Scénario noir en mer de Chine

This handout picture from the Transport Ministry of China released on January 14, 2018 shows smoke and flames coming from the burning oil tanker "Sanchi" at sea off the coast of eastern China. An Iranian official said on January 14, 2018 there was no chance any crew members had survived among the 32 aboard an oil tanker on fire off the coast of China for more than a week. / AFP PHOTO / TRANSPORT MINISTRY OF CHINA / -

Le naufrage du pétrolier iranien Sanchi a généré, suite à sa collision avec un cargo hongkongais, un déversement de pétrole sur une surface de plus de 300 km2 entre les côtes chinoises, sud-coréennes et japonaises. Un désastre écologique de plus…

La mer de Chine orientale, qui fait partie de l’océan Pacifique, est maculée par trois nappes d’hydrocarbures d’une superficie globale de 332 km2, selon les autorités chinoises, « l’équivalent de trois fois la surface de Paris », entend-on dans les médias français, une surface ayant triplé en l’espace d’une petite semaine.

À l’origine de ce désastre : l’accident du Sanchi, un superpétrolier iranien sous pavillon panaméen de 280 mètres datant de 2008, qui transportait 136 000 tonnes de condensats, des hydrocarbures légers (1 million de barils). Le navire est entré en collision le 7 janvier avec le cargo hongkongais CF Crystal à environ 300 kilomètres à l’est de Shanghai. Il y aurait eu un problème de priorité et le choc a immédiatement enflammé la cargaison du pétrolier. Durant plusieurs jours, le navire en flammes, et coincé dans une mer agitée, a été impossible à rejoindre. Il s’est finalement complètement embrasé avant de sombrer avec son équipage à 115 km de profondeur dans les eaux internationales, à 300 km l’archipel des Ryukyu au Japon.

Le bilan humain d’abord est lourd : 32 personnes ont disparu, trois corps seulement ont été retrouvés. Le bilan environnemental lui, est encore difficile à quantifier, mais experts et ONG redoutent des dégâts importants sur le milieu marin, très riche, de la mer orientale.

Catastrophe

Depuis le début, les autorités chinoises relativisaient ces risques environnementaux assurant que les condensats auraient des conséquences moindres sur l’océan que les autres types de pétrole (lire plus bas) et que la cargaison était de toute façon en train de s’évaporer dans l’atmosphère.

Mais l’inquiétude est montée en puissance lorsque le bateau a coulé le 14 janvier, les hydrocarbures se répandant désormais dans l’eau. Les autorités chinoises ont alors aussi précisé que du mazout, pétrole lourd, très toxique, utilisé comme carburant, était sûrement en train s’échapper du navire en plus des condensats. Et de fait, l’une des nappes située à 2,5 kilomètres à l’est du site du naufrage pourrait suggérer une telle fuite.

Des experts ont estimé que le pétrolier contenait 1 000 tonnes de mazout, sur des réservoirs de 4 000 tonnes, pour faire tourner ses machines lorsqu’il est entré en collision avec le cargo. Reste qu’ils n’ont apparemment pas pu estimer quel volume exact de condensat a brûlé, combien de tonnes de condensat et de mazout se sont écoulées dans l’eau, et la quantité encore éventuellement présente dans le bateau. Le problème étant surtout de savoir comment traiter le condensat dans l’eau, puisqu’il se dilue, et également de nettoyer le mazout, très visqueux.

Concrètement, des rondes de surveillance par avion ont permis de repérer les nappes et des équipes s’affairent à les nettoyer. Les autorités chinoises ont également localisé l’épave et préparent l’envoi de robots sous-marins pour l’inspecter.

