Thierry Lataste de retour

Thierry Lataste a officiellement pris ses fonctions de haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, lundi, lors d’une traditionnelle cérémonie place Bir-Hakeim. Et c’est avec une certaine émotion que l’ancien directeur de cabinet de François Hollande, a repris ce poste qu’il avait déjà occupé de 1999 à 2002. Réactions.

DNC : Vous prenez ou reprenez vos fonctions cette semaine. Comment vivez- vous ce nouveau départ en Nouvelle- Calédonie ?

Thierry Lataste : Je suis parti il y a quatorze ans, donc les choses ont changé. La Nouvelle- Calédonie a changé, les gens ont changé de responsabilités, le territoire a avancé, et je suis conscient que j’ai aussi à « découvrir » la Calédonie, même si j’y ai déjà servi. Mais c’est un moment d’émotion pour moi. Et puis, les drapeaux, les anciens combattants que j’ai vus, c’est aussi l’année 2016, c’est- à-dire le centenaire de 1916. J’ai eu le privilège d’accompagner le président de la République à Verdun, il y a quelques jours à cette occasion, et je suis conscient aussi du fait que la Nouvelle-Calédonie était partie prenante de ce combat.

Vous revenez à un moment clé de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Comment abordez-vous cette mission ?

Je l’aborde avec gravité parce que le moment est clé. Je suis conscient que les responsabilités vont aux Calédoniens, à ceux qui portent leurs orientations politiques, aux forces politiques de Nouvelle-Calédonie mais l’État est un partenaire, un facilitateur, il peut aider à faire émerger des convergences, à constater des divergences et à les respecter. Il servira à éclairer la consultation qui est prévue dans les prochaines années et je m’y emploierai.

Quel est le message que veut envoyer l’État avec la nomination d’une personnalité telle que la vôtre, qui connaît bien le territoire et ses acteurs ?

La Nouvelle-Calédonie n’est pas toujours au premier rang des préoccupations dans la presse nationale, mais les hommes politiques savent la gravité du processus qui se déroule en Nouvelle- Calédonie et qui va connaître une étape essentielle en 2018. Et en ce sens, choisir quelqu’un qui a, à la fois l’expérience de la Nouvelle-Calédonie et l’expérience de responsabilités nationales auprès du président de la République, du Premier ministre, du ministre de l’Intérieur, c’est, je pense, une mission de confiance qui m’est donnée et j’essayerai d’en être digne.

Quels seront vos premiers rendez- vous ?

Je vais rencontrer les responsables dans un cadre qui est nouveau, celui de la mission qui m’est confiée, des responsabilités qui me sont confiées. Et je vais repartir à la découverte de la Nouvelle- Calédonie, des territoires, des forces vives pour pouvoir être un acteur imprégné des réalités de la Nouvelle-Calédonie d’aujourd’hui.

Comment abordez-vous la préparation du prochain Comité des signataires en octobre prochain ?

On définira avec les partenaires politiques l’ordre du jour, on essayera de faire avancer les questions, de les clarifier de façon à ce que cet échange au plus haut sommet puisse être utile. C’est une étape essentielle qui permet dans l’articulation des projets, des responsabilités entre le gouvernement national et les autorités locales, de mettre au clair, d’échanger et de fixer des orientations communes. C’est, bien sûr, essentiel.

Y a-t-il eu un échange à Paris avec Vincent Bouvier ?

Je suivais l’outre-mer dans mes responsabilités à l’Élysée donc j’avais un contact fréquent avec Vincent Bouvier mais effectivement nous avons échangé à Paris. Nous étions ensemble, ici en 1991, je suis ami avec lui depuis cette période- là, c’est quelqu’un qui, dans toutes les responsabilités qu’il a exercées, a fait preuve de pondération, de sagesse, de courage. C’est pour cela qu’il avait été nommé en Nouvelle-Calédonie. Il a souhaité rentrer en métropole, je suis honoré de le remplacer et je suis certain qu’il me laisse une situation en bon état.

Vos premiers mots pour les Calédoniens ?

Je les remercie parce que j’ai reçu, dans les semaines qui viennent de s’écouler, beaucoup de messages sympathiques, de fidélité et j’y suis bien sûr, à titre personnel comme à titre professionnel, particulièrement sensible.

