Quelle convergence avec la métropole ?

La loi sur l’égalité réelle des outremers aura finalement peu de conséquences pour la Nouvelle-Calédonie qui est compétente dans la majorité des domaines abordés par le texte.

La loi sur l’égalité réelle a été promulguée par le président de la République, fin février. Elle vise à réduire les inégalités entre les habitants d’outre-mer et ceux de la métropole, mais aussi entre les ultramarins eux-mêmes. Si la Calédonie est compétente dans la plupart des domaines traités par loi, certaines dispositions concernent le territoire. Voici concrètement ce qui devrait changer ou non.

Égalité ou égalité réelle, telle est la question. Une question qui peut tout de même paraître un peu étrange. La loi sur l’égalité réelle des outre-mer, promulguée le 28 février, tente de répondre à ce constat que des inégalités demeurent entre les habitants de la métropole et ceux des outre- mer, malgré les nombreux dispositifs existants pour les atténuer. La loi découle d’un rapport de Victorin Lurel, remis en mars 2016 alors qu’il était encore député. Si les citoyens français ont les mêmes droits, quel que soit leur lieu de résidence, le rapport du député mettait en lumière un certain nombre d’indicateurs soulignant un décrochage entre la métropole et les territoires ultramarins, notamment en matière d’accès aux services élémentaires comme la santé ou encore la formation. Des inégalités plus ou moins fortes ont été observées

y compris au sein des différents territoires. C’est tout particulièrement le cas de la Nouvelle- Calédonie où la question du rééquilibrage est au cœur des politiques publiques depuis les accords de Matignon-Oudinot. Des politiques qui produisent de lentes avancées. La loi cherche donc à accélérer ou initier une convergence entre la métropole et ces territoires éloignés au détail près que la Nouvelle-Calédonie, au même titre que la Polynésie française, dispose de compétences étendues dans de nombreux domaines. La loi concerne donc principalement les départements et régions d’outre-mer où l’État conserve encore toute sa capacité d’intervention. Pour les parlementaires ultramarins, l’aubaine était trop belle pour ne pas en profiter. La loi relativement simple au départ s’est transformée en véritable fourre-tout et contient 116 articles dans sa forme finale. Voici les quelques changements qui vont concerner la Nouvelle-Calédonie.

La continuité territoriale

La loi va apporter une vraie avancée sur la question des obsèques. Les Calédoniens pourront désormais bénéficier d’aides au transport pour se rendre à des obsèques de parents en métropole. Auparavant, ces aides concernaient uniquement les personnes se rendant de métropole en Calédonie. La loi encadre également une aide au transport des corps.

Pour les aides à la mobilité, il existe deux dispositifs, l’aide à la continuité territoriale et le passeport mobilité. Le système d’aide à la continuité territoriale a été revu à la baisse il y a quelques années et s’adresse désormais à une minorité. S’il ne disparaît pas corps et biens, il n’a pas vocation à redevenir ce qu’il était pour des questions budgétaires. Outre la continuité externe, la loi prévoit une aide à la continuité interne, à l’instar de celle qui est déjà mise en œuvre par la Nouvelle-Calédonie et qui vient de subir un coup de rabot. Cette aide n’est toutefois pas encore déterminée. Elle doit faire l’objet d’un rapport et il y a fort à parier que son coût constituera un frein important à sa mise en place. Le second dispositif, le passeport mobilité, s’adresse aux personnes effectuant un stage professionnel et c’est sur ce point que l’État a décidé de concentrer ses efforts budgétaires. La loi va d’ailleurs l’étendre à d’autres types de formations.

La Banque publique d’investissement

Des conventions ont été passées en septembre dernier entre la Banque publique d’investissement, la province Sud et l’AFD, Agence française de développement, afin de que les entreprises du Sud puissent bénéficier de plusieurs produits proposés par la BPI et notamment des financements sans garantie. La BPI travaille également sur des prêts sans garantie pour soutenir le développement du tourisme. Selon le directeur exécutif présent pour la signature, il s’agissait des seuls besoins du territoire correspondant aux différents produits de la BPI. Les seuls freins à l’installation de la Banque publique d’investissement étaient d’ordre technique et en passe d’être levés. L’inscription dans la loi du déploiement de la BPI sur le territoire est donc plutôt anecdotique et ne constitue pas une véritable avancée.

Les tarifs bancaires

La loi sur l’égalité réelle va donner un coup d’accélérateur à la convergence des frais bancaires calédoniens sur ceux de la métropole. En 2014, le rapport Constans, du nom du président du Comité consultatif du secteur financier, préconisait de réduire l’écart d’une liste réduite de tarifs bancaires de 50 % sur trois ans. La loi va plus loin puisqu’elle précise que l’objectif est l’alignement et non plus le rapprochement. Sur la même période, l’objectif est donc nettement plus ambitieux. Le dispositif pour y parvenir ne change pas. Après négociations, les prix baissent si un accord est trouvé. Si ce n’est pas le cas, les prix sont fixés par un arrêté du haut-commissaire. Depuis 2016, chacune des banques est consultée afin de prendre la mesure des efforts qu’elles sont prêtes à consentir. Une réunion regroupant l’ensemble des acteurs est ensuite organisée. Pour 2017, les changements de tarifs interviendront en avril et prévoient la baisse d’autorité de 25 % de trois tarifs.

Les enquêtes statistiques

Les enquêtes statistiques sont indispensables pour adapter les politiques publiques et éviter des dépenses d’argent public inutiles. Il existe actuellement de grosses carences à cause d’un manque d’investissement. Il est donc actuellement difficile, voire impossible, d’évaluer certaines politiques publiques coûteuses. La loi prévoit que toutes les enquêtes réalisées dans les départements et territoires d’outre-mer seront également réalisées en Nouvelle-Calédonie, avec l’accord de la Nouvelle-Calédonie. Si cette disposition ouvre un droit nouveau, rien n’est cependant précisé sur la question des financements qui est au cœur du problème, d’autant plus que nos élus ne font pas le choix d’investir aujourd’hui. Le territoire étant compétent, ce sera par ailleurs à l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee) de relayer les enquêtes sur le territoire. La loi ne règle donc pas les questions de financement qui devront être négociées au travers de convention avec les organismes métropolitains que sont l’Insee ou encore l’Ined.

La défiscalisation

La loi modifie le processus de délivrance des agréments pour le logement social. Jusqu’à présent, une première enquête d’opportunité était réalisée sur le territoire par les services du haut-commissariat. Une seconde enquête était réalisée par le ministère de l’Économie. Dorénavant, quand une opération sera inscrite aux contrats de développement et programmée, l’enquête d’opportunité ne sera plus nécessaire. Cela nécessitera de la part des provinces d’avoir des dossiers bouclés un peu plus tôt de façon à pouvoir gagner du temps. La loi revoit également le dispositif d’instruction. Les séries de questions de l’administration seront désormais limitées. Après le dépôt du dossier, une réponse devra être apportée dans les deux mois avec éventuellement des questions. À la suite des réponses, une seule et unique série de questions pourra être reposée dans un délai de deux mois. Si le dispositif réduit le temps d’instruction, il ne révolutionne pas non plus le système. Le nouveau processus devrait permettre de faire gagner deux à trois mois maximum. Les refus pourraient par ailleurs être plus facilement opposés, surtout quand on sait que ces changements ont été imposés à Bercy. 2017 sera donc une année test, en particulier pour la province Sud qui est la seule à présenter des dossiers de logement sociaux cette année.