Sécurité : le plan Germain critiqué par tous, mais voté par la majorité plateforme/Uni-Palika

« Plan de communication totalement hors-sol, gadget, pansement sur une jambe de bois et même pas chiffré » : le plan territorial de sécurité du gouvernement Germain, qui égrène 138 mesures, souvent hors sujet, a recueilli toutes les critiques de la part des élus du boulevard Vauban. Il a pourtant été adopté, lundi dernier, avec les seules voix de la plateforme et de l’Uni-Palika. Le groupe UC-FLNKS et nationalistes de Roch Wamytan s’est abstenu et Les Républicains calédoniens de Sonia Backes ont voté contre !

Plus de cinq heures de débats et de suspensions de séance ont été nécessaires pour l’examen du plan territorial de sécurité, concocté par le gouvernement Germain. Un plan dont « la principale ambition » était, selon Philippe Michel (Calédonie ensemble), « de coordonner les actions déjà en cours et de fédérer les acteurs sur le terrain ».

À l’arrivée : un catalogue de 90 pages détaillant 138 mesures et balayant le champ extrêmement vaste de l’action sociale et de la prévention de la délinquance. Très peu celui de la sécurité des biens et des personnes. Et d’emblée, on constate le « hors-sujet » du gouvernement ! « Tout au plus, c’est un canevas », commente Charles Washétine. Qui votera néanmoins le « canevas »…

De la propagande à un milliard

De leur côté, Les Républicains calédoniens soulignent d’entrée de jeu, les hiatus entre les ambitions du plan et sa réalité. « C’est un plan de prévention à trop long terme, sans véritable ambition opérationnelle immédiate, avec zéro mesure pour les commerçants et zéro mesure pour lutter contre les cambriolages ou les vols de voitures», dit Philippe Blaise.

L’aspect purement « plan de communication » n’échappe pas aux yeux des élus : « Voilà un outil de propagande, de la poudre aux yeux avec près de 40 mesures qui ne seront que des actions de communication », soulignent Les Républicains calédoniens. « Ainsi, créer des observatoires qui existent déjà, puis envisager de les réformer au point suivant, lancer un festival de courts métrages ou multiplier les sites internet contribuerait, selon vous, à faire reculer la délinquance. Comme soutenir l’artisanat local : à moins de considérer qu’en chaque artiste de ce territoire sommeille un délinquant potentiel, on ne comprend vraiment pas la logique du gouvernement face à ce sujet grave », assènent-ils.

Un plan « hors-sol »…

En conclusion et pour le parti de Sonia Backes, qui exprime tout haut ce que beaucoup pensent dans l’hémicycle, le plan Germain n’est « qu’un catalogue interminable d’actions de prévention incompréhensibles, car en décalage total avec les attentes des victimes, ce qui revient quelque part à insulter leurs appels au secours ».

Ainsi, et pour relever le plus grand dé sociétal auxquels les Calédoniens ont été confrontés, le gouvernement Germain ne propose « qu’une encyclopédie de bonnes actions, une somme d’idées élaborées par des personnes qui n’ont jamais dû quitter leurs bureaux climatisés, ni mettre les pieds sur le terrain et se confronter aux vrais gens dans la vraie vie ». En clair et sans détour, « Ce plan est totalement hors-sol ! », claque Philippe Blaise.

… pour un gouvernement « hors-sol »

Plus généralement, souligne la présidente du groupe Les Républicains calédoniens au Congrès, qu’il s’agisse de sujets économiques, de fiscalité, des comptes sociaux, de la sécurité des biens et des personnes ou tout autre, le gouvernement ne fait preuve d’aucune capacité d’écoute. Et Sonia Backes de s’interroger des propositions de son groupe sur l’ouverture de « bottle shops », comme en Australie, assortie d’un fichier recensant les personnes qui ont eu des comportements violents suite à la consommation d’alcool, des barrages filtrants sur les transversales entre les côtes Ouest et Est pour repérer les voitures volées, que le dispositif Lapi (*), voté la semaine dernière, rendrait tout de suite identifiables… Autant de propositions restées lettres mortes, parce qu’elles ne venaient pas du bon côté de l’hémicycle. Chacun appréciera.

(*) Plaques minéralogiques normalisée et identifiables aux contrôles radar.


Les chiffres auxquels le plan ne répond pas !

• 1 cambriolage toutes les 2 heures.
• 1 vol de véhicule toutes les 6 heures.
• 1 agression physique toutes les 4 heures.

En clair et statistiquement, pendant que les conseillers de la Nouvelle-Calédonie débattaient de la sécurité au Congrès, il y aurait eu trois cambriolages, un vol de véhicule et une agression physique. Or le plan de sécurité gouvernemental ne répond précisément à aucun de ces points.


