Système de santé : il y a urgence!

La Société calédonienne de santé publique (SCSP) a décidé qu’il fallait agir. Elle appelle tous les acteurs de la santé et ceux qui voudraient les rejoindre à travailler à la refonte de notre système de santé dans l’optique d’améliorer les soins tout en dépensant moins. Son slogan : « Penser la réforme plutôt que panser l’existant ».

Les comptes de la santé sont dans le rouge et certaines professions, comme les orthophonistes ou les sages-femmes, ont déjà commencé l’année en battant le pavé, faute de règlements Cafat et de visibilité sur l’exercice de leur métier et du suivi de leur patientèle.

Face à ce constat, la Société calédonienne de santé publique a décidé qu’il était temps d’agir. Pour son représentant, le docteur Georges- Olivier Carissimo, la situation ne peut plus durer. « Nous sommes partis d’un double constat qui est fait ici comme en Métropole. Nous avons un déficit du système de santé qui est à la fois très coûteux et peu efficace, résultat d’une mauvaise transition démographique et épidémiologique. Mais si la SCSP s’inscrit dans la projection de Do Kamo sur le principe que nous sommes dans une dynamique de travail collectif, on voit bien qu’aujourd’hui ce plan s’est enlisé dans des questions financières. Il faut passer à une vision claire d’un système différent. » Et d’ajouter : « Do Kamo n’arrive pas à formuler une proposition visionnaire et c’est cela que l’on veut pallier avec tous ceux qui veulent participer à notre intention, chaque groupe de professionnels de santé et tous ceux qui souhaitent transformer notre système de santé, pour qu’il soit enfin efficace. »

Transitions démographique et épidémiologique

Moins de jeunes, plus de personnes âgées qui vivent plus longtemps, c’est en gros le profil des pays développés comme la Métropole et, même dans une moindre mesure, la Nouvelle-Calédonie. Un vieillissement qui a des conséquences sanitaires, tout comme la transition épidémiologique. Les facteurs influant sur notre santé ont changé depuis ces cinquante dernières années. Il y a aujourd’hui beaucoup plus de maladies chroniques, la sédentarité est plus importante et apporte son lot de pathologies, les produits provoquant des cancers sont plus présents, la pollution aussi.

Les effets combinés de ces changements démographiques et épidémiologiques ont modifié la donne pour nos systèmes de santé, en termes de gestion et de gouvernance. Nous sommes passés progressivement d’une demande de soins de santé aigus auxquels pouvaient répondre des services médicaux limités dans le temps, à des besoins de santé plus complexes.

Les conditions chroniques ou persistantes nécessitent une prise en charge préventive et thérapeutique à long terme. Le développement de la réadaptation, des interventions simples réalisées essentiellement par des médecins et des infirmières dans le cadre d’épisodes de soins limités dans le temps ont abouti à des continuums de services sophistiqués.

Pour Georges-Olivier Carissimo : « Ces transitions ont amené leurs lots de pseudo-solutions comme l’augmentation des impôts et les cotisations, une baisse des prestations, une contrainte des médecins, une culpabilisation des malades ou un transfert de charges d’une institution à une autre. Vouloir une santé exclusivement curative et mettre en œuvre un aiguillage quasi automatisé où les patients sont dirigés dans des parcours avec des soins planifiés et standardisés ont montré leurs limites. Bref, depuis le tournant budgétaire des années 90 notre système de santé est en souffrance, les dépenses sont plus rapides que les recettes, l’équilibre, voire la survie de protection est menacée. »

Faire mieux en dépensant moins ?

Devant ce constat et l’absence de formulation visionnaire concrète du plan Do Kamo avancé par nombre de professionnels de santé, le représentant de la Société calédonienne de santé publique indique qu’il est « nécessaire de changer notre représentation collective de la santé et de trouver des axes de solutions pour adapter le système à la transition épidémiologique et démographique d’une part, et à la situation économique d’autre part. » En clair, pour la SCSP, on peut faire mieux avec moins et garantir un système de santé qui ne compromette ni les solidarités, ni l’état des comptes publics.

« Concrètement, il s’agit de redéployer les moyens existants vers les malades en donnant aux acteurs de la santé et du social les moyens de leur mission. » Pour cela, la SCSP avance qu’il faudrait libérer ces acteurs du carcan administratif. Il faudrait aussi passer d’un contrôle « a priori » à un contrôle « a posteriori », définir une santé globale, réorganiser l’hôpital, reformuler l’approche clinique, modifier la gouvernance institutionnelle des établissements de santé, assurer une concordance entre les lieux de délibérations et de décisions, mettre l’intérêt du malade en avant et travailler sur le collectif. Autant de pistes pour rendre le système de santé optimal que la SCSP veut partager dès cette année.

Les axes de travail

Pour mener à bien la mission de transformer le système de santé calédonien pour qu’il soit optimal, la SCSP veut « relancer et participer au débat car aujourd’hui il est plutôt enlisé dans des questions purement économiques ».

Dans cette optique, ses représentants ont fait parvenir il y a quelques jours une lettre ouverte aux parlementaires calédoniens leur demandant de les aider dans leur démarche auprès des ministères de la Santé et des Outre- mer, « pour bénéficier du support de l’État. »

La SCSP, qui travaille depuis des mois en interne, souhaite maintenant inviter toutes les personnes qui se sentent intéressées à la rejoindre. « Il existe des pistes claires de solutions qui permettent d’améliorer les soins en allant vers du moins cher. Nous voulons donc aujourd’hui prendre le pouls, l’avis de tous ceux qui veulent transformer le système pour sortir de la crise. Nous invitons tous ceux qui se sentent concernés à nous rejoindre lors de notre assemblée générale le 8 mars. Nous verrons s’il y a du monde et nous verrons comment nous pouvons travailler, en groupes, pour faire des propositions et apporter des solutions. »

L’idée est de lancer les travaux en associant tous les groupes professionnels de santé, les politiques, Do Kamo, pour aboutir à la rédaction d’un livre blanc d’une transformation du système de santé. « Transformation, on le sait bien, qui appellera à des transformations de réglementations, de pratique, de surveillance, de contrôle, de paiement, etc. Pour aboutir à du concret d’ici un à deux ans. »

C.S. ©M.D.DNC 


La SCSP en bref

La Société calédonienne de santé publique est une association qui rassemble en dehors de toute structure institutionnelle des personnes d’origines et de professions diverses, intéressées par les problématiques de santé publique avec comme but l’amélioration de la santé des populations de Nouvelle-Calédonie. Pour en savoir plus, un mail : scsp@gmail.com