Une loi pour encadrer les successions dans la coutume

La coutume est une particularité que le droit français apprend petit à petit à intégrer. Les élus du Congrès on adopté, le 10 août, la deuxième loi concernant l’identité kanak. La loi sur les successions sécurise la femme en cas de décès du mari.

Les membres du Sénat coutumier reprochent régulièrement un manque « d’océanisation » des politiques publiques. Force est de constater qu’ils ont raison. Elles intègrent relativement peu le caractère océanien de la société calédonienne et traitent également peu des questions plus spécifiquement océaniennes. La loi sur les successions est la deuxième adoptée par la première institution du territoire à se rapporter au monde coutumier. La première loi du pays, de 2007, était relative aux actes coutumiers permettant aux coutumiers de devenir une source de droit.
La loi examinée le 10 août a, pour sa part, fait évoluer la dévolution patrimoniale pour les personnes relevant du statut civil coutumier qui n’avait pas été révisé depuis 1980. Elle était encadrée par deux délibérations, la première de 1962 régissait la mise en place de certificats en matière de succession. La deuxième, du 8 septembre 1980, introduisait une nouvelle organisation pour la transmission des biens acquis sous le régime du droit civil.

Un enjeu de société important
Après avoir été déposé au Congrès par le gouvernement, le projet a été repris par le Sénat coutumier qui a décidé de proposer une version complètement différente. Sylvain Pabouty, en sa qualité de rapporteur, a donc repris la version du Sénat et apporté de nombreux amendements de façon à trouver un compromis entre les deux textes.
L’enjeu pour la population était bien réel. Si la loi sur les actes coutumiers permettait aux personnes d’exprimer de manière légale leur souhait en matière de succession, l’absence de procédure constituait un vide qu’il fallait combler. Entre 2008 et 2015, les services du gouvernement ont enregistré plus de 1500 actes coutumiers de succession et 1 600 options successorales de personnes de statut civil coutumier en faveur d’une dévolution de droit commun pour les biens situés hors terres coutumières.
La loi fixe des objectifs clairs qui visent à encadrer la succession en instituant des procédures parfaitement définies et propres à chaque aire coutumière. La loi en profite pour innover en autorisant la donation-cession des biens de son vivant. Mais le projet de loi par le Sénat, bien plus large que celui du gouvernement, avait pour ambition de légiférer sur l’ensemble des aspects de la succession, qu’ils soient culturels, administratifs, économiques, coutumiers ou sociaux. Pour les sénateurs, il s’agissait également de définir la notion de patrimoine de statut coutumier, de faciliter le règlement de successions difficiles et d’« améliorer les rapports juridiques entre les proches du défunt et protéger la femme et les enfants du défunt dans le respect de la Charte du peuple kanak ».

Une navette entre le Congrès et le Sénat
Mais le texte adopté par les élus du Congrès sera finalement une version de celui du Sénat coutumier totalement réécrite de façon à ce qu’il corresponde au projet du gouvernement. Pour les élus, la proposition du Sénat allait presque trop loin et traitait davantage de la question de la place du défunt dans la coutume, un cadre un peu plus large que celui de la simple succession. Si la version adoptée est nettement plus proche de celle du gouvernement, elle remet toutefois l’autorité coutumière au cœur du processus.
Reste que le processus de navette entre le Sénat et le Congrès ne garantit pas du tout que les sénateurs valident un projet profondément remanié par les élus du boulevard Vauban. Ce vote illustre une nouvelle fois la complexité des rapports entre les autorités coutumières et le pouvoir politique. Si l’on peut se féliciter que cette loi ait enfin été adoptée, il ne faut pas oublier que la première mouture de ce texte avait été présentée le 2 juillet 2015 par le Sénat qui s’était autosaisi du dossier. Le fait qu’un autre projet de loi, censé être étudié lors de la même session, ait été reporté n’est pas non plus anodin. Dans un contexte politique incertain où aucune formation politique ne dispose de majorité, ce type de texte est au cœur de négociations entre les groupes politiques, plus précisément entre indépendantistes et non-indépendantistes.

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Une avancée pour les femmes et les enfants
La loi est une vraie avancée pour les veuves et les enfants en cas de litige avec la famille du défunt. Il arrivait parfois que les femmes soient expulsées ou que leurs droits soient niés. Grâce à ce texte, les choses vont évoluer. La loi prévoit en effet que les palabres ou les actes coutumiers ne peuvent priver d’habitation l’épouse et les enfants du défunt qui portent son nom. Le maintien sur les terres coutumières ne peut toutefois plus bénéficier à l’épouse au cas où elle s’engagerait dans une nouvelle relation. Le texte prévoit également que les enfants portant le nom du défunt ne peuvent être exclus du partage.