Roch Yin et Wamy Yang ?

Roch Wamytan a fait parler de lui suite à son intervention lors du séminaire régional du Comité spécial des 24. Une petite phrase a retenu l’attention : « Nous, peuple kanak, peuple colonisé de Nouvelle-Calédonie, affirmons avec force que la colonisation de la Nouvelle- Calédonie par la France n’est pas un dossier politiquement clos. » Convient-il de s’étonner de cette prise de position alors que l’UC a validé le relevé de conclusions du Comité des signataires qui indiquait justement l’inverse ?

Roch Wamytan use-t-il d’un double discours ? Une parole dure et intransigeante vis-à-vis de la puissante « administrante », quand il s’exprime devant les instances internationales, et un discours de respect presque empreint d’admiration de la France, lorsqu’il prend la parole en Nouvelle- Calédonie. Pourtant Roch Wamytan, pas plus que d’autres leaders indépendantistes, ne souffre d’un trouble maniaco-dépressif. Il n’est finalement pas plus bipolaire que la plupart des Calédoniens loyalistes, qui se montrent méfiants vis-à-vis d’une France dont la mainmise administrative et politique est jugée pesante mais qui revendiquent haut et fort leur attachement à la mère patrie, dès que l’occasion se présente.

Alors certes, il y a dans les propos de Roch Wamytan de l’exagération et une rhétorique directement issue du mouvement de décolonisation qui a connu son apogée dans les années 60 et 70. Mais il n’est évidemment pas le seul à s’inscrire dans cette logique. En 2014, à la tribune de l’Onu justement, c’est Daniel Goa qui déclarait : « Le problème scandaleux des listes électorales est une réalité qui favorise les desseins de l’Etat français. Le FLNKS n’a cessé d’interpeller la communauté internationale sur cette fraude électorale qui accompagne une politique d’immigration massive dans le but de poursuivre la marginalisation du peuple kanak. » Il y entre ces deux déclarations plus qu’un cousinage, c’est une ligne politique. C’est d’ailleurs dans cette perspective que Roch Wamytan a déclaré, à plusieurs reprises et il y a 10 jours au Nicaragua, que la question du corps électoral était la mère de toutes les batailles.

L’ambiguïté et la menace

Car, si longtemps le mot d’ordre a été de convaincre « ceux d’en face » qu’une telle option était viable, le pragmatisme conduit désormais l’Union calédonienne à changer de stratégie. Le temps a eu beau passer, le rapport de force ne s’est pas inversé. La stratégie de persuasion s’est soldée par un échec. Ne reste donc, dans l’optique de la tenue en 2018 d’un référendum à choix binaire, qu’une seule option, celle de la surenchère. Pour tenter d’atténuer le rapport de force, Roch Wamytan exige, en premier lieu, l’inscription d’office sur la liste générale de 25 000 Kanak qui n’y figureraient pas et qui, en conséquence, ne peuvent pas non plus figurer sur la liste référendaire. Cette option d’inscription des tous les Calédoniens sur la liste générale, sans distinction d’état civil, est d’ailleurs évoquée dans le rapport rendu la semaine dernière par les experts de l’Onu, avec comme précision importante qu’elle ne pourrait intervenir qu’à titre individuel. L’autre volet de cette même option consisterait à contester, avant même sa tenue, la sincérité d’un futur scrutin d’autodétermination.

Et si nous n’en sommes pas encore à ce point, Roch Wamytan a rappelé devant le Comité des 24 que « bien évidemment un dialogue permanent et constructif avec la puissance « administrante » reste un passage obligé ». Cette attitude ambiguë ne peut qu’attiser les craintes légitimes de la majorité des citoyens de ce pays qui souhaitent le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et susciter défiance et provocation de chez ceux qui souhaitent la quitter.

C.V.