Référendum : à Paris, les sénateurs s’accordent sur le projet de loi relatif au corps électoral

Le projet de modification de la loi organique établissant les modalités de vote à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie a entamé son parcours parlementaire à Paris. Les sénateurs ont examiné, mardi, le texte issu de l’accord politique entre loyalistes et indépendantistes avant un vote solennel le 20 février.

Le texte du gouvernement, présenté en séance publique par la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, vient traduire dans le droit l’accord politique entre les représentants locaux arraché par Édouard Philippe lors du dernier Comité des signataires le 2 novembre, à Matignon. Il vise en substance à favoriser et à encadrer l’inscription sur les listes électorales.

À Matignon, les politiques avaient évalué que 11 000 personnes, natives de Nouvelle- Calédonie et y résidant de manière certaine, n’étaient pas inscrites sur la liste spéciale (sur 158 000 électeurs au total) : 7 000 de statut civil coutumier et 4 000 de statut civil de droit commun.

Pour pallier cette situation, faire en sorte que tout le monde puisse s’exprimer et rendre le résultat du scrutin « incontestable », il a été décidé de mettre en place une « procédure exceptionnelle » pour élargir les possibilités d’inscription d’office sur les listes électorales.

La formule

Concrètement, les 7 000 natifs de droit coutumier encore non inscrits le seront d’office sur la liste générale et rejoindront sans condition celle pour le référendum. Les 4 000 natifs de droit civil, qui justifieront de trois années de présence continue en Nouvelle- Calédonie, seront également inscrits sur la liste générale et de fait sur la liste référendaire.

Le texte traite aussi de l’ouverture des bureaux de vote décentralisés à Nouméa permettant aux personnes des Bélep, de l’île des Pins et des Loyauté, mais résidant sur la Grande Terre, d’aller voter normalement, sans procuration, tout en étant inscrits sur les listes de leur commune d’origine.

Le sénateur Pierre Frogier avait par ailleurs déposé un amendement, retenu, visant à un meilleur encadrement de la délivrance des procurations. Cet amendement prévoit que les personnes souhaitant voter par procuration fournissent un justificatif de leur incapacité à voter personnellement (certificat d’inscription dans une école ou une université pour les étudiants, photocopies de billet d’avion pour les personnes hors du territoire, …) en lieu et place de la simple attestation sur l’honneur exigée précédemment qui pouvait conduire, a-t-il dit, à une « utilisation dévoyée ». L’idée est, en effet, « que chacun s’exprime personnellement et librement et que le vote par procuration reste l’exception ».

Le Sénat a enfin validé des amendements sur le principe de remboursement plafonné des dépenses de campagne (comme pour l’Accord de Nouméa) « pour assurer une forme d’égalité entre les partis qui ne disposent pas tous des même moyens » et sur la répartition des temps d’antenne et d’intervention du CSA, Conseil supérieur de l’audiovisuel, durant la campagne.

Penser aussi à l’après

Même s’il ne s’agissait que d’une étape dans le processus vers le référendum, et que le texte a fait consensus sur les bancs du Sénat, le moment était néanmoins particulier, et les élus ont profité de cette tribune pour réaffirmer leurs positions respectives.

Annick Girardin a dit combien la Nouvelle- Calédonie était « une priorité pour le gouvernement et pour l’outre-mer » et que ce texte était une « illutration concrète de la volonté du gouvernement d’accompagner au plus près la Nouvelle-Calédonie » soldant « une difficulté apparue il y a plusieurs années » et dépassant une nouvelle fois les « antagonismes ». Elle a rappelé la position de troisième partenaire de l’État, participant lui aussi à la « recherche permanente du compromis et du consensus ».

Comme en réponse, Pierre Frogier (LR) a, de son côté, appelé l’État à ne plus faire preuve d’ambiguïté dans le processus de préparation du référendum. « Le seul dont l’avis n’est pas connu, le seul qui refuse de s’engager, le seul qui ne veut pas dire ce qu’il veut, c’est l’État ! », a t-il lancé avant de demander solennellement que la représentation nationale précise le cadre politique des groupes de travail en Nouvelle-Calédonie. « Préparons- nous aussi l’indépendance ou une solution qui s’y apparenterait ? ». Le sénateur attend une réponse claire : soit « Oui, l’État vous demande d’évoquer aussi l’hypothèse de l’indépendance » ou « Non, l’État prépare la seule situation qui relève de sa compétence, c’est- à-dire le maintien dans la France ».

Philippe Bas, président LR de la commission des lois et rapporteur du projet, pour qui le « destin commun ne peut avoir lieu que dans l’appartenance à la nation française » et qui visiblement ne croit pas à une victoire du camp indépendantiste, a espéré que le vote ne réveille pas les tensions entre Calédoniens, et a insisté sur la responsabilité de la République pour « rassembler tous les Calédoniens et forger une nouvelle entente pour les décennies à venir ».

Le sénateur, Gérard Poadja (CE), a aussi plaidé pour une paix durable et évoqué une nouvelle fois l’adoption, avant le référendum, d’une déclaration solennelle sur le patrimoine commun de tous les Calédoniens.

La présidente du groupe communiste, Eliane Assassi, a choisi, elle, d’insister sur le respect de toutes les parties. « La résistance de certains contre l’idée même d’une indépendance et la menace d’une coupure totale en cas de victoire indépendantiste serait contraire à la volonté de laisser aux Néo-Calédoniens le pouvoir de décider », a-t-elle analysé.

Le vote solennel du texte aura lieu mardi prochain. Il sera ensuite examiné du 13 au 15 mars à l’Assemblée nationale, avant passage devant le Conseil constitutionnel. Manuel Valls, ancien Premier ministre et président de la mission parlementaire d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, a été nommé rapporteur de ce projet de loi. C’est donc lui qui aura la tâche de présenter et de défendre le texte dans l’hémicycle. Auparavant, la mission d’information de l’Assemblée nationale est attendue en Nouvelle-Calédonie.

C.M. ©AFP