Une petite COP23

Après deux semaines de discussions à Bonn, la COP23 s’est achevée le week-end dernier sans grand bruit malgré l’urgence. Les États se sont tout juste engagés à lancer un « dialogue » qui aboutira fin 2018 à un bilan collectif de leurs émissions de gaz à effet de serre. Les pays vulnérables, en particulier, sont restés sur leur faim.

Cette COP ne restera malheureusement pas dans les mémoires. On savait initialement qu’elle ne devait être qu’une conférence « transitoire » avant la COP24 de 2018, véritablement cruciale puisqu’elle officialisera des propositions concrètes et, on l’espère, ambitieuses, en faveur de l’atténuation du changement climatique.
Mais malgré quelques initiatives positives que nous allons détailler et dans le contexte alarmiste que l’on connaît, on aurait pu attendre davantage de « retentissements », de « visions », d’« engagements » et de « leadership politique ».

La voie du dialogue

Dans leurs discours, les chefs de l’État, Emmanuel Macron compris, ont largement reconnu l’urgence qu’il y avait à agir, cette urgence invoquée récemment par 15 000 scientifiques ou encore par l’Agence environnement de l’Onu jugeant « catastrophique » l’écart entre les engagements pris par les États pour réduire les gaz à effet de serre et ce qu’il faudrait mettre en œuvre pour appliquer l’Accord de Paris de 2015. Mais ces discours ont contrasté avec l’attitude attentiste des pays, dénoncée par nombre d’observateurs qui estiment que l’on aurait pu aller plus loin.

Concrètement, les pays se sont mis d’accord pour lancer, dès janvier 2018, un processus de « dialogue facilitateur » pour produire à la fin de l’année un bilan collectif de leurs émissions de gaz à effet de serre afin d’évaluer ce qu’il faudra accomplir pour que le monde reste sous les 2°C de réchauffement.

Ce dialogue de « talanoa » « devra être constructif et tourné vers des solutions », a prévenu la présidence fidjienne, et sera « structuré autour de trois thèmes : Où en sommes-nous ? Où voulons-nous aller ? Comment y parvenir ? » L’idée est d’encourager et d’aider les pays à revoir, sur la base du volontariat, leurs engagements à ce stade insuffisants pour maîtriser le réchauffement global (si les engagements nationaux pris à Paris en 2015 étaient mis en œuvre, ils conduiraient encore le monde à plus de 3 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle).

Les décisions seront nourries tout au long de l’année par de nouveaux rapports du GIEC, le groupe des scientifiques de l’Onu, et de tous types d’acteurs engagés dans l’action climatique. Les évènements parallèles à la COP devront par ailleurs être encouragés jusqu’à la COP24.

Quelques avancées

Au-delà de cette déclaration finale, il faut saluer l’apparition d’une « alliance globale pour la sortie du charbon », à l’initiative du Canada et du Royaume-Uni, rassemblant une vingtaine de pays dont la Belgique, la Finlande, la France, l’Italie, le Portugal, le Salvador, mais aussi plusieurs États américains et canadiens ( Washington, Alberta, Vancouver…), mais ni les États-Unis ni la Chine.

Il y a par ailleurs eu cette recommandation de la Banque centrale norvégienne au fonds souverain du pays, le plus doté au monde avec près de 856 milliards d’euros, de se désinvestir dans les mois à venir des énergies fossiles. Une avancée majeure pour la Norvège dont l’économie repose largement sur l’exploration du pétrole et du gaz.

On notera également l’ajout, après six ans de négociations infructueuses, d’un programme de travail sur l’agriculture et la sécurité alimentaire afin de soutenir des pratiques moins agressives pour la nature. À souilgner par ailleurs la mise en place de la plateforme sur les savoirs et connaissances des peuples autochtones pour aider dans la lutte contre le bouleversement du climat, une décision saluée par le Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques. Plus de 300 millions d’individus appartenant aux peuples et communautés autochtones à travers le monde voient leurs terres et leurs vies directement menacées par le changement climatique et sont les premiers à lutter sur le terrain !

Enfin, globalement, les conférenciers ont noté le dynamisme particulier de l’espace « off » où, loin des négociations officielles plutôt stagnantes entre gouvernements, les autres acteurs, engagés, ont exposé leurs actions concrètes et nombreuses en faveur de la lutte contre le changement climatique. Les participants ont enfin relevé l’attitude non obstructive des États-Unis. Une délégation américaine nombreuse (villes, États, société civile) est venue montrer son engagement pour le climat et son désaccord avec la décision de Donald Trump de retirer son pays de l’Accord de Paris.

Et quelques regrets

Dans cette COP présidée pour la première fois par un pays insulaire du Pacifique, le principal point noir restera clairement le manque d’efforts financiers de la part des nations développées à l’égard des pays en développement dont beaucoup subissent déjà les effets du changement climatique, engendré par l’activité industrielle au nord. « Alors que l’année 2017 a été marquée par des événements climatiques exceptionnels, il n’y a pas eu d’avancées concrètes pour aider les populations les plus vulnérables à faire face aux impacts du changement climatique », a ainsi souligné à la presse Armelle Lecomte, membre de la délégation de l’ONG Oxfam, à Bonn. Le sujet a bien accaparé les discussions, mais les pays développés sont arrivés les mains vides. Ils se sont quand même mis d’accord pour faire un point en 2018 sur l’avancée de l’enveloppe de 100 milliards de dollars par an, promise dans l’Accord de Paris par les pays riches à partir de 2020, mais pour l’instant on est encore très très loin du compte…

La question de la surveillance des moyens mis en œuvre pour respecter l’Accord de Paris est également restée en suspens et, de manière générale, les conférenciers ont observé dans cette COP un manque flagrant de leadership politique, personne pour emporter les foules. Seuls le dynamisme et la détermination particulière de Fidji ont été salués. La COP24 se tiendra en Pologne, un pays très porté sur le charbon.

C.M. ©AFP