Une appli pour identifier les végétaux

Une application est désormais disponible pour reconnaître les végétaux. Ce nouvel outil est le fruit d’une collaboration entre l’association Endemia et l’initiative Pl@ntNet. Cette plateforme de recherche permet d’aider ses utilisateurs à reconnaître les plantes endémiques et servira de support à l’éducation et la formation.

Une plante sur 100 dans le monde se trouve uniquement en Nouvelle-Calédonie. Ce chiffre étonnant traduit le taux d’endémisme exceptionnel du territoire qui avoisine les 75 %. Depuis 2001, l’association Endemia, créée notamment par trois frères, deux naturalistes et un informaticien, travaille sur la mise en valeur de la biodiversité calédonienne. L’association a en particulier mis en ligne une plateforme permettant l’échange d’informations. Et la question intéresse les Calédoniens puisque Endemia estime entre 700 et 800 le nombre d’utilisateurs et reçoit près de 30 000 visiteurs chaque année. Aujourd’hui, la plateforme recense 3 115 espèces endémiques végétales, 3 687 espèces animales ou encore 541 espèces de champignons.

C’est donc plutôt logiquement qu’Endemia s’est retrouvée dans ce projet de Pl@ntNet, développé depuis 2009 avec le soutien de l’Agropolis de Montpellier qui aide les projets autour de l’agronomie et de l’environnement. Cette autre plateforme vise à promouvoir la biodiversité au sens de natif, indigène et endémique. Après avoir commencé en Europe de l’Ouest, l’outil s’est peu à peu répandu dans le reste du monde. Le principe consiste à prendre des photos des plantes rencontrées et à les transmettre au réseau via l’application. Un système de reconnaissance automatisée va ensuite fournir une liste de photos de plantes similaires afin que l’utilisateur puisse choisir celle qui convient le mieux. La contribution est ensuite soumise au reste de la communauté.

Entre 60 000 et 100 000 utilisateurs

« Cet outil est à la frontière de l’informatique et de la botanique, relève Pierre Bonnet, le coordinateur du projet Pl@ntNet. Nous avons adapté l’application à la flore endémique calédonienne depuis 2017. L’adaptation porte sur 2 400 espèces pour près de 30 000 images ». Si le nombre de photos peut paraître important, il est en réalité encore relativement faible. Car, plus il est élevé, plus les programmes de reconnaissance automatisée sont performants. Après une phase test engagée au mois de mai, les promoteurs de cette application gratuite ont décidé de la rendre publique le 12 août afin d’accélérer le mouvement. Ce sont, en effet, les contributions des utilisateurs qui permettent de nourrir les bases de données et d’améliorer l’efficacité de la reconnaissance. La seule contrainte est donc de faire des clichés de bonne qualité.

À travers le monde, Pl@ntNet a montré l’intérêt qu’elle pouvait susciter. Disponible depuis 2013, l’application a été téléchargée près de huit millions de fois. Un développement important qui, conjugué au progrès technologique des appareils mobiles, permet d’améliorer le fonctionnement de cette plateforme de recherche collaborative. En 2018, le nombre d’utilisateurs est estimé entre 60 000 et 100 000, dont de nombreux scientifiques, mais également des membres d’associations pour la préservation de l’environnement, les jardins botaniques ou encore les universités. Ils l’utilisent dans les onze langues proposées et ont permis de renseigner près de 17 000 espèces de végétaux alors que la base de données en recensait seulement 800 au départ. Mais si cet outil sert la recherche, il a également vocation à servir de support à la diffusion des informations auprès du plus grand nombre comme les scolaires. Selon une étude réalisée en 2015, 12 % des utilisateurs sont des professionnels de l’éducation, du monde agricole et de l’environnement. L’idée est d’aller encore plus loin sur le terrain de l’éducation et de la formation. Mais déjà, les fiches et les nombreuses informations consultables sur le site constituent des outils pédagogiques intéressants.

En Europe de l’Ouest où a commencé la plateforme, le nombre d’espèces recensés dans la base de données approche les 6 000. Si la couverture commence à être importante, les chercheurs estiment toutefois qu’il reste encore du travail. Un travail qui porte sur d’autres sujets comme la distribution des espèces ou encore les pathologies végétales. Des applications particulièrement intéressantes pour la Nouvelle-Calédonie dont certaines plantes sont micro-endémiques, c’est-à-dire qu’elles ne se développent que sur une toute petite partie du territoire. Une option géolocalisation permet ainsi aux contributeurs de situer leurs découvertes. Ce type d’information n’est toutefois pas diffusé publiquement afin de limiter les risques de collecte illégale. L’application permet toutefois de visualiser des cartes de répartition des espèces.

Au cas où les usagers enverraient des photos de plantes non endémiques, l’application cherchera dans l’ensemble de la base de données afin de trouver une correspondance, mais renverra sur les autres plateforme de Pl@ntNet. On trouve également sur l’appli un référentiel des plantes utiles, notamment utilisées en agriculture. Le 25 août, une sortie est organisée au parc zoologique et forestier afin de discuter du système avec les utilisateurs et de voir ses atouts et ses limites dans le but d’améliorer le dispositif. À terme, l’idée est de pouvoir identifier et de pouvoir constituer une banque d’images pour les 3 400 espèces calédoniennes, même s’il en existe bien plus. Comme le souligne les chercheurs, depuis 2000, on découvre environ une nouvelle espèce par mois au quatre coins du territoire. Pour Pl@ntNet, l’ambition n’est rien de moins que de pouvoir créer une encyclopédie visuelle collaborative.

Vous pouvez consulter la plateforme Endemia sur www.endemia.nc. La plateforme Pl@ntNet est accessible via son site internet, www.plantnet.org et l’application est téléchargeable gratuitement sur Apple Store et Google Play.


Recenser pour protéger

Ce n’est pas l’objectif premier de Pl@ntNet, mais c’est certainement celui de l’Œil qui travaille sur des programmes voisins, avec des technologies sensiblement différentes. L’association, qui a pour mission de surveiller l’environnement dans le Sud, a développé des programmes informatiques autour de la cartographie. Certaines couches des cartes intègrent des éléments liés à la flore comme la forêt sèche, par exemple. Cet outil a notamment vocation à aider les pouvoirs publics dans leur prise de décisions, notamment en cas de feux de forêt. Le fait de disposer de ces informations peut leur permettre d’intervenir afin de protéger des espèces rares ou en danger. Si le parc de la mer de Corail est un premier pas pour la préservation de la biodiversité en mer, les atteintes qui lui sont portées sur terre sont nombreuses malgré les Codes de l’environnement des provinces. Les feux de forêt, contre lesquels les pouvoirs publics n’engagent pas de politique volontariste, sont un des plus importants fléaux. Chaque année, ce sont près de 20 000 hectares qui partent en fumée. Selon une thèse, la réalité serait plus proche des 50 000 hectares


Des espèces sérieusement menacées

Endemia a travaillé sur la liste rouge des espèces en voie d’extinction. Les chiffres mis en lumière ne sont pas bons puisque près de 40 % de la flore calédonienne est menacée d’extinction. Des nombreuses informations sont à retrouver sur le site internet de l’association. À noter que 59 % des espèces menacées sont touchées par les feux de forêt, 39 % par les activités minières (selon l’association, les efforts en matière de revégétalisation ne permettent pas de stopper l’érosion) et 38 % par les espèces envahissantes.

M.D.