Réforme du système de santé : où en est la situation ?

En mai, le gouvernement a transmis au Congrès ses pistes potentielles de réforme de notre système de santé. Le gouvernement a également joint sur la table, quelques semaines plus tard, un copier-coller du rapport de l’Inspection générale des a aires sociales (IGAS) pour traiter la gouvernance des régimes sociaux. Mais loin de la réforme du système de santé, qu’en est-il des mesures pour remédier à l’urgence, sachant que le Ruamm sera en cessation de paiement à la n du mois et que les professionnels de santé ne pourront donc plus assurer leur service auprès de leurs patients ?

Comme on le sait, le gouvernement a passé la « patate chaude » au Congrès en lui présentant sa série de mesures et en précisant que c’était aux élus du boulevard Vauban de tenter de gérer au mieux la double problématique : l’hémorragie du dé cit du Ruamm et le choix d’un système durable et financièrement supportable. En mai, la commission plénière du Congrès a donc entamé ses entretiens avec la Cafat, les professionnels de santé et les autres partenaires de ce dossier avant de se prononcer sur les réformes à entreprendre.

Pendant ce temps, s’appuyant sur le rapport de l’Igas, le gouvernement a proposé de revoir en profondeur la gouvernance des régimes sociaux avec un premier projet de texte et une délibération qui devait d’ailleurs être soumise prochainement.

Mais ce passage en force de l’exécutif n’a pas plu aux partenaires sociaux qui en ont demandé le retrait pur et simple. Selon les syndicats, soutenus par le Medef-NC, ce texte a été élaboré sans concertation et risque de bouleverser toute la gestion paritaire des régimes sociaux. Le mouvement patronal, même s’il salue les propositions du gouvernement, notamment celles mettant en lumière l’opacité des financements publics via l’Agence sanitaire et sociale, précise qu’il ne faut pas pour autant oublier l’urgence du moment : le sauvetage du Ruamm, déficitaire à la fin du mois.

Le côté politique

Alors que certains partis n’osent toujours pas s’exprimer fermement sur le sujet santé, trop épineux à l’approche des échéances électorales, seuls les Républicains calédoniens sont montés au créneau. Ils n’ont cessé de dénoncer la manière dont le dossier santé a été traité par Philippe Germain ces trois dernières années. Le parti a compris depuis longtemps qu’il s’agissait d’un problème de gouvernance et qu’au final, on allait une nouvelle fois passer par la fiscalité en augmentant la taxe sur les services et la contribution calédonienne de solidarité.

Du côté de l’UC-FLNKS, on tente toujours de comprendre pourquoi on en est arrivé là. Et c’est à ce titre que les échanges entre élus indépendantistes et professionnels de santé seraient légion, et ce, en dehors du Congrès. Pendant ce temps, d’autres comme le Rassemblement-LR commencent seulement à faire une convention sur le problème afin d’écouter ce que les acteurs et la population ont à dire sur ce sujet.

Le gouvernement s’explique

Pour tenter de « vendre » ses pistes potentielles de réforme du système de santé à la commission en charge du dossier au Congrès, le gouvernement Germain lui a transmis une note, sorte de synthèse et de rectificatif par rapport aux derniers éléments apportés par la Cafat.

Passé le préambule, véritable constat dénonçant la situation catastrophique du Ruamm malgré les efforts engagés ces dernières années, il est indiqué en gras que « la Nouvelle-Calédonie a donc les moyens de sa politique de santé à condition de redéfinir la gouvernance, le pilotage, l’organisation et les modalités de régulation de son système de santé et de protection sociale ». On n’en attendait pas moins après le rapport de l’Igas…

Le gouvernement rappelle que depuis, il a demandé au Congrès de travailler sur ses propositions.

Les propositions en trois points

La première est la mise en œuvre de la réforme du système avec notamment un projet de délibération cadre relative à la réforme de l’organisation, de la gouvernance du pilotage et de la régulation du système de protection sociale et de santé en déclinaison des orientations du plan de santé publique Do Kamo en matière de gouvernance.

La deuxième vise à statuer sur les mesures à but financier dès que la Cafat aura rendu les éléments demandés, le 28 mai dernier, et notamment les éclaircissements en matière de trésorerie.

La dernière proposition concerne la poursuite par le gouvernement de la mise en œuvre des réformes structurelles engagées comme les avant-projets de loi du pays relative au principe de compensation ou encore à la gestion commune de la trésorerie des différentes branches et régimes de la Cafat.

Aujourd’hui, au regard des préconisations de l’Igas et du plan de santé Do Kamo, le gouvernement indique dans sa note que « la priorité est d’engager le plus rapidement possible la réforme du système de protection sociale et de santé a n que les outils de pilotage de régulation et de gouvernance soient opérationnels au plus tard pour l’élaboration des budgets 2020. »

Les priorités d’action

En ce sens, le gouvernement Germain souhaite que les priorités soient, dans leur ordre de présentation : l’adoption de la délibération cadre de la réforme, la création du comité de pilotage, d’une autorité indépendante de régulation, ainsi que d’un objectif d’évolution des dépenses de santé et de protection sociale, la création d’un système d’information et la mise en place de mesures structurantes et structurelles présentées dans le rapport Do Kamo sur les pistes potentielles de réforme du système de santé.

Quatre milliards de francs au lieu de huit

Dans sa note explicative à la commission du Congrès, il est un point intéressant et important : l’actualisation des prévisions 2018 apportée par la Cafat. En dehors de l’impact de la subvention d’équilibre accordée par la Nouvelle-Calédonie à hauteur de 6,2 milliards de francs, l’actualisation de la Cafat se traduit par une hausse des cotisations prévisionnelles et une diminution des dépenses de santé. Le déficit prévisionnel 2018 du Ruamm s’établit ainsi à 6,3 milliards au lieu des 9,9 annoncés précédemment. Après neutralisation de l’impact des dotations aux provisions, il en résulte un besoin de financement en trésorerie limité à quatre milliards contre les huit évalués dans le rapport d’orientation. Comme quoi, les professionnels de santé, partenaires sociaux et certains partis loyalistes avaient eu raison de demander des explications sur les chiffres avancés par Philippe Germain.

Et maintenant ?

Partant de tous ces constats, et même si on le sait depuis longtemps, la note explicative du gouvernement indique noir sur blanc qu’au « regard des délais de mise en œuvre, aucune des mesures identifiées en matière de redressement du Ruamm n’est susceptible de couvrir les besoins en trésorerie ».

C’est on ne peut plus clair et il ne faut donc rien attendre pour redresser la situation dans l’urgence.
Alors que faire ? Est-ce l’impasse ? Il se dit pourtant dans les couloirs que Philippe Germain pourrait tenter de passer une nouvelle fois en force en prélevant dans un autre régime ces quatre milliards manquants. Cependant, il a besoin de l’accord des partenaires sociaux qui siègent à la Cafat, ce qui semble impossible sauf s’ils sont mis devant le fait accompli. Soit ils décident d’accorder une ponction dans d’autres régimes, soit ils refusent et se rendent coupables d’avoir les professionnels de santé et leurs patients dans la rue, faute de soins. Philippe Germain pourrait à ce moment- là vouloir mettre dans la balance un remboursement de ces ponctions dès le prochain exercice, en comptant, bien évidemment, sur une hausse de deux impôts, la TSS et la CCS. Mais légalement, en a-t- il le droit ? Là est toute la question…Quoi qu’il en soit, il s’agit bien aujourd’hui de gérer dans l’urgence une situation devenue catastrophique, faute de l’avoir réglée bien avant ou d’avoir tout simplement su le faire…

C.S