partis politiques… Des nuances qui impliquent une méthode d’approche et de consensus.

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Pour Les Républicains : Il faut, dit Sonia Backes, chef de groupe au Congrès, « sortir du Comité des signataires avec une méthode pour avancer dans la discussion d’un nouveau statut en 2016, seule année utile qui nous reste avant une année électorale 2 017 et 2018, année de la sortie de l’Accord ! » Objectif qu’elle a précisé le 29 janvier sur RRB : « Au lendemain du Comité des signataires, il est souhaitable que les Calédoniens retrouvent de la lisibilité. Beaucoup croient en effet que leur avenir s’arrête en novembre 2018. Or, le lendemain ce n’est pas un fossé dans lequel tout le monde tombe. Le lendemain il se passe beaucoup de choses sur lesquelles on est déjà d’accord ! »

 

Analyse similaire de Philippe Michel pour Calédonie Ensemble : « Ce Comité des signataires revêt une importance toute particulière à cause de sa date et de son ordre du jour ». Le président de la province Sud précise : « Le mandat d’un élu aujourd’hui est de préparer l’avenir. Or, s’agissant de l’avenir, il y a 90 % des choses sur lesquelles on est d’accord entre nous et avec les indépendantistes. Il reste donc 10 % sur lesquels on n’est grosso modo pas d’accord avec eux. Il s’agit bien évidemment des questions liées à la pleine souveraineté ou pas. Alors que fait-on avec ce matériau ? ». Tout l’enjeu du Comité des signataires !

 

Côté UC-Nationalistes, Roch Wamytan y va de sa boutade : « Il est bon de sortir parfois du marigot à crocodiles : comme on n’est pas encore indépendants, c’est à Paris que l’on peut rencontrer tous nos partenaires de l’Accord ! » Plus sérieusement l’UC promet aux signataires « des propositions concrètes sur le litige électoral ». Le parti de Daniel Goa proposera aussi la tenue d’un Comité extraordinaire avant la fin de l’année 2016. Ordre du jour : « Préciser les options de transferts des compétences régaliennes telles qu’esquissées par les experts/missionnaires ». Les Copil qui s’étaient tenus sous l’égide de l’État au Haussariat évoquaient, rappelons-le, quatre options possibles après 2018 : deux dans la France et deux dans l’indépendance.

 

Ordinairement plus discrets avant un Comité des signataires, l’Uni-Palika aura à cœur de préserver l’essentiel sur la stratégie minière que le parti de Paul Néaoutyine voudrait imprimer à la Calédonie, cohérence de la politique minière du Nord oblige ! Pour autant les discours doctrinaires de l’année dernière sur la richesse minière n’ont pas été entendus avant le rendez-vous parisien. Au contraire, s’agissant de la sortie de l’Accord, Paul Washetine a concédé sur les ondes de RRB, que « le référendum de 2018 ne sera pas forcément pour ou contre l’indépendance ». Et d’ajouter : « Il faudra sûrement formuler ou reformuler la question. Alors, ce qu’on attend du Comité des signataires c’est un calendrier et une méthode pour la suite ». La porte reste ouverte. Mais il est vrai que Charles Washetine n’accompagne pas Paul Néaoutyine à Paris.

M. Sp.