Référendum : La question est fixée

« Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? Oui/Non », voilà la question qui devrait être posée aux citoyens calédoniens le 4 novembre prochain. 

Une fois n’est pas coutume, c’est à Paris que les élus calédoniens ont réussi à s’entendre. Le XVIIe Comité des signataires a permis de déterminer la question de la consultation sur l’accession de la Nouvelle- Calédonie à la pleine souveraineté, question proposée par le Premier ministre ; mais aussi d’affiner les contours organisationnels de la consultation et de « renouer les fils du dialogue » du G10 avorté.

Seize heures. C’est le temps qu’aura duré ce 17e Comité, le plus long de mémoire de signataires, le dernier possiblement aussi de la période de l’Accord de Nouméa.

Et il fallait bien cela pour ramener un esprit de consensus entre les formations politiques, esprit qui avait été perdu de vue ces derniers mois, dans un contexte de tension, peu surprenant pour des élus qui défendent leurs valeurs, pour certains depuis des décennies, en vue de cette échéance qui approche. Il fallait bien cela pour tomber d’accord sur les derniers points à définir avant le 4 novembre : la question du référendum qui demeurait clivante, la définition des dernières modalités de vote, celle de l’élaboration de la fameuse charte des valeurs communes.

Pour la seconde fois, après novembre dernier, la méthode Philippe a en tout cas porté ses fruits. Le Premier ministre avait trois mots d’ordre pour guider ces travaux, fidèles aux principes qui régissent le référendum : « la clarté, la sincérité, la loyauté ».

Le « temps long », qu’il avait compris et utilisé il y a quelques mois, a été manié de nouveau, à bon escient, pour adoucir les esprits échaudés. À Matignon, ont raconté les élus, les discussions ont été certes « directes », « franches », « rugueuses » parfois. Il a fallu « sortir », se poser pour « refroidir les soupapes », au final « fatiguer les chevaux » pour parvenir à l’impensable ces derniers temps : un accord des différentes composantes politiques sur ces dernières questions essentielles. Ceci étant dit, tous le savaient : cette mise en accord était indispensable, pour que l’échéance soit incontestable.

« Sens politique profond »

Concrètement, sur la formulation de la question, le champ des possibles était restreint, car largement défini par l’Accord de Nouméa et la loi organique. Elle devait répondre au principe constitutionnel de clarté et de loyauté des consultations référendaires, être simple et binaire.

Édouard Philippe a écouté les préférences des différentes formations : les indépendantistes souhaitaient, on le rappelle, voir figurer l’expression de « pleine souveraineté », pas le terme « indépendance » et avec Calédonie ensemble, ils voulaient une réponse classique à savoir oui ou non. Le Rassemblement et les Républicains calédoniens optaient, de leur côté, pour deux choix de bulletins : l’un pour la « France », l’autre pour l’« indépendance ».

Cela exposé, le Premier ministre s’est « investi personnellement » pour proposer pas moins de sept formulations et l’une d’entre elles a été acceptée : « Voulez-vous que la Nouvelle- Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? Oui/Non. » Le jeu d’équilibriste a consisté à ajouter le mot « indépendance », qui paraissait indispensable aux loyalistes, car « plus compréhensible », mais à rester sur un format « oui/non » avec un choix portant sur l’accession à la souveraineté sans mention du maintien dans la France.

Cette formulation, a dit le Premier ministre, a « un sens politique profond », « elle permet à chacune des forces politiques de se positionner clairement conformément à l’esprit de l’accord ». Elle a maintenant vocation à être soumise au Conseil d’État dans le cadre de l’examen du projet de décret convoquant les électeurs, puis il reviendra aux forces politiques et à l’État d’expliquer les projets que recouvre l’alternative proposée. Aux forces politiques de s’engager sur le terrain pour convaincre.

Reprise du dialogue

Autre sujet qui a suscité, sans surprise, de longs et vifs débats : l’avenir du G10, « groupe de travail sur le chemin de l’avenir », devenu, après un début en fiasco, « groupe de dialogue sur l’avenir ». Le Premier ministre a insisté sur l’importance de renouer les fils du dialogue rapidement et proposé une refondation de la plateforme avec de nouvelles modalités de fonctionnement basées sur le consensus, la collégialité, et avec des thèmes fixés par le Premier ministre. Le groupe se réunira désormais sous la houlette de François Séners, haut fonctionnaire, conseiller d’État. Une première réunion du nouveau G10, présidée cette fois par Édouard Philippe lui-même, a été organisée d’emblée le jour suivant.

Le groupe doit définir un socle de principes, de pratiques et de valeurs qui unissent la société calédonienne. Il dispose pour ce faire d’une feuille de route avec une base de valeurs, de bilans politiques, d’exercice des compétences ou reposant sur la place de la Nouvelle-Calédonie dans le monde. Les résultats de leurs travaux doivent également être soumis à la consultation des Calédoniens.

La charte des valeurs communes proposée par le G7 n’a pas fait l’objet de débat ni de validation. « Le Comité des signataires n’avait pas vocation à se prononcer sur cette proposition qui engage ses seuls signataires », a précisé Édouard Philippe.

Réactions

L’ensemble des délégations se sont montrées satisfaites du temps passé par le Premier ministre à résoudre les points de blocage et au consensus qui a prévalu.

« J’ai le sentiment qu’on sort dans de meilleures conditions qu’en arrivant », a dit Pierre Frogier pour le Rassemblement revenant sur la pratique regrettable du rapport de force utilisée ces derniers mois. Il a néanmoins émis des réserves sur la formulation de la question, mais accepte le résultat du compromis.

Sonia Backes s’est félicitée pour les Républicains calédoniens de voir l’État répondre à sa volonté de clarté et de sincérité dans les termes utilisés dans la question, avec la présence du mot indépendance comme réclamé. « Les Calédoniens auront ainsi une question claire qui leur permettra de voter sans ambiguïté contre l’indépendance ».

La représentante a salué le reformatage du groupe qui avait été préconisé et le fait que ses travaux soient rendus publics et ne fasse l’objet d’aucune confidentialité. Une façon d’éviter les manœuvres et autre « passages en force » (comme sur l’exposé des motifs pour l’établissement de la date du référendum) observés précédemment et que les choses « ne se fassent pas dans le dos des Calédoniens ».

Philippe Gomès, pour Calédonie ensemble, s’est félicité de cette formulation unique pour une réponse à deux bulletins, et qui revêt « un sens politique conforme à l’Accord de Nouméa ». Il a ajouté enfin que la reprise du dialogue était effectivement souhaitée et que plus la charte était partagée, « mieux la Nouvelle-Calédonie se porterait ».

Les volontés des indépendantistes ont été assouvies, a dit Roch Wamytan pour l’UC sur la question. Il a par ailleurs exprimé sa volonté que la charte des valeurs communes soit élaborée à temps pour être présentée à une consultation populaire « si possible avant le référendum ». Victor Tutugoro (UPM) a surtout salué l’investissement du Premier ministre à qui l’on doit, selon lui, en grande partie, le résultat du Comité.

De son côté, Édouard Philippe a conclu la soirée à 1 h 30 passée en exprimant toute sa reconnaissance aux forces politiques qui ont « défendu leurs positions en enracinant leurs convictions dans une histoire et en cherchant de façon systématique à regarder vers l’avenir. Ce qui est fait en Nouvelle-Calédonie est véritablement à l’honneur de l’ensemble des acteurs du processus, un processus unique dans notre histoire et sûrement à la surface du globe ».


Organisation du référendum

Les choses avancent pour l’organisation concrète du référendum. La modification de la loi organique a été adoptée par le Sénat, le Parlement et est en cours d’examination au Conseil d’État. Le Congrès de la Nouvelle- Calédonie, on le sait, a fixé la date de la consultation au 4 novembre et prochainement, le Conseil d’État se penchera sur la question proposée ce mardi.

Le Comité des signataires s’est penché sur les prochaines étapes à savoir la révision complémentaire des listes électorales pour l’établissement de la liste spéciale à la fin août ou l’établissement des procurations spéciales à la consultation. (Sur ce sujet les élus ont convenu qu’il faudrait un important effort de communication, les procurations de droit commun valable une année ne pouvant être utilisées).Il a également été question des bureaux de vote décentralisés à Nouméa pour les électeurs des îles résidant sur la Grande Terre. Ici, l’expression de leur choix de voter dans ces bureaux devra intervenir entre juin et septembre.


Communication

La communication aux Calédoniens a été un sujet de première importance. L’État a présenté la campagne d’information qu’il mènera sur les différents volets techniques cités précédemment concernant le vote.

Il a par ailleurs été décidé que l’État devait également participer à la complète information des électeurs par une « pédagogie de la consultation ». Il s’agira plus précisément de présenter les origines de cette consultation, de réexpliquer l’Accord de Nouméa et d’expliquer aussi « de la manière la plus neutre possible, mais sans masquer les incertitudes » les implications à court terme du vote (c’est-à-dire ce qu’il se passera concrètement en cas d’indépendance ou de maintien dans la France) pour répondre toujours aux principes mis en exergue lors de ce comité, la clarté, la loyauté et la sincérité.


Sécurité

La question de la sécurité et de l’ordre public, avant, pendant et après le référendum a été abordée, légitimement, même si, a tenu à préciser Édouard Philippe, « il n’y a pas de menace identifiée, ni d’alerte qui nous aurait conduits à proposer de traiter le sujet ». L’État a réaffirmé sa détermination à « assurer la sécurité en Nouvelle-Calédonie et à poursuivre la mobilisation des moyens nécessaires ». Il a été ajouté que les membres du Comité des signataires ont déclaré solennellement que le sujet ne serait pas instrumentalisé dans le cadre de la campagne du référendum.

C.M.

©Twitter Edouard Philippe