« Un Cœur une voix » vise la Cour européenne des droits de l’homme

Au cours de sa réunion publique, la semaine dernière au Bout du monde, le bureau de l’association « Un cœur une voix » a dévoilé les grandes lignes de sa stratégie pour défendre les exclus du vote. Et tenter d’obtenir devant les juridictions internationales le dégel du corps électoral provincial.

À la signature de l’Accord de Nouméa, le corps électoral provincial est glissant : Dix ans de présence en Nouvelle- Calédonie conduisent au droit de vote. « Mais en 2006, la pression des indépendantistes et la volonté du Président Chirac de leur donner des gages conduisent au gel du corps électoral. Et tant pis pour les exclus, qui sont aujourd’hui plus de 41 000 ! Des recours ont bien sûr été exercés, devant les juridictions nationales puis européennes, mais sans suites », rappelle Raphaël Romano, le président de l’association Un cœur une voix.

Depuis, les choses ont changé : les électeurs, privés de leurs droits aux provinciales ont gagné un poids indéniable et ne représenteraient pas loin du quart du corps électoral calédonien. Et autant de su rages à se répartir pour les partis politiques…

L’évolution s’est faite aussi sur le plan juridique. « D’abord, et depuis les derniers recours, on dispose d’une jurisprudence en faveur de la réintégration des exclus calédoniens du droit de vote », souligne Catherine Beaur-Calmels. Et la vice-présidente d’Un cœur une voix d’argumenter : « L’arrêt Py de la Cour européenne des droits de l’homme, précise bien, que l’Accord de Nouméa valait pour vingt ans et plus. Que le corps électoral provincial était donc considéré comme gelé pour vingt ans. Et qu’après ce délai de vingt ans (2008 – 2018), il redevenait glissant ».

Objectifs : Strasbourg et ONU

L’association veut aussi s’appuyer sur l’arrêt Trentin-Haut-Adige, toujours de la Cour de Strasbourg. Cet arrêt tire son nom d’une province d’Italie du Nord contiguë au Sud Tyrol autrichien. Une « minorité » autrichienne installée en Italie demandait le droit de vote aux élections provinciales du Trentin-Haut-Adige, malgré le refus de Rome. « La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que l’on ne pouvait priver de droit de vote des citoyens durablement établis dans une autre région européenne plus longtemps que la durée d’une mandature. Depuis les citoyens d’origine autrichienne du Haut-Adige votent aux élections provinciales italiennes, pour peu qu’ils soient installés depuis plus de quatre ans », poursuit Stéphane Tequin, le secrétaire de l’association de défense des exclus. En Calédonie, ce serait donc cinq ans, comme la durée des mandats au congrès…

Parallèlement aux recours devant la Cour européenne de Strasbourg, le bureau d’Un cœur une voix promet également de faire entendre la sienne devant la commission ad hoc de l’Onu : celle précisément qui défend le droit des minorités et prévient « des inégalités devant le droit de vote » dont elles pourraient être victimes. « Nous ne laisserons pas aux seuls indépendantistes le droit de dénoncer les discriminations, même si l’avis de l’Onu n’est que consultatif ».


Une lettre au Premier ministre pour le Comité des signataires

Le président de l’association Un cœur une voix vient d’écrire au Premier ministre, Édouard Philippe, qui réunira dans quelques jours le Comité des signataires à Matignon : « Un cœur, une voix défend le principe républicain de représentation nationale retenue par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et propose la réintégration de ces électeurs français, qui ont fait la démonstration de leur implication dans la société calédonienne. Un principe républicain, hérité de 1789, qui pose les bases de toute démocratie en affirmant qu’à chaque citoyen correspond une voix électorale», écrit notamment Raphaël Romano. Il est demandé au Premier ministre et à l’État, troisième partenaire de l’Accord de Nouméa, « d’inscrire la réouverture du corps électoral provincial à l’ordre du jour du prochain Comité des signataires de l’Accord de Nouméa, qui se tiendra sous votre égide […] a n que ce territoire français et er de l’être même aux antipodes de sa métropole, retrouve la dignité de sa nationalité, quelque peu perdue au fond des urnes ».