Les côtes menacées

Dans tous les cas, peu de doute pour les ONG, il y aura des conséquences néfastes pour les écosystèmes marins. Une situation d’autant plus dramatique que le lieu de l’accident est très sensible : on parle de la zone de pêche naturelle de Zhoushan, la plus grande du pays, la plus riche de la mer de Chine orientale, déjà menacée par la surpêche des bateaux chinois, japonais et coréens. Les pollutions pourraient toucher les mammifères marins comme les baleines, les oiseaux marins, mais aussi les maquereaux, les tortues de mer, le plancton, les coquillages…

À noter que les nappes de pétrole sont en train de dériver vers le nord en raison des vents et des courants marins menaçant ainsi les côtes japonaises et sud-coréennes. Et partout, des eaux particulièrement riches en organismes aquatiques, fragiles, dans une des mers les plus fréquentées de la planète.


Les différents types de pétrole du Sanchi

Le Sanchi transportait essentiellement du condensat de gaz naturel, un mélange liquide d’hydrocarbures légers, obtenu par condensation de certains gaz naturels bruts. Un produit « volatil », et « hautement inflammable ». Ce produit pétrolier a l’« avantage » de s’évaporer et de brûler beaucoup plus facilement que du pétrole lourd, mais il cause néanmoins, en plus, une importante pollution atmosphérique.

Une fois en mer, les condensats ne formeraient pas une nappe à la surface avec les difficultés que l’on imagine pour récupérer le produit. Ils se dilueraient dans l’eau en libérant des composés hautement toxiques.

Le mazout, fioul lourd, est le pétrole le plus sale. Il est extrêmement toxique, très nocif pour l’environnement, les organismes marins. Le pétrole lourd, lorsqu’il est déversé dans l’eau, s’étale à la surface, mais il très difficile à extraire de la mer de par sa consistance très visqueuse.


 Les pires marées noires de l’histoire…

 

À propos du Sanchi, les observateurs évoquent la possibilité de voir la plus grave marée noire provoquée par un pétrolier depuis 1991 date à laquelle 260 000 tonnes de pétrole brut avaient été déversées par l’ABT Summer vers et sur les côtes de l’Angola. Mais l’histoire du transport maritime et de l’extraction d’hydrocarbures est malheureusement marquée par de nombreux incidents d’ampleur.

Sur cette triste liste, on se souvient notamment de la catastrophe liée au sabotage du terminal pétrolier de Mina al Ahmadi, au Koweït, en 1991 (entre 700 000 et 1 400 000 tonnes sur terre et en mer) ou encore de l’explosion de la plateforme pétrolière Ixtoc I en 1979-1980 (entre 470 000 et 1 500 000 tonnes de pétrole brut dans l’océan et l’atmosphère).

Et il y aura eu les marées noires certes moins importantes mais tout aussi mémorables de l’Exxon Valdez en Alaska en 1989 (40 000 tonnes de pétrole brut – nappes de 7 000 km2), de l’Erika en France en 1999 bien sûr (20 000 tonnes de fioul lourd, 250 000 tonnes de déchets) ou encore du navire Prestige en Espagne en 2002 (40 000 tonnes de pétrole).

La dernière marée noire d’ampleur est survenue en 2010 après l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, affrétée par la firme BP au large de la Louisiane, avec 780 millions de litres dans le golfe du Mexique, 2 500 kilomètres de côtes souillées dans cinq États et une nappe de 9 000 km2.

… Et leur impact

Toutes ces pollutions ont eu un impact dramatique, écologique, économique et sanitaire. Les marées noires sont, on le sait, en particulier dangereuses pour la faune et la flore marine ou terrestre lorsqu’elles touchent les côtes. Elles causent la dégradation du biotope et des écosystèmes via l’asphyxie du milieu, la destruction des fonds et l’habitat de nombreux animaux. À titre d’exemple 300 000 oiseaux ont péri lors d’Exxon Valdez et entre 115 000 et 150 000 pour l’Erika.

Elles ont aussi un impact sanitaire, ses produits dangereux (évaporation, déchets…) pouvant affecter les hommes par inhalation, contact avec la peau. L’impact économique est lié à l’endommagement des sites, la contamination des produits de la pêche ou le coût du nettoyage des rivages.

C.M./ AFP

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