Une étape de plus franchie dans la délinquance des mineurs ?

Un incendie industriel que les pompiers de Nouméa et les agents de la Sécurité civile ne sont pas prêts d’oublier. Un sinistre à plus deux milliards CFP de dégâts, qui a ravagé 5 000 m2 de docks et détruit près de 300 tonnes de matières premières… Et voilà que les premiers gardés à vue de l’enquête sont des mineurs !

Au début de cette semaine, trois mineurs, de quinze, seize et dix-sept ans, étaient en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur l’incendie des sociétés Cellocal et Sofaplast, le dimanche 12 mars dans la soirée. Ils avaient été appréhendés par une équipe de la sûreté urbaine de la direction de la sécurité publique, alors qu’ils s’apprêtaient à… aller en cours. L’un d’eux avait vu sa garde à vue prolongée, alors que deux autres étaient remis en liberté mardi. Très tôt après les faits, les enquêteurs privilégiaient la piste criminelle, renforcés, semble-t-il, dans leur conviction par l’examen des vidéos des caméras de surveillance du PK4. Une conviction que partageait l’équipe dirigeante des deux entreprises, incapables d’expliquer autrement le déroulement des faits.

Dans un communiqué de presse, Isabelle et Pascal Lafleur, affirmaient : « Il semble, selon les premières informations, que nous ayons subi un acte criminel. Ce ne serait le premier dans ce cas, il est donc urgent que toute la lumière soit faite. Des mesures urgentes doivent donc être prises pour y mettre un terme. Autrement, les conséquences pour les entreprises, l’économie et pour toute la population seront catastrophiques. » Si l’outil industriel, si l’entreprise et ses salariés deviennent en effet la cible de petits ou grands délinquants, cela s’apparenterait à une forme de terrorisme économique. Et, il est troublant que des mineurs soient impliqués. Reste que pour la direction de Cellocal et Sofaplast, « il n’est pas acceptable de ne pas se sentir en sécurité en Nouvelle-Calédonie. Nous demandons, tant aux représentants de l’État qu’aux responsables politiques calédoniens, de prendre toutes les mesures fortes pour assurer la sécurité sur tout le territoire », concluent Isabelle et Pascal Lafleur.

Volonté politique

Si la piste criminelle se confirme. Et si des mineurs sont encore une fois impliqués dans le sinistre, le territoire aura franchi un palier des plus inquiétants. Fin de l’année dernière, 30 % des délits commis en Nouvelle-Calédonie étaient imputables à des mineurs : près du tiers, donc ! Malgré la démographie, les banlieues et les quartiers réputés difficiles, ce chiffre n’est que de 8 % en métropole. Cette flambée de la délinquance des mineurs avait déjà fait tiquer Jean- Jacques Urvoas, le garde des Sceaux, lorsque Sonia Backes l’avait alerté sur le sujet, fin 2016. Et, il s’était rendu dans la foulée sur le territoire « juger de la situation par lui-même ».

Autrefois cantonnée dans les petits larcins, les dégradations de biens et ce que l’on nommait pudiquement « les incivilités », la délinquance des mineurs prend aujourd’hui des allures bien singulières en Calédonie. Qui inquiètent forces de l’ordre et magistrats du palais de justice. « Hier, les mineurs jouaient les petites mains de caïds confirmés, qui misaient sur l’indulgence de la justice à leur égard, depuis, quelques de véritables bandes organisées se constituent et sévissent dès l’âge scolaire, élémentaire même », confie un officier de la sécurité publique. « Autre caractéristique : l’hyper violence que relaye souvent les réseaux sociaux et ses conséquences en cascade », ajoute-t-il.

Saint-Louis, Saint-Laurent, Canala : pas un fait divers récent qui n’implique pas des mineurs. Et maintenant, peut-être, un sinistre à deux milliards CFP, sans même évoquer les conséquences sociales… Il semblerait que toute la mesure de cette violence, propre à la Calédonie, n’ait pas été prise en compte. Les quelques renforts, en hommes et en matériel, accordés aux forces de l’ordre, toutes les incantations en matière de prévention et une lettre de cadrage aux magistrats calédoniens du ministre de la Justice n’ont pas changé la donne. Comme si la volonté politique manquait encore. On verra cela après les élections ?

M.Sp.