Une intégration régionale, c’est possible ?

2015 aura été marquée par de nombreux rapprochements avec des pays de la région. Un travail de fond du gouvernement qui a vocation à intégrer davantage la Calédonie dans son environnement économique. Mais quel est véritablement le sens d’une intégration économique régionale de la Calédonie compte tenu de notre modèle ? Des pistes de réflexion sont proposées dans un tout nouvel ouvrage, le tout premier, édité aux Presses universitaires de Nouvelle- Calédonie.

Les sorties de livres traitant de l’économie calédonienne sont suffisamment rares pour que l’on en parle. C’est le cas du dernier ouvrage, Quelle insertion économique régionale pour les territoires français du Pacifique ? Dirigé par Gaël Lagadec et coécrit par Jérémy Ellero et ÉtienneFarvaque, cet ouvrage est le premier des toutes nouvelles Presses universitaires de Nouvelle-Calédonie qui ont vocation de promouvoir les travaux de recherche, en particulier ceux conduits à l’université.

Hasard de la programmation, c’est ce livre, lancé il y a près de trois ans, qui ouvre le bal de cette collection tant attendue par de nombreux chercheurs. Le président de l’université et maître de conférences en économie revient, avec Jérémy Ellero et Étienne Farvaque, sur le paradoxe de la situation calédonienne, mis en lumière en 1996 par Jean Freyss, un autre économiste, dans Économie assistée et changement social en Nouvelle-Calédonie.

Une richesse artificielle

S’appuyant sur une période de développement d’une trentaine d’années, Jean Freyss estime paradoxale la marche vers l’émancipation d’un pays assisté. Une question importante qui se pose avec d’autant plus d’acuité à la veille des grandes échéances électorales. Riche de son nickel, l’économie calédonienne est fortement tributaire des transferts de la métropole. Ce constat, dressé il y a vingt ans, est-il toujours d’actualité ? C’est la question que se sont posée les trois économistes (ils tentent d’y répondre pour l’ensemble des territoires français du Pacifique).

Dans le contexte de crise profonde et durable sur le marché du nickel, le paradoxe de Freyss apparaît avec d’autant plus de force. Les chercheurs ont analysé l’évolution économique et exploré différents modèles qui permettraient l’intégration économique du territoire calédonien dans sa région. Le travail des trois scientifiques met en exergue l’absence réelle d’opposition entre la production locale et le secteur de l’importation. Des batailles ont lieu mais restent très symboliques puisque au final, les protections de marché, accordées à la production locale, sont souvent à l’origine de niveaux de marges élevés pour tous les acteurs. Ces niveaux de prix sont entretenus par l’indexation de certains salaires et plus largement par les transferts de la métropole ainsi que les salaires élevés dans les entreprises bénéficiant des protections de marché. Les difficultés à l’entrée pour les porteurs de projets et l’étroitesse du marché conduisent en parallèle à la mise en place de monopoles ou d’oligopoles naturels qui ne stimulent pas spontanément l’innovation et la recherche de compétitivité.

Cette organisation et l’acceptation de certains principes, comme les protections de marché, confortées par les transferts métropolitains, expliquent en partie la faiblesse des performances de l’économie calédonienne et qu’elle reste centrée sur elle-même, vingt ans plus tard, hormis pour le secteur du nickel. Le paradoxe est donc toujours entier.

Peu de perspectives à une intégration régionale

Les auteurs en concluent que la capacité d’intégration régionale de la Nouvelle-Calédonie, au même titre d’ailleurs que les autres territoires français du Pacifique, est relativement faible, le territoire et son économie artificielle étant pris en tenaille entre les grands pays de la zone et les petits États insulaires. Pour les chercheurs, l’instauration d’une zone de libre-échange au travers d’accords comme PICTA ou PACER questionne les fondements économiques des territoires français et leurs modifications nécessaires à une ouverture.

Pour la Calédonie, une véritable intégration devra passer par une réflexion sur les facteurs d’artificialisation de l’économie tels que les transferts, l’indexation ou encore la surévaluation de la monnaie (réformes qui conduiraient à un appauvrissement général et que personne n’appelle de ses vœux) et, plus généralement une harmonisation des niveaux de développement, pour l’instant très hétérogènes, des pays de la zone.

Dans ces conditions, les grandes ambitions du gouvernement et des entreprises calédoniennes à l’export devraient être bien déçues et ne continuer à concerner que quelques niches. Des accords particuliers pourraient toutefois être passés avec l’Australie et la Nouvelle- Zélande, des discussions ont commencé dans ce sens (lire notre article sur la stratégie d’export du gouvernement du 3 mars 2016 sur www.dnc.nc). Mais il paraît peu probable que nos voisins ouvrent leurs frontières sans contreparties, économiques ou non.

M.D.

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Bienvenue aux PUNC

Les Presses universitaires de Nouvelle- Calédonie ont vocation à éditer un à trois ouvrages par an. Leur financement est assuré par la Nouvelle-Calédonie. Une partie (quatre millions de francs) des subventions allouées à l’université est directement fléchée vers les PUNC. Les livres publiés ont vocation à diffuser le savoir mais aussi à faire rayonner l’UNC dans le Pacifique sur des domaines aussi divers que la littérature, les sciences humaines, les sciences et techniques, ainsi que le droit, l’économie et la gestion. Chaque ouvrage sera présenté dans les autres universités de la région.

Quelle insertion économique régionale pour les territoires français du Pacifique ? est disponible en librairie (il a été tiré numériquement à 150 exemplaires). Une rubrique sera prochainement ajoutée sur le site Internet de l’université (www.univ-nc.nc). Elle devrait offrir un accès dématérialisé aux publications.