Que s’est-il encore négocié dans l’ombre à Paris ?

French Prime Minister Edouard Philippe (C,L) flanked by French Overseas Minister Annick Girardin (2L) attends a meeting with Noumea Accord Signing Committee (Comite des Signataires de l’Accord de Noumea) on November 2, 2017. / AFP / JACQUES DEMARTHON

C’est la question que tout le monde se pose aujourd’hui, alors que les délégations calédoniennes remettent, petit à petit, le pied sur le sol calédonien. Accord en coulisses pour le maintien de Germain à la présidence du gouvernement ? Un siège pour la Calédonie à l’Unesco : en échange de quoi ? Quelle sera la vraie question du référendum ? Autant d’interrogations pour lesquelles les Calédoniens manquent… d’éclairage.

Les Calédoniens savent-ils tout des conclusions du XVIe Comité des signataires, et surtout que leur cache-t-on encore ? Officiellement, la réponse est : « Mais, rien, bien sûr ! » On s’en serait douté. La « vigilance » de certains élus, indépendantistes et non-indépendantistes confondus, a certainement empêché le pire. Il faut donc y regarder de plus près et chausser des lunettes de décodage pour répondre à trois questions.

1 – Y a-t-il eu un accord en marge du Comité des signataires pour le maintien de Philippe germain à la tête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ?

Non, de l’avis général, aucun accord n’a été conclu pour la survie de Philippe Germain à la tête du gouvernement : l’information est confirmée par la Commission parlementaire que préside Manuel Valls. Et qui a tenté, en cinq heures d’auditions multiples à l’Assemblée nationale, de rabibocher les uns et les autres. Sans résultat.

Tout juste, certains collègues parlementaires (de Philippe Gomès au palais Bourbon et de Pierre Frogier au Luxembourg), ont-ils tenté de « pousser » la candidature de Bernard Deladrière pour sortir de la crise, avant l’arrivée du Premier ministre en Calédonie, prévue pour décembre. Membre de la plateforme, la candidature du signataire Bernard Deladrière fait indiscutablement consensus à Paris. Mais se heurte toujours au refus de Philippe Germain, qui ne veut ni céder, ni discuter avec Calédonie ensemble.

Ainsi et à cette date, on en reste à l’expédition des affaires dites courantes et urgentes et à la polémique sur la, réelle ou prétendue, impossibilité de préparer le budget 2018 du pays.

Pas tout à fait, pourtant… La Nouvelle-Calédonie a trouvé, en catimini, un siège à l’Unesco, grâce aux bons offices de Philippe Germain, président d’un gouvernement démissionnaire qui est allé le négocier à Paris dans le dos du Congrès et à l’insu des autres délégations. Même la ministre des Outre-mer, après s’en être « félicitée », aurait « tiqué » et jugé le procédé du « président Germain » un peu fort de café : la gestion des affaires courantes, lui interdisait en effet de procéder de la sorte sans l’aval du Congrès. Et, pour une fois, tous les juristes s’accordent sur le point. Alors, pourquoi tant de précipitation ?

2 – Que cache l’adhésion de la Nouvelle-Calédonie à l’Unesco : une ultime concession pour que les indépendantistes arbitrent l’élection du président gouvernement ?

Et d’abord qu’est-ce que l’Unesco, qu