Les moustiques et les pneus usagés font d’habitude bon ménage. Mais les choses sont en train de changer. La société Aedes System a inventé un système de filtre écologique, en pneu recyclé, qui empêche le développement des larves dans les gouttières, regards et autres sous-pots. Une innovation 100 % calédonienne qui s’exporte.
Aedes System, c’est d’abord l’histoire de deux amis et voisins. En 2012, en pleine épidémie de dengue, ils découvrent des gîtes larvaires dans leurs gouttières et cherchent une solution. Thierry Suviri est artisan et Christophe Put (photo) responsable logistique. Leur postulat de départ relève du simple bon sens : détruire les gîtes, c’est bien, mais le mieux reste de traiter le problème à la source, c’est-à-dire d’empêcher leur développement.
À eux deux, ils imaginent un dispositif à installer dans les gouttières, à mi-chemin entre le filtre et le bouchon, à la fois suffisamment poreux pour laisser passer les eaux de pluie et suffisamment dense pour éviter aux moustiques de passer, donc de pondre. Pour cela, il fallait un matériau imputrescible, sans risque pour la santé ni pour l’environnement, et capable de s’agglomérer aisément. Instinctivement, les deux associés se sont tournés vers les granulats de caoutchouc et ont fabriqué un prototype, baptisé « Aglostic ». « C’était si simple qu’on s’est dit : c’est pas possible que personne n’y ait pensé avant », raconte Christophe. Pour trouver le caoutchouc, les deux compères n’ont pas eu à chercher bien loin : « Le pneu recyclé, c’est exactement ce qu’il faut, car sa durée de vie est très longue. On garantit notre produit dix ans », poursuit-il.
Testé par l’Institut Pasteur
Quatre ans plus tard, leur invention, commercialisée depuis octobre, a déjà séduit de nombreux particuliers ainsi que des institutions publiques. « En ce moment, on équipe le collège de Magenta », explique Christophe Put.
Mais pour en arriver là, le chemin a été long. La jeune société, créée en 2013, intègre l’incubateur d’entreprises innovantes de l’Adécal et obtient par ailleurs des financements de la province Sud ou encore de la Banque publique d’investissement « Pour la conception du produit lui-même, nous nous sommes associés avec la société métropolitaine Aliapur. Il fallait s’assurer que le produit réponde aux normes en termes d’évacuation des eaux », souligne l’inventeur.
Et bien sûr, il a fallu vérifier que leur invention empêchait bien les moustiques de se développer. L’Institut Pasteur de Nouvelle- Calédonie effectue d’abord des tests en laboratoire, puis sur le terrain, dans une maison du Faubourg-Blanchot et dans les jardins de l’IRD. Résultat, en trois mois, seules 290 larves ont été retrouvées dans la gouttière du Faubourg- Blanchot équipée du dispositif… contre 6 558 dans la gouttière témoin non équipée.
Sans produit chimique et adaptable à tous types de gouttière, regard, sous-pot ou réservoir, puisque la découpe peut se faire sur mesure, l’ « Aglostic » calédonien intéresse les pays étrangers, d’autant que l’eau filtrée reste potable. Or, dans des régions comme l’Amérique latine, par exemple, l’eau de pluie est couramment récupérée pour être bue. Au total, des brevets ont été déposés dans 38 pays, des États-Unis à Singapour en passant par la Chine ou Cuba. Jusqu’au Brésil, qui subit actuellement une épidémie de Zika particulièrement virulente.
En Calédonie, l’« Aglostic » a obtenu la défiscalisation et son installation peut être déduit des impôts.
————————————
La gouttière, un ennemi sur votre toit
En zone urbaine, une gouttière sur deux abrite des larves de moustique et dans certaines régions, deux moustiques sur trois naissent dans les regards de voirie et les chambres techniques du réseau téléphonique. Avec la propagation de la dengue, du chikungunya et désormais du Zika hors de leur zone de développement initiale (comme récemment au Brésil pour ce dernier), c’est aujourd’hui 50 % de la population mondiale qui est exposée aux virus transmis par Aedes aegypti.