« Relancer l’économie calédonienne »

Suite aux débats d’orientation budgétaire, le groupe des Républicains a fait une série de propositions pour relancer la machine économique dans un contexte plus que tendu. Objectifs : redonner du pouvoir d’achat aux Calédoniens, laisser respirer les entreprises et viser un budget et une fiscalité qui favorisent la croissance. Une proposition de délibération visant à modifier le barème de l’impôt sur le revenu a déjà été déposée au Congrès et d’autres textes suivront jusqu’à la fin de l’année. Le point avec la présidente du groupe Les Républicains au Congrès, Sonia Backes.

DNC : La situation économique est difficile mais, selon vous, il ne faut pas rajouter à la sinistrose ambiante… et plutôt agir ?

Sonia Backes : Le constat est partagé par tous. On a une récession annoncée par le gouvernement de -0,8 hors nickel et -1,6 avec le nickel. On a moins 300 emplois sur le BTP selon les chiffres de l’Isee, la Cafat qui nous remonte des demandes d’étalement de cotisations… Cette situation est due en partie à la baisse des cours du nickel, mais pas exclusivement. L’analyse faite dans le cadre du débat d’orientation budgétaire de la province dit qu’il y a principalement trois facteurs au ralentissement : la mise en place d’une fiscalité lourde, des problèmes de gouvernance et l’incertitude sur l’avenir. Nous sommes extrêmement durs sur la gouvernance actuelle parce que l’on considère qu’elle n’est pas à la hauteur. Et il y a cette sinistrose transmise par le gouvernement. Ça ne sert à rien de répéter sans cesse que c’est dramatique parce que le résultat, c’est qu’on a une perte de confiance des investisseurs, du monde économique.

DNC : Que proposez-vous  ?

Sonia Backes : L’objectif est d’abord de relancer la consommation en donnant du pouvoir d’achat et en particulier à la classe moyenne. Une classe moyenne qui s’est retrouvée très pénalisée par toutes les réformes : les personnes ne touchent pas toutes les aides sociales mises en place mais en revanche, avec la CCS, ils se sont retrouvés à payer plein pot. Un célibataire qui touche 250 000 francs par mois, a vu sa fiscalité augmenter de 39 % ! La conséquence, c’est qu’en plus de la perte de confiance sur l’avenir, ils ne consomment plus. Ce que l’on propose, c’est de baisser l’impôt sur le revenu des classes moyennes. Personne ne peut être contre puisque c’était dans l’agenda partagé et que l’on reprend exactement le barème proposé par la Chambre territoriale des comptes qui a simplement recalé les tranches selon l’évolution de l’inflation en Nouvelle-Calédonie.

DNC : Justement pourquoi ne pas laisser le gouvernement agir ? On vous reproche de passer outre l’agenda partagé (lire ci-dessous)… 

Sonia Backes : La révision du barème de l’impôt sur le revenu faisait partie des mesures qui devaient être votées en 2016 et être applicables quand on paiera nos impôts en 2017. Or, la situation s’est accélérée et mérite que l’on fasse passer le texte maintenant de manière à ce que l’on ait des impacts en 2016. Il faut se rendre compte que c’est assez exceptionnel d’avoir une situation économique telle et de ne pas prendre d’initiatives. On n’entend pas les syndicats non plus parce qu’ils ont signé l’agenda partagé, ce que je peux comprendre.

Mais pour que ce soit clair, nous, on s’est senti engagé dans cet agenda jusqu’à ce qu’il soit cassé par Calédonie ensemble. Une partie des engagements ont été tenus mais pas les autres comme la mise en place de la TVA (ndlr : TGC) au 1er janvier 2016. Et on est donc obligé de tout faire pour remettre les choses sur les rails.

DNC : Où en est-on justement de la mise en place de la TVA?

Sonia Backes : Le retard pris par le gouvernement est très inquiétant. On n’est absolument pas prêt pour avoir une TVA au 1er juillet 2016 et on a, du coup, un risque majeur que ça ne se passe pas bien.

DNC : Vous proposez une baisse des charges sociales des entreprises par la mise en place d’une partie sociale à la TVA.

Sonia Backes : Oui, l’idée est d’avoir une partie sociale dans la TVA qui vienne baisser les charges des entreprises et que cette baisse ensuite se répartisse entre les salariés et l’investissement de l’entreprise.

DNC : Vous souhaitez, par ailleurs, pour « laisser respirer les entreprises », que l’on s’attaque au système administratif. De quelle manière ?

