Sénatoriales : Les candidats de la plateforme élus et après ?

Dernier épisode électoral de l’année, les élections sénatoriales ont livré leur verdict dimanche. À l’issue du premier tour de ce scrutin uniquement ouvert aux grands électeurs, Gérard Poadja et Pierre Frogier, qui faisaient ticket commun sur la liste de la plateforme, ont été élus avec respectivement 258 et 255 voix.

Les deux candidats présentés par l’Uni, Émile Nechero et Jean Creugnet, totalisent chacun 120 voix. Isabelle Lafleur représentant Les Républicains calédoniens tire son épingle du jeu avec 95 voix, soit 20 % des suffrages. Enfin, Manuel Millar a recueilli 9 voix.

Si ce résultat est sans surprise, il interroge toutefois, puisqu’il conforte une situation de confiscation par la plateforme de la représentation des non-indépendantistes au Parlement, dans les institutions locales, alors même que de nombreux Calédoniens loyalistes ne se retrouvent ni dans le discours ni dans une attitude pour le moins hégémonique. Il y a dans cette élection l’anecdotique : avec trois petites voix d’avance, Gérard Poadja est mieux élu que Pierre Frogier, pourtant sénateur sortant.

Il y a le factuel, l’élection est acquise au premier tour à la fois en raison des 55 bulletins blancs et nuls et de fait que 30 électeurs ne se sont pas déplacés pour ce scrutin où le vote est pourtant obligatoire. Mais ce ne sont là que des détails.

Ce qui est moins dérisoire, en revanche, c’est que dans cette élection très particulière, autorisant le panachage, certains n’ont pas hésité à rayer le nom de l’un des deux candidats de la plateforme, preuve que des réticences fondées existent bel et bien au sein de cette machine à distribuer des postes et des responsabilités.

Certes, la démarche n’est encore que marginale, mais les candidats Frogier et Poadja ont bénéficié de l’effet d’entraînement issu des législatives et d’un investissement lourd de Calédonie ensemble et de ses ténors pour garantir ce résultat qui restreint encore un peu plus l’influence du Rassemblement sur l’échiquier politique.

Il n’en reste pas moins vrai que la centaine de voix recueillies par Isabelle Lafleur, à qui les arithméticiens prévisionnistes n’en donnaient qu’une cinquantaine, est significative. C’est bien la preuve qu’il existe un espace pour une autre voix et d’autres convictions dans ce que d’aucuns appellent la famille non indépendantiste, y compris chez les grands électeurs pourtant facilement identifiables. C’est manifestement à ce plus d’espace, à ce plus de liberté, à ce refus de se voir confisquer le débat qu’aspirent des milliers de Calédoniens.

Ce scrutin ne manque pas non plus d’enseignements du côté des indépendantistes. Seul l’Uni-Palika a présenté des candidats qui, avec 120 voix chacun, sont allés chercher quelques suffrages au-delà de leur propre affidés. L’Union calédonienne est restée, pour sa part, sur le même positionnement que lors des législatives, c’est-à-dire de ne pas s’engager dans une élection à caractère national et cette position n’a pas été sans conséquence sur le résultat final, même si une attitude plus volontariste n’allait pas inverser le cours des choses.

Dernière ligne droite

Ce qui importe désormais, c’est qu’au lendemain de ces élections sénatoriales, la Nouvelle- Calédonie est entrée dans la dernière ligne droite de l’Accord de Nouméa. C’est assez dire si les mois qui viennent seront importants. D’autant plus importants qu’aujourd’hui rien n’est réglé et que la Nouvelle-Calédonie et que les Calédoniens ont besoin d’assurances. Dans 13 ou 14 mois, ils seront appelés à décider de leur avenir. Or aujourd’hui, chacun peut constater que rien n’est prêt, rien n’est réglé. Faute de consensus et de volonté politique, le Congrès, qui a pourtant la possibilité d’être un acteur du processus, reste figé alors qu’une proposition de fixer au 7 octobre 2018 la date du référendum a été déposée sur le bureau de l’institution par le groupe Les Républicains calédoniens.

C’est dans ce contexte que les deux sénateurs de la Nouvelle-Calédonie comptent jouer un rôle « déterminant ». Or ce rôle, Pierre Frogier l’a défini sans ambiguïté au soir de sa réélection. Il souhaite pouvoir « aller au-delà de la lettre de l’Accord de Nouméa et faire que cette consultation ne soit pas à nouveau l’occasion de diviser et d’opposer les Calédoniens ».

Il s’agirait donc pour le sénateur de proposer une alternative à la question prévue par l’Accord de Nouméa, une autre option que le oui ou non au transfert des compétences régaliennes et à la transformation de la citoyenneté en nationalité. Est-ce à dire que pourrait être proposé à un corps électoral majoritairement favorable au maintien durable de la Nouvelle-Calédonie dans la République française, le choix entre la peste et le choléra, entre une indépendance- association et un État fédéré ?

C.V. 

Photo : Le Rassemblement – Les Républicains