Un livre blanc pour encadrer les produits phytosanitaires

Les professionnels du monde agricole lancent une grande campagne de communication autour de la qualité sanitaire de la production locale. Un forum permettra au grand public de poser des questions, avant l’organisation de rencontres en 2018. Ces dernières devraient déboucher sur un livre blanc des bonnes pratiques avec pour objectif de rétablir la confiance des consommateurs envers les produits calédoniens.

La question des pesticides est sensible et loin d’être anodine. Ces produits, désormais désignés par le terme poli de phytosanitaires, ont des conséquences potentielles très graves sur la santé humaine. Les scandales de ces dernières années n’auront pas joué en faveur des agriculteurs et sont probablement une des explications de l’essor massif du marché du bio en France et plus largement dans le monde. La Nouvelle-Calédonie ne fait pas exception. La production biologique et raisonnée est encore limitée, mais de nouveaux exploitants s’installent ou décident de convertir leurs exploitations.

Selon les professionnels, leur image auprès du grand public est mauvaise. Et les multiples attaques en justice de la réglementation par le collectif Ensemble pour la planète n’y sont pas étrangères. Si la réglementation peut être remise en question, la profession estime, pour sa part, faire correctement son travail de nourrir la population et non de l’empoisonner. La Chambre d’agriculture, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et le réseau de producteurs raisonnés, Repair, se sont associés pour proposer un bilan de la campagne de surveillance annuelle des résidus des produits phytosanitaires 2016 réalisé par la Direction des affaires agricoles (*), vétérinaires et rurales.

D’ordinaire, c’est la Davar elle-même qui communique sur le sujet en présentant les résultats de l’année précédente. Cette année, l’administration a passé la main suite au recours engagé par EPLP contre l’arrêté relatif aux substances actives et produits phytosanitaires à usage agricole. Le 30 juin, le tribunal administratif a donné raison au collectif, annulant l’arrêté dérogatoire permettant l’importation de produits phytopharmaceutiques à usage agricole (PPUA), notamment en raison d’un manque de concertation du public. Cet arrêté dérogatoire faisait suite à l’annulation d’un autre arrêté par le tribunal administratif, le 10 mai, listant les produits initialement autorisés, dans le cadre de la nouvelle loi du pays encadrant l’usage des PPUA, votée par le Congrès au mois de février.

Une meilleure conformité pour les produits calédoniens

D’une certaine manière, les professionnels du monde agricole ont souhaité répondre à EPLP qui avait présenté son analyse des résultats de la Davar début juin. Pour éviter toute polémique, les agriculteurs ont pris la décision de reprendre les résultats officiels et de les passer au crible de la réglementation métropolitaine. « La production locale n’a pas à rougir de la comparaison, tonne Claudine Verger, la vice-président de la Chambre d’agriculture. Si l’on applique la réglementation métropolitaine, nous atteignons un taux de conformité de 95 % contre 63 %. »

De la même façon, la Chambre met en avant une pression de contrôle nettement plus importante qu’en Métropole. Pour la filière production végétale, 1 760 prélèvements y sont réalisés chaque année, contre 170 échantillons en Nouvelle-Calédonie. Des échantillons recueillis essentiellement au marché de gros où transite la majorité des fruits et légumes, mais aussi dans le nord et les îles. Si l’on rapporte l’échantillonnage au tonnage produit, on constate une pression soixante fois plus importante.

La situation est néanmoins loin d’être parfaite mais, comme le souligne David Perrard, le président de la FNSEA NC, les choses ont beaucoup évolué depuis 10 à 15 ans. La consommation de pesticides a chuté. Le tonnage a été divisé par deux en dix ans, alors que dans le même temps, la production agricole a progressé de 15 %. « Les producteurs ont pris conscience qu’il fallait aller vers le consommateur, lui expliquer ce nous faisons », explique David Perrard. D’où l’idée de créer un forum permettant au grand public de poser directement toutes les questions. « Les producteurs ont longtemps négligé ce lien de proximité avec le consommateur, ajoute Gérard Pasco, le président de la Chambre d’agriculture. Les choses changent et de plus en plus de producteurs ouvrent leurs exploitations au public. »

Pour la Chambre consulaire, le forum permettra de fournir l’information au consommateur en toute transparence. On y retrouve les questions fréquentes à propos de la réglementation, un lexique avec les abréviations pour mieux comprendre de quoi l’on parle ou encore la possibilité de poser directement ses propres questions. Ce sont ensuite les services de la Chambre d’agriculture qui apporteront les réponses. Le forum est amené à évoluer et proposer d’autres sujets que les produits phytosanitaires.

L’idée des professionnels est de rassembler l’ensemble des parties prenantes de manière constructive afin « de créer une dynamique et de tirer tout le monde vers le haut. On doit tendre vers du zéro phyto, chimique au moins », précise Claudine Verger. Un objectif difficile à atteindre, mais qui permet de fixer un cap. Après le forum, la profession souhaiterait organiser des rencontres avec les institutions, le monde de la recherche et le grand public d’ici l’année prochaine. Les travaux devraient conduire à la rédaction d’un livre blanc définissant les bonnes pratiques en matière d’utilisation des produits phytosanitaires, l’équivalent du plan Écophyto métropolitain.

Un travail de concertation avec tous les acteurs

Pour les agriculteurs, un des enjeux est de stabiliser la réglementation qui a évolué de manière importante ces dernières années. Ce manque de stabilité a constitué un frein dans le développement des exploitations et nuit à la relation de confiance entre les producteurs et les consommateurs. Le livre blanc sera aussi et surtout l’occasion de définir les moyens correspondant aux ambitions de l’ensemble des partenaires.

Ce travail à venir n’a pas empêché la chambre consulaire d’avancer un peu sur la question des PPUA, notamment au travers son plan stratégique pour la période 2018-2022. Un certain nombre de jalons ont été posés, reste maintenant à concrétiser des pistes telles que les transferts de technologies. Si l’emploi de la chimie – et des utilisations pas toujours adaptées – a longtemps prédominé, c’est en grande partie par manque d’information. Les techniciens de la Chambre arpentent désormais le territoire afin d’informer et d’apporter une assistance technique.

Mais d’autres initiatives voient le jour régulièrement. Un stage de trois jours a récemment été organisé à Lifou où la question des intrants a été abordée, par exemple, et des agriculteurs vont prochainement se rendre à un grand salon spécialisé. « Nous avons réussi à obtenir des financements européens pour envoyer en France des agriculteurs au salon Tech&Bio, se félicite Marc Viallon, le vice-président du Repair qui regroupe les producteurs raisonnés. Ce salon est une véritable bibliothèque de techniques alternatives à l’utilisation de la chimie. » Des initiatives qui devront être davantage structurées et pérennisées, d’autant plus si l’on considère la volonté de tendre vers une autonomie alimentaire.

 

(*) Chaque année, un plan de surveillance des résidus des pesticides est réalisé par la Davar. Il est censé permettre une surveillance représentative de la production agricole. Deux analyses sont réalisées, l’une en Nouvelle-Zélande, par un laboratoire indépendant ; l’autre est effectuée par le laboratoire de la Nouvelle-Calédonie. Les laboratoires recherchent 493 produits et deux types de non-conformité sont possibles. La première lorsqu’un produit non autorisé est trouvé, la seconde lorsque les résidus des substances actives contenus dans les fruits et légumes dépassent la limite réglementaire.

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