Un plan de sauvetage pour le monde du nickel

L’activité minière et métallurgique a définitivement tourné la page fastueuse de ces dernières années. La crise est là, les grands projets sont en position critique et le gouvernement, en collaboration avec les provinces, propose un plan de sauvetage pour les mineurs et les industriels. Les petits mineurs pourront bénéficier d’allégements de charges patronales et de chantiers alternatifs alors que les trois grands industriels verront leurs obligations réglementaires assouplies, en particulier sur le plan environnemental.

Le monde du nickel est en crise et celui de la Calédonie l’est peut-être encore davantage. Sa très faible compétitivité peut coûter cher, voire très cher au Territoire, en particulier en cas de licenciements. C’est Glencore qui a récemment ouvert le bal dans son style plutôt brutal. Après la « cup of tea » de la fin d’année 2013, le PDG de la multinationale suisse, a rappelé en décembre 2015 que son groupe n’était pas « marié au nickel du Koniambo ». Faisant preuve de pragmatisme et joignant le geste à la parole, Glencore a récemment envoyé des émissaires chez un petit mineur calédonien dans le but de lui proposer les clefs de l’usine.

KNS au plus mal

Cette initiative pourrait compliquer la tâche du nouveau président de l’usine du Nord, Marc Boissauneault, remplaçant de Peter Hancock parti au mois de janvier. Une situation d’autant plus délicate que KNS a désormais une « dead line » fixée à la fin du mois de juin. Si l’on considère les frais liés à la réfection du four numéro deux et les coûts de production qui, selon les analystes de Wood Mackenzie, cités par Dominique Nacci, ex-directeur des relations publiques de la SMSP, pourrait avoisiner les 33 000 dollars la tonne de nickel-métal. Les perspectives de réductions de ces coûts sont réelles mais pas nécessairement à court terme.

De quoi s’étrangler pour un président d’un groupe dont les dettes, à la fin 2015, s’élevaient à 25,8 milliards de dollars et qu’il entend bien ramener à 17 ou 18 milliards de dollars. Après la vente de mines en Australie et au Chili, l’usine calédonienne, qui a coûté presque 8 milliards de dollars, pourrait bien être la prochaine sur la liste dans cette course aux coupes franches dans la liste des actifs. La situation de KNS est d’autant plus inquiétante que c’est principalement sur la mine que repose l’explosion de la zone VKP. L’industriel en a pris la mesure puisqu’il organise, tout au long du mois de mars, des réunions d’information du public sur « la situation et les enjeux opérationnels de l’entreprise ». Quoi qu’il arrive à KNS, l’opérateur devra réduire drastiquement ses coûts de production, ce qui implique de lourds impacts sur la sous-traitance.

Vale NC y croit encore

Vale NC a tenu une conférence de presse en tout début de semaine comme elle le fait habituellement pour annoncer ses résultats trimestriels et plus généralement pour dresser le bilan de l’année 2015. Le rendez-vous avait une saveur un peu particulière. Daryush Khoshneviss, le directeur par intérim depuis le récent départ d’Antonin Beurrier en fin d’année 2015, n’avait pas que des bonnes nouvelles à annoncer et n’y a pas été par quatre chemins en indiquant d’emblée que le groupe « Vale est dans une situation difficile. Vale Nouvelle-Calédonie n’est pas dans une situation différente et je dirais même qu’elle est dans une situation encore plus difficile ».

Mais le directeur par intérim arrivé il y a un an et demi continue d’y croire, assurant que « VNC a le potentiel pour devenir une entreprise de classe mondiale », mettant en avant l’augmentation de la production de 55 % en 2015 pour atteindre les 30 000 tonnes. Mais le constat est le suivant, les coûts de production sont trop élevés et engendrent un déficit de 300 millions de dollars sur l’année 2014 qui a encore progressé en 2015 à 400 millions de dollars, soit près de 45 milliards de francs.

Pour l’industriel du Sud, l’équation est simple, il va falloir augmenter la production tout en réduisant ses coûts. À l’instar de KNS, les coupes devront être franches. L’objectif fixé par Vale est une économie de 100 millions de dollars (10 milliards de francs) soit 25 % des contrats de services, de la maintenance ou encore des supports. Une réduction jugée très agressive par Daryush Khoshneviss lui-même. Si cette réduction ne concerne, a priori, que la sous-traitance, les syndicats et le personnel de VNC qui ont été reçus par le directeur par intérim, devront faire preuve de résilience. C’est toute l’organisation du travail qui devra être revue en profondeur.

Cette « croisade » pourrait permettre d’atteindre les 13 000 dollars la tonne, contre environ 15 000 aujourd’hui et 18 000 l’année dernière. VNC n’a pas le droit à l’erreur et doit prouver ses capacités à Vale et au marché. Si aucune date butoir n’a été fixée par le groupe, l’attention de la maison mère s’est accentuée et chaque mois, elle suit très attentivement l’évolution des chiffres. Et si tout en affirmant que Vale avait confiance dans la réussite du projet, Daryush Khoshneviss n’a pas caché que toutes les options étaient désormais très concrètement envisagées et notamment la cession d’actif.

