Salon de la gastronomie : pleins phares sur la viande de cerf

Comme chaque année, le Salon de la gastronomie attire de nombreux visiteurs, curieux de découvrir les bons petits plats mitonnés par les professionnels de la table. Cette année, le cerf était à l’honneur. L’Erpa, l’Ocef et le syndicat des éleveurs de cerfs, l’Edec, ont souhaité mettre à l’honneur cette filière qui souhaite se recentrer sur la Nouvelle-Calédonie.

Les saucissons, chocolats et autres samossas étaient peut-être moins nombreux que les visiteurs qui ont fait le déplacement à la Maison des artisans, à Nouville, du vendredi au dimanche, pour le 23e Salon de la gastronomie. Entre 9 000 et 10 000 personnes, selon les organisateurs, ont répondu à ce rendez-vous des gourmets. Une fréquentation à la hausse qui traduit la curiosité des Calédoniens pour la nouveauté en matière culinaire.
Et la curiosité de certains gourmets n’a pas forcément été comblée, en dépit de quelques nouveaux produits que l’on a pu trouver sur le salon. D’une certaine manière, il reflète l’inertie autour des pratiques culinaires des Calédoniens. Une inertie qui tient notamment à la faible diversité de la production agricole et des difficultés de l’approvisionnement et de sa régularité. On la doit encore au verrouillage du système d’importation qui limite les possibilités et renchérit l’accès à des produits de base.
Si la cuisine française fait une place nettement plus importante au geste culinaire que la cuisine japonaise, par exemple, la qualité d’un produit et sa fraîcheur restent l’essence d’une bonne cuisine. Pour proposer une carte diversifiée, les chefs des meilleures tables doivent parfois avoir recours à des produits surgelés. Un comble pour un pays aux racines agricoles qui affichent désormais l’ambition de l’autosuffisance alimentaire, ou du moins s’en approcher.


Diversification et produits d’exception
Au-delà de l’alimentation quotidienne, la Calédonie dispose de peu de filières à l’origine de produits d’exception, où il existe tout du moins peu de volonté de les mettre en valeur. C’est le cas de l’Obsiblue, la crevette bleue, au menu de quelques grandes tables parisiennes comme celle étoilée de Ze Kitchen Galerie. Il est une filière à laquelle on pense peu quand on pense exception, et pourtant… La viande calédonienne est assurément d’une grande qualité. La viande de bœuf, mais aussi de cerf.
L’Etablissement de régulation des prix agricoles (Erpa), l’Ocef, l’Interprofession viande, le Syndicat des éleveurs de cerfs ainsi que des bouchers (*) ont profité du salon pour mettre leur travail en lumière. Depuis un peu plus de six mois, ces acteurs de la filière cerf ont décidé de changer de stratégie. Créée en 1987, la filière cerf était essentiellement tournée vers l’export. C’était le cas de toutes les parties nobles, telles que le filet ou les cuisses, qui sont vendues à un client alsacien pour les marchés français et allemand.
Sur les 150 à 200 tonnes de cerf produit chaque année, 30 tonnes des morceaux les plus fins partaient directement à l’export. Les parties moins nobles servaient à l’industrie de transformation pour produire notamment des saucissons. On retrouvait un peu moins de 10 tonnes, essentiellement de viande à ragoût, sur les étals calédoniens. Les professionnels ont décidé de changer de stratégie en se réorientant davantage sur le marché local. Non pas en raison du client alsacien qui pourrait absorber une production trois fois plus importante, mais dans le but de satisfaire une demande locale qui a sensiblement évolué ces dernières années.

« La Calédonie s’est urbanisée. Pendant longtemps, il était impensable d’acheter du cerf. Mais aujourd’hui, c’est un fait, il y a des Calédoniens qui n’ont plus accès au cerf en brousse », estime Nicolas Metzdorf, le président de l’Erpa. D’où l’idée de le rendre accessible à cette clientèle de plus en plus importante, en particulier dans le Grand Nouméa. Trois boucheries du groupe Géant-Casino proposeront désormais des pièces de choix, tous les jours. C’est la promesse faite aux clients. Reste aux éleveurs à remplir leur part du contrat en approvisionnant régulièrement les boucheries.
Si les bouchers ne se font pas de souci quant à la capacité de la clientèle à absorber les quantités distribuées sur le marché local, les éleveurs ont, pour leur part, moins de certitudes. Ils espèrent toutefois être en mesure de retrouver le niveau de production de 2011 et avant. Aujourd’hui, l’Ocef abat chaque année près de 6 000 cerfs contre 8 000 à 10 000 têtes avant 2011.
Pour Charles Metzdorf, technicien d’exploitation de l’Edec, les raisons sont essentiellement liées au vieillissement de la population des éleveurs, mais aussi à la difficulté d’en vivre correctement. Créée en 1987, la filière compte beaucoup d’éleveurs plutôt proches de leur fin de carrière, un constat qui est aussi valable pour les autres filières de l’agriculture calédonienne. En ce qui concerne les revenus, Charles Metdorf indique que le prix d’achat du cerf est relativement correct. Il est acheté 500 francs du kilo auxquels s’ajoutent des bonifications au kilo de 250 francs de l’Erpa et également de 250 francs de l’Ocef. Reste que qu’en 30 ans, le prix des clôtures, une des charges les plus importantes, a triplé. Et l’âge des exploitations implique qu’elles sont souvent à refaire.

Un marché plus mature
Les acteurs comptent toutefois sur l’appel d’air créé par cette opération marketing pour créer une nouvelle dynamique. Un logo spécifique permettra de bien identifier le produit dans les rayons et des promotions sont proposées à la clientèle de façon à lui faire découvrir. « On a eu tendance à être assez basique, à rester sur le bœuf ou le porc pour les barbecues, note Damien Delos, chef boucher à Géant. Il y a désormais de jeunes bouchers qui travaillent peut-être davantage les préparations. » Selon lui, les habitudes de la clientèle sont en train de changer. Elle cherche désormais plus de diversité et de qualité. « Il y a un retour au naturel, souligne le boucher. On cherche le goût d’antan, du terroir et du travail. »
La volonté des bouchers de pouvoir proposer des parties nobles du cerf à l’année s’inscrit dans cette logique. Une logique de diversification et différenciation des produits qui se sont également matérialisées par l’achat d’une cave de maturation de la viande. Cet outil permet de travailler des viandes d’exception, à l’image de ce que l’on peut trouver en France et dans le monde depuis quelques années.
Et ce travail sur les produits d’exception n’est pas seulement du snobisme qui s’adresse à une population de privilégiés. Si la question du prix empêche une partie de la population d’y avoir accès, ces filières tirent généralement la qualité vers le haut. C’est d’ailleurs dans ce sens que les bouchers inscrivent leur engagement. Mais le travail a aussi un sens sur le plan du tourisme. En termes d’image, la Nouvelle-Calédonie est souvent « vendue » comme la petite France du Pacifique, ce qui implique une certaine idée de la gastronomie. Nos cuisiniers auront beau avoir le meilleur savoir-faire, sans produits d’exception, pas de cuisine d’exception. Et chercher à développer des grands hôtels en retirant cette variable de l’équation risque de coincer auprès d’une clientèle fortunée et exigeante.

Les lycées professionnels Jean XXIII et Escoffier sont particulièrement bien représentés au Salon de la gastronomie. C’était encore le cas cette année où les élèves ont proposé des dégustations, mais aussi des repas complets, très prisés des visiteurs.