Un budget plus clair… et plus contraint

Hier, les élus du Congrès ont examiné le compte administratif de la Nouvelle-Calédonie. Pour la première fois, les trois budgets du territoire ont été présentés séparément. Une amélioration qui permet d’avoir une vision plus claire et fidèle de la situation budgétaire, laissant entrevoir des difficultés à venir.

Le compte administratif est l’un des deux temps forts de l’année avec l’adoption du budget. Son examen permet justement de vérifier comment l’exécutif a exécuté le budget, qui se doit de décliner en chiffres les orientations politiques des élus. Grande nouveauté pour ce compte 2016, les services fiscaux ont, pour la première fois, présentés les trois budgets du territoire de manière séparée.
Les trois budgets assurant le fonctionnement du territoire sont le budget propre de la Nouvelle-Calédonie, le budget de répartition (le gouvernement collecte les impôts et réparti ensuite une part de ces recettes aux autres collectivités telles que les provinces et les communes) et le budget de reversement (part des impôts et taxes collectés reversé aux organismes et autres établissements publics tels que l’Agence sanitaire et sociale ou encore le SMTU, Syndicat mixte des transports urbains).

Des recettes en chute libre
Par le passé, les élus ne disposaient pas d’une vision détaillée de ces trois budgets. Une carence qui constituait un obstacle à une gestion fine des dépenses publiques. La présentation séparée fait apparaître les déficits et permet de mieux définir les efforts à réaliser pour améliorer la situation budgétaire du territoire. Le contexte laisse envisager peu de perspectives d’amélioration des finances publiques qui sont littéralement en chute libre. Entre 2013 et 2016, elles ont diminué de plus de 7 %. C’est donc bien du côté de la maîtrise des dépenses qu’il faut creuser. Et en la matière, le gouvernement a fait des efforts. Les dépenses réelles propres de la Nouvelle-Calédonie ont diminué de 11 % entre 2015 et 2016 (de 17 % entre 2014 et 2016).
Des réductions qui ne suffisent toutefois pas à faire sortir les comptes de la zone rouge. Comme l’ont souligné les groupes politiques du Congrès, le déficit global atteint les 12,9 milliards de francs. Une situation critique que la Calédonie avait connu en 2013, avec un déficit toutefois nettement moins élevé d’environ deux milliards de francs. Le budget propre de la Nouvelle-Calédonie affiche pourtant un résultat excédentaire d’un peu plus de six milliards de francs.
Un résultat que les Républicains calédoniens estiment maquillé. Pour eux, tout comme pour le Parti travailliste, ce résultat positif est le fruit de la ponction de l’OPT à hauteur de deux milliards de francs, d’un recouvrement de dettes et d’un reprise de provisions, le tout pour un montant de 5,9 milliards de francs. Des inscriptions comptables qui permettent d’éviter de franchir la barre des 5 % de déficit sur les dépenses de fonctionnement. Une barre significative qui, une fois dépassée, donne la possibilité au haut-commissaire de se saisir de la situation et d’imposer des mesures pour retrouver l’équilibre budgétaire.
Si le résultat du budget propre apparaît positif, les marges de manœuvre sont toutefois très réduites et il est presque d’ores et déjà acquis que les élus du Congrès devront se prononcer sur un nouveau prélèvement dans les réserves de l’OPT et du Port autonome à l’occasion du budget supplémentaire. Une mesure perçue comme un plâtre sur une jambe de bois et qui suscite biens des interrogations, en particulier sur la capacité du gouvernement à financer un programme d’investissement ambitieux, censé relancer la croissance économique.
La situation ne sera pas tenable, d’autant que la croissance de ces dernières années a été très largement financée par l’emprunt et sans qu’une dynamique ne parvienne à se créer et s’auto-entretenir. Fin 2016, le taux d’endettement était de 74 %. Il devrait atteindre le taux limite de 90 % en 2017. Le budget primitif table sur un taux d’endettement de 86 %. En six ans, l’encours de la dette a explosé de 196 % (il est passé de 11 milliards de francs en 2010 à 32,5 milliards en 2016). Cette mauvaise situation aura des conséquences importantes sur la capacité de l’institution à financer les politiques publiques, notamment en matière d’investissement.

« Des finances en terre inconnue »
Dans ce contexte, on peut légitimement se demander où les collectivités vont trouver les fonds permettant de relancer de manière efficace l’activité économique. Les restes à recouvrer représentent plus de 20 milliards de francs, l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières a chuté de 20 %, l’impôt sur les sociétés d’un peu plus de 6 %, les métallurgistes vont très probablement réduire leurs masses salariales… Des éléments qui laissent présager la traversée d’une forte zone de turbulences, d’autant plus que le calendrier politique ne joue pas favorablement pour rassurer les investisseurs. Un coup dur, alors que de grands chantiers s’ouvrent, à commencer, par exemple, par le financement de la stratégie touristique à l’horizon 2025.
Pour Grégoire Bernut, les « finances entrent en terre inconnue ». Il se pourrait donc que la situation évolue, et peut-être même de manière radicale, d’ici la fin de l’année. Comme l’a suggéré Philippe Michel, une réflexion pourrait être engagée à l’occasion du prochain débat d’orientation budgétaire. L’idée du président de la province Sud est de répartir l’effort face à la réduction des recettes fiscales. En résumé, les collectivités ont dû réduire leur budget en réponse à la baisse des recettes fiscales, ce qui n’est en revanche pas le cas des établissements publics. Il serait alors question de baisser les dotations à ces établissements pour répartir les efforts. Un débat qui sera houleux, à n’en pas douter, d’autant qu’il sera aussi question d’une autre réforme épineuse d’importance, celle du Ruamm, Régime unifié d’assurance maladie maternité.