Cette option, Sumic, l’actionnaire japonais du capital de VNC à près de 14 %, l’a exercé en se retirant du capital. À ce stade du projet, les Japonais avaient précisé un objectif de production de 80 % de la production nominale pendant au moins 60 jours. Vale se retrouve l’actionnaire majoritaire à 95 % aux côtés des institutions calédoniennes qui lui doivent toujours l’argent avancé pour acheter les parts du capital. Aucun accord n’a encore été trouvé sur cette question. Vale pourrait donc être amené à prendre des décisions difficiles, d’autant plus que ses autres unités de production de nickel affichent toutes des coûts de production autour de 8 000 dollars la tonne, soit le quasi-équilibre avec les cours actuels du marché déprimé.

La SLN, un cas à part

La SLN n’affiche pas une meilleure santé et a déjà proposé un plan à ses salariés qui a provoqué la colère du Soenc Nickel et un débrayage d’une journée. L’idée était grossièrement de revoir à la baisse le temps de travail ce qui aurait conduit à des baisses de salaire allant jusqu’à 10%. La grève du début du mois de février n’était qu’un coup de semonce. Les salariés attendent des réponses concrètes quant à la construction de la centrale C qui est censée redonner des marges de compétitivité à la vieille dame de Doniambo.

La SLN et Eramet ont clairement commis une erreur de gestion en ne prévoyant pas le remplacement de la centrale de Doniambo. La trésorerie a été largement redistribuée en dividendes, sans oublier que durant plusieurs décennies, l’industriel bénéficiait du tarif très préférentiel de l’électricité produite par le barrage de Yaté, revendant son électricité produite nettement plus chère aux Calédoniens. Mais ce qui est fait n’est plus à faire et c’est désormais du côté de l’État et de la famille Duval que sont tournés tous les regards. La visite du Premier ministre, Manuel Valls, pourrait être instructive sur ce dossier.

Mais à l’instar des autres industriels, la SLN devra traverser la tourmente qui pourrait durer jusqu’à plusieurs années (le rebond du prix du pétrole pourrait s’ajouter aux mauvaises nouvelles) si l’on en croit les analystes. Les déficits de la SLN seront difficilement tenables pendant la longue période nécessaire à la construction de la nouvelle centrale. L’avenir apparaît plutôt sombre.

Le gouvernement a un plan

Face à cette situation critique, le gouvernement a présenté un plan de sauvetage de la mine- métallurgie. En langage administratif, il s’agit d’unsoutienconjoncturelenfaveurdel’activité minière et métallurgique. Concrètement, ce plan s’articule en trois parties. La première concerne la mine. Étant donné la situation instable de l’usine de Yabulu, seul client sur les latérites pour les mineurs Calédoniens, le gouvernement est prêt à réexaminer les demandes d’exportations vers la Chine. Dans les mêmes volumes que dans la situation actuelle et aux mêmes teneurs en nickel mais avec des durées maximales comprises entre 12 et 18 mois. Un changement de position qui intervient avec l’accord trouvé avec les petits mineurs (Ballande, Maï et Montagnat) pour aider la NMC à approvisionner l’usine de Corée. Une fois ce point réglé, le gouvernement est beaucoup plus enclin à redonner de la visibilité aux Calédoniens. Mais une chose est sûre, étant donné le contexte du marché, le minerai devrait se vendre à perte.

Pour les petits mineurs, le fonds nickel (sa trésorerie est de deux milliards de francs) a été enclenché. Il sera convoqué le 15 mars et permettra la mise en œuvre de deux dispositifs : la prise en charge d’une partie des cotisations patronales qui pourrait aller jusqu’à 30 % et le financement de travaux à caractère curatif (comme le nettoyage de creeks engravés par exemple). Ces chantiers de réhabilitation pourront intervenir rapidement, d’ici à un mois, plusieurs sites d’exploitations de latérites sur la côte Est ayant déjà été identifiés. Paradoxalement, pour aider les métallurgistes qui emploient plus de 500 salariés et ne peuvent bénéficier du fonds nickel, le gouvernement prévoit d’assouplir les prescriptions réglementaires et plus précisément celles relevant de l’environnement. Les associations de protection de l’environnement apprécieront. L’idée est d’alléger les charges en dispensant les industriels d’études environnementales très coûteuses par exemple, sur une durée de temps limitée précise le président du gouvernement. Ces compétences étant provinciales, chaque arrêté devra être revu individuellement. Plus globalement, le gouvernement va également décaler l’obligation faite au mineur de reconnaître ses titres miniers avant 2019 à 2023, ce qui donnera encore un peu plus d’air aux métallurgistes.

M.D.

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Et le chômage ?

Pour l’instant, le gouvernement n’a reçu aucune demande de chômage technique des opérateurs. Et s’il devait y avoir un chômage massif en milieu d’année ? Le gouvernement préfère ne pas imaginer la situation où le « ciel nous tombe sur la tête ».

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Un prix plancher ? 

Après l’interdiction indonésienne d’exporter des minerais bruts, c’est au tour des Philippines, l’autre grand pays détenant d’importantes ressources en nickel, qui a décidé de bouger. Longtemps accusé de brader son minerai, le pays vient d’imposer un prix plancher pour ses saprolites (minerai à haute teneur) à 39 dollars la tonne. En dessous, les Philippins ne livrent que des latérites. D’après le gouvernement, les mineurs exportent actuellement leur minerai aux alentours de 30 dollars la tonne. Une reflexion sur ce modèle pourrait être engagée en Calédonie.