Sonia Backes : On a une lourdeur administrative qui pèse sur les entreprises du fait de la répartition institutionnelle en Nouvelle-Calédonie. C’est infernal ! Il faut que l’on mène des réformes en lien avec les entreprises pour une forte simplification du système. Il faut considérer l’entreprise comme étant une priorité et ne pas mettre des normes qui les ralentissent ou bloquent le recrutement et l’emploi.

DNC : Vous prévoyez de revenir à la charge sur la loi antitrust. En définissant des secteurs d’application, c’est bien cela ?

Sonia Backes : On était opposé à la loi antitrust parce que l’on considère qu’elle ne va pas aider à faire baisser les prix et va, au contraire, parfois les renchérir. Dans les secteurs de la grande distribution, cela n’a rien changé, mais dans d’autres secteurs, où on ne peut pas multiplier les entreprises pour des raisons de taille de marché, certains ont augmenté leurs prix. On laisse aussi mourir des entreprises avec les seuils pour le rachat, etc. Nous, ce que l’on veut faire, c’est recentrer la loi antitrust uniquement sur les secteurs à risque, identifiés tous les trois ans.

DNC : Vous critiquez la façon dont est actuellement géré le budget de la Nouvelle-Calédonie. Pourquoi et que proposez-vous ?

Sonia Backes : On est certes dans une situation de ralentissement économique, de contrainte budgétaire, mais on ne peut pas faire des coupes sombres n’importe comment. Actuellement, c’est moins 18 % pour tout le monde. On est allé voir la Chambre de métiers et de l’artisanat qui nous a dit que moins 18 % pour elle, ce sont cinq filières d’apprentissage sur treize qui ferment. D’accord, il faut faire des efforts mais ne faisons pas cela de manière identique sur chacun des secteurs.

La deuxième chose, c’est que quand on a un ralentissement de l’investissement privé, logiquement on doit compenser par de l’investissement public. Là, ce que propose Thierry Cornaille à ce stade, c’est par exemple de diminuer le budget des routes par deux ! En plus du ralentissement naturel, on en rajoute une couche ! Il faut, selon nous, baisser le fonctionnement mais garder le niveau d’investissement public voire l’augmenter. Ce serait le moment de contracter des emprunts pour compenser la conjoncture défavorable.

DNC : Et quid du financement des comptes sociaux ?

Sonia Backes : On propose une fiscalité comportementale, portée également par des syndicats du centre hospitalier. Il s’agirait de taxer les produits sucrés, trop salés, l’alcool et en parallèle, parvenir à une forme de labellisation des produits sains.

DNC : Au final, ce sont vraiment deux modèles économiques qui s’affrontent…

Sonia Backes : C’est exactement cela. Ils ont une vision économique socialiste qui a démontré son échec. Quand Hollande est arrivé au pouvoir en 2012, il a augmenté les prélèvements fiscaux, baissé les dépenses d’investissement du Gouvernement et c’est une catastrophe. Et on fait pareil localement. Nous proposons de rentrer dans un système vertueux, en relançant la consommation, l’investissement même de manière un peu artificielle pour relancer la machine économique, la confiance…

Propos recueillis par C.M.

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La CGPME et Calédonie ensemble s’offusquent

Cette prise d’initiative n’a visiblement pas plu à la CGPME. Dans un communiqué intitulé « Le jeu politique n’a que trop duré » et signé par sa présidente Chérifa Linossier, la confédération s’est étonnée « que Les Républicains puissent parler au nom des entrepreneurs […] qui participent activement aux travaux menés actuellement dans le cadre de l’agenda partagé ».
La CGPME a tenu à souligner que de tels propos tendaient « à discréditer le fragile équilibre trouvé lors de la conférence économique, sociale et fiscale, entre les partenaires sociaux ». Elle estime que le débat doit rester dans le cadre du comité de suivi de l’agenda partagé et a tenu à renouveler son engagement quant à la poursuite des travaux menés par le gouvernement.
De son côté Calédonie ensemble s’est étonné de la proposition de réforme de l’impôt sur le revenu. « Mais pourquoi ne l’ont-ils pas fait plutôt, lorsqu’ils étaient aux affaires ? » peut- on lire dans un communiqué. Le parti « rappelle » plus largement que les Républicains ont « renié au Congrès les réformes fiscales qu’ils avaient approuvées devant les partenaires sociaux » et sont aussi « totalement responsables » du déficit budgétaire de la Nouvelle- Calédonie « puisqu’ils ont augmenté les dépenses publiques deux fois plus que les recettes durant la dernière mandature ».