Les indépendantistes vent debout contre le couvre-feu

Un amendement visant à instaurer un couvre-feu (de 22 heures à 5 heures du matin) pour les mineurs de moins de 15 ans non accompagnés a fait monter dans les tours les élus indépendantistes. « C’est un terme issu de l’indigénat », s’est offusqué Jacques Lalié (UC-FLNKS). « On va faire de la Calédonie un pays quadrillé par les gendarmes », a renchéri Charles Washétine (Uni). Une suspension de séance plus tard, l’amendement a été raboté et ne vise plus qu’à « étudier la possibilité de réglementer la circulation des mineurs » la nuit. Sans conséquence, donc, puisque le texte n’affiche plus aucune volonté politique.


La voie choisie par LRC

De leur côté, Les Républicains calédoniens avaient déposé le jour même sur le bureau du Congrès une proposition de résolution demandant à l’État d’instaurer un couvre- feu pour les mineurs non accompagnés entre 21 h et 6 h cette année. Un texte qui a le mérite, non pas de botter en touche, mais de demander à l’État, dont c’est la compétence, de faire respecter l’ordre public. « L’explosion de la délinquance des mineurs ces derniers mois impose de prendre des mesures fortes a n de préparer sereinement la sortie de l’Accord de Nouméa. Les enfants seuls n’ont pas leur place le soir dans les rues ! », explique Philippe Blaise.


Combien la poudre de Perlimpinpin ?

Jamais chiffrées, les 138 mesures listées par le gouvernement Germain coûteraient, au bas mot, la bagatelle d’un milliard et demi de francs chaque année pour un résultat bien évidemment non palpable. Certains doivent se réjouir de cette manne (énoncée sur le papier, mais non budgétée). Mais sûrement pas les contribuables calédoniens qui se demandent qu’est-ce qu’on va bien encore leur faire payer…


La phrase choc de Wamytan

Une phrase prononcée par le chef de groupe UC-FLNKS et nationalistes a particulièrement marqué l’esprit des conseillers du boulevard Vauban. « Je vous conseille d’écouter la parole kanak, a dit Roch Wamytan. C’est notre jeunesse qui est concernée majoritairement par la délinquance et les victimes font souvent partie de l’électorat des partis de droite. Pendant des années, on nous a déshabillés de nos prérogatives. Au temps de la police tribale, il n’y avait pas tous ces problèmes… » À la première lecture, on y décèle des accents de sincérité presque paternaliste. À la seconde, la proximité du référendum et les velléités de souveraineté partagée des partis indépendantistes « éclairent » différemment le propos…


Frogier écrit au Premier ministre

Pierre Frogier se croit encore sous l’ère gaulliste ou mitterrandienne : député ou sénateur, quand il perçoit un problème, il écrit au Premier ministre « personnellement ou publiquement », comme s’il pouvait en être autrement ! Sur l’insécurité, il a choisi une lettre « personnelle » devenue « publique » très rapidement : certainement un choix aussi avant-gardiste que pertinent à ses yeux et répondant tout aussi certainement à la gravité de la situation. Mais bon ! « Il ne se passe pas un jour sans que la Nouvelle-Calédonie ne connaisse des actes de délinquance, dont la gravité et la répétition devraient vous préoccuper », écrit le sénateur, qui donne la litanie des exactions commises depuis quelques mois. « L’explosion de la délinquance, poursuit-il, est une réalité tangible qui ne relève ni du hasard ni de la coïncidence. Chez ceux qui, comme moi et comme tant de mes compatriotes, ont vécu directement les événements des années 1980, cette ambée de la délinquance rappelle des souvenirs douloureux. » Et le patron du Rassemblement d’interpeller Édouard Philippe : « Ce qui est en jeu, c’est notre destin commun. Ce qui est en jeu, c’est l’indivisibilité de la République. Vous n’avez pas le droit d’y renoncer avant que les Calédoniens ne se soient prononcés. La paix publique, que l’État est seul à pouvoir garantir, est la condition nécessaire pour que les Calédoniens puissent s’exprimer librement et sereinement au mois de novembre prochain. » Fin de la citation et de la montée d’adrénaline du plateformiste déçu.


L’exemple de Nakéty

Alors que Les Républicains calédoniens demandent depuis des mois que des barrages filtrants soient mis en place sur les transversales allant de la RT1 vers la côte Est, a n d’y arrêter les véhicules volés sur le Grand Nouméa, des habitants de Canala ont mis de leur propre chef la mesure « en vigueur ». Ainsi, les responsables coutumiers de la tribu de Nakéty, lassés de voir les jeunes délinquants « crâner à leur retour de Nouméa avec leurs trophées de voitures volées », ont tout bonnement « filtré » les entrées de la commune de Canala, pour y « prélever les délinquants », selon leurs termes. Preuve que ce que l’État se refuse à faire est réalisable par les autorités coutumières : un comble ! Et, comme par hasard, les coutumiers se sont livrés à cette démonstration, alors même que les élus du Congrès examinaient le plan territorial de sécurité, boulevard Vauban… Et quelques jours après que le maire de Canala, Gilbert Tyuienon, ait appelé ses administrés à plus de civisme (DNC 573). Certainement pas un hasard. Donc nouveau coup de chapeau au maire responsable !

L.N