Un Comité des signataires aussi froid que Paris

Le XVIIIe Comité des signataires ne restera pas dans les mémoires comme ayant fait avancer la cause calédonienne dans son ensemble. Mais cela était à prévoir, vus le résultat du référendum et la proximité des provinciales…

Le premier Comité des signataires post-référendum s’est tenu vendredi dernier, 14 décembre, à Paris. Si Édouard Philippe a bien présidé le rendez-vous, il n’y aura consacré que quelques heures bien loin du marathon de l’année dernière. La conséquence d’un agenda national particulièrement chargé, et du pressentiment aussi sûrement que rien de grand ou de nouveau ne sortirait de la réunion. Autour du Premier ministre, la ministre des outres mer, le haut-commissaire, les signataires, les parlementaires, les représentants des institutions calédoniennes, quelques maires, et les forces politiques représentées par un groupe au Congrès, sont revenus sur la consultation du 4 novembre, ont évoqué la poursuite de l’Accord de Nouméa, et se sont penchés sur les questions économiques et sociales, un dernier volet boycotté, comme annoncé, par l’Union Calédonienne.

Le bon déroulement de la consultation

Francis Lamy, conseiller d’État et président de la commission de contrôle des opérations de vote a présenté un compte rendu de sa mission. Les membres du Comité ont salué la qualité du travail accompli, citant néanmoins quelques difficultés apparues « à la marge » qu’il conviendra de rectifier dans l’hypothèse d’une seconde consultation. Elles concernent par exemple l’envoi effectif des procurations établies, le cas de personnes s’étant présentées au bureau de vote sans être inscrites et l’organisation des bureaux délocalisés des îles à Nouméa. L’État a confirmé qu’il transmettrait aux représentants locaux les rapports de l’ONU et du FIP sur le sujet dès lors qu’il les aura reçus. Au-delà de la forme, l’ensemble des partenaires se sont accordés pour dire que le scrutin qui s’est déroulé dans le respect des convictions de chacun a constitué « un pas majeur dans la construction du destin commun ».

L’Accord n’est pas terminé

La question de la durée de l’Accord de Nouméa cristallise on le sait, depuis le référendum, les oppositions entre indépendantistes et non- indépendantistes avec en filigrane la question du gel du corps électoral. Le comité des signataires a permis d’éclairer ce débat mais sans faire bouger les positions. S’appuyant sur un avis du Conseil d’État, le directeur général des Outre-mer a fait savoir que l’application de l’Accord pourrait s’étendre au-delà des provinciales et de la période de principe de vingt ans puisqu’il prévoit aussi la possibilité de deux nouvelles consultations jusqu’en 2022. Cet état de fait implique que les prochaines élections ne peuvent se tenir sur un autre fondement que celui de l’Accord, et que les règles électorales en vigueur demeureront donc applicables autant pour les provinciales de 2019 que pour les deuxième et troisième consultations si elles ont lieu. Le Premier ministre a néanmoins souligné que dans toutes les hypothèses, le prochain Congrès élu en 2019, serait le dernier dans le cadre de l’Accord de Nouméa.

Les Républicains Calédoniens et le Rassemblement LR ont rappelé avec fermeté le caractère transitoire du corps électoral gelé et sa durée de 20 ans. Ils demandent le dégel au lendemain des provinciales. Calédonie ensemble se dit aussi en faveur du dégel mais estime qu’il est voué à l’échec pour l’instant et qu’il ne pourra qu’être évoqué dans le cadre d’une négociation globale pour substituer une nouvelle organisation politique à l’Accord de Nouméa. L’UC FLNKS et nationalistes et l’UNI maintiennent leur avis en faveur du verrouillage des corps électoraux jusqu’au terme politique de l’Accord de Nouméa. En clair, jusqu’à la fin du combat…
Le Premier ministre a proposé de constituer un espace de dialogue pour évoquer les différentes hypothèses de sortie de l’Accord. Les membres du Comité ont considéré que cet espace ne pourrait être envisagé avant la tenue des provinciales qui sont fixées au 12 mai…

Soutien à la SLN et aux acteurs économiques

Dans le cadre des questions économiques et sociales, le comité des signataires a apporté son soutien unanime à la filière nickel saluant les nouvelles orientations annoncées par Vale et les progrès enregistrés par KNS. Le comité a exprimé également sa solidarité avec la SLN et souligné l’intérêt de l’accompagner dans le cadre d’un nouveau modèle minier et métallurgique et d’amélioration de son coût d’accès à l’énergie. Cela suppose que la SLN pourra obtenir les autorisations pour exporter son minerai, et garantir sa survie. Dans la conjoncture actuelle, les partenaires ont enfin tenu à réaffirmer leur soutien à l’ensemble des acteurs économiques. Il a été confirmé que la BPI, Banque Publique d’investissement, s’installerait en Nouvelle- Calédonie l’année prochaine. L’État va constituer avec nos autorités un groupe de travail sur la possibilité de maintenir l’épargne des Calédoniens en Nouvelle- Calédonie. La poursuite des contrats de développement a aussi été confirmée comme la volonté de trouver les voies et les moyens pour renforcer le rôle de la Nouvelle-Calédonie dans la région.

C.M.

©Stephane de Sakutin AFP


LRC : « Des positions extrêmement dures »

Les Républicains Calédoniens ont regretté « les positions extrêmement dures des indépendantistes sur leur volonté de ne jamais rouvrir le corps électoral » et le fait qu’il n’y ait pas pu avoir de discussions sur les dates ou les modalités de réouverture. Quant à l’absence de l’UC sur les questions économiques et sociales Sonia Backes estime que « quand on ne veut pas parler des questions économiques avec l’État, il faut aller au bout du raisonnement et refuser l’aide de l’État sur le plan économique ».

Le Rassemblement LR : « Respect du vote »

Il est fondamental pour le Rassemblement que l’expression de la majorité des Calédoniens à hauteur de 57 % souhaitant rester au sein de la République française soit respectée et dicte la feuille de route de notre avenir. Le parti a également réaffirmé « l’inutilité et la dangerosité » pour la stabilité économique et politique de la Nouvelle-Calédonie d’aller vers un deuxième et un troisième référendum. «Il est bien plus urgent de construire l’avenir français de la Nouvelle-Calédonie en s’attelant aux problèmes quotidiens des Calédoniens».

CE : « Un référendum d’avenir partagé »

Face à la « double impasse » politique entre les indépendantistes qui prônent une application greffière de l’Accord exclusivement tournée vers les référendums et celle de la droite qui veut rouvrir le corps électoral, CE propose de « réinventer la sortie de l’Accord » par le dialogue, au lendemain des prochaines provinciales, pour substituer au référendum binaire, un référendum de projet.

UC FLNKS et nationalistes : « Nous continuons jusqu’au bout »

Pour l’UC, l’Accord de Nouméa a un début et une fin qui est le lendemaindu troisième référendum ou du deuxième si l’indépendance l’emporte à cemoment-là. « Cela n’a pas à être discuté » a répété Roch Wamytan. Sur le volet économique et social, il a été concédé qu’il s’agissait de questionsimportantes mais que « le moment était mal choisi », qu’il s’agissait mêmed’une « manœuvre de diversion ».

Uni : « Satisfaits de la position du gouvernement »

L’Uni par la voix de Victor Tutugoro a apprécié la position du gouvernement français « qui confirme que l’Accord n’est pas fini et qu’il a vocation à s’appliquer jusqu’à la fin de la prochaine mandature ». Pour la suite, l’Uni continuera à participer aux discussions.

Un Cœur une Voix : « Maintenant, la voie judiciaire »

L’Association « Un cœur une voix » a pris note des désaccords sur le corps électoral. Elle reste persuadée que seule la voie judiciaire donnera un réel écho à ses « justes » revendications. Elle prévoit de porter l’affaire devant les tribunaux internationaux de la Cour européenne des droits de l’homme et de l’ONU.