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BIO EXPRESS

Thierry Lataste, 62 ans, normalien et énarque, a été secrétaire général du haut- commissariat en Nouvelle-Calédonie de 1991 à 1993, avant d’être nommé directeur de cabinet du secrétaire d’État à l’Outre- mer Jean-Jack Queyranne de 1997 à 1999. Il participe à la négociation de l’Accord de Nouméa en 1998 et devient ensuite haut- commissaire en Nouvelle-Calédonie. Il a derrière lui une longue carrière préfectorale, en Languedoc-Roussillon, Saône-et-Loire, Vendée, Pyrénées-Orientales et Savoie. Ancien directeur de cabinet du Premier ministre Manuel Valls, et de Bernard Cazeneuve au ministère de l’Intérieur, il arrive à l’Élysée quelques jours avant les attentats de janvier 2015, au poste de conseiller de François Hollande.

Choisi pour remplacer Vincent Bouvier, Thierry Lataste apparaît comme l’homme de la situation, connaissant très bien le territoire et ses acteurs. Localement, sa nomination est généralement bien accueilli : « La situation réclame quelqu’un de solide, pas un éberlué ou quelqu’un qui ne parviendrait pas à s’imposer », dit-on clairement en off. Le préfet aura pour tâche de préparer la sortie de l’Accord de Nouméa, d’organiser le référendum de 2018, mais aussi de gérer la situation préoccupante du nickel et les questions de sécurité.

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Ce qu’ils en disent 

Pierre Frogier, sénateur

« Je considère que pour assurer la succession de M. Bouvier et en raison de la période spécifique que la Nouvelle-Calédonie traverse et va aborder, M. Lataste est certainement la personne qu’il fallait choisir. Sa personnalité, son parcours, son implication justifient sa nomination. Maintenant, je demande à voir. Parce que M. Lataste est un fonctionnaire de l’État, aux ordres du président de la République et du Premier ministre, qui sont socialistes, et donc je ne sais pas quelles sont les instructions qu’il a reçues du Gouvernement socialiste. Donc moi, je serai très vigilant et il n’est pas question d’accorder à M. Lataste un blanc-seing ».

Thierry Santa, président du Congrès

« Personnellement, je ne connais pas M. Lataste, mais les échos sont plutôt favorables. Le choix d’une personnalité qui connaît parfaitement la situation de la Nouvelle-Calédonie et surtout les échéances fondamentales qui nous attendent dans les deux ans à venir, n’est pas un choix anodin. Il a également des contacts au plus haut niveau de l’État et cela devrait permettre, je l’espère en tout cas, de faire avancer les choses dans le bon sens. On attend qu’il mette véritablement en œuvre la démarche de recherche de convergences comme cela avait été annoncé lors du dernier Comité des signataires et je pense que cela fait partie de sa feuille de route ».

Sonia Lagarde, députée de la 1re circonscription

« C’est un homme qui connaît bien le territoire, je dirais même qu’il a des liens affectifs avec la Nouvelle-Calédonie. Il compte deux passages, d’abord comme secrétaire général puis comme haut-commissaire et puis il a cette présence extrêmement assidue à Paris auprès des politiques quand ils passent, une présence assidue aussi aux Comités des signataires. C’est un homme de terrain, qui a une parfaite compréhension du dossier calédonien et qui a une approche sans doute, que je ne connais pas, sur l’avenir institutionnel. En tout cas, sa nomination fait l’unanimité. On a les uns et les autres noué des relations qui ne sont pas conflictuelles avec Thierry Lataste et les choses devraient bien se passer ».

Philippe Gomès, député de la 2e circonscription

« C’est une très bonne nouvelle pour plusieurs raisons. Il connaît parfaitement le pays, ses responsables politiques, il connaît son histoire, il a participé à la négociation de l’Accord de Nouméa, donc à tous les niveaux, c’est vraiment la bonne personne, au bon moment et au bon endroit. Et je suis ravi que Thierry Lataste, qui est un haut fonctionnaire sachant prendre ses responsabilités, soit aujourd’hui en situation d’accompagner la Nouvelle- Calédonie à un moment charnière de son histoire ».

Isabelle Lafleur, élue Les Républicains au Congrès

« L’arrivée de Thierry Lataste est une bonne chose dans cette période cruciale pour notre avenir. Il connaît parfaitement la Nouvelle-Calédonie, ses particularités et en même temps ses difficultés et surtout il connaît les politiques de ce territoire avec leurs qualités et leurs défauts… C’est un homme qui saura faire le lien entre nous et nous permettra de nous parler sur le territoire ! Sans attendre un consensus parisien qui déçoit régulièrement les Calédoniens. À nous aussi de faire ce qu’il faut pour avancer de façon constructive et de ne pas attendre toujours tout de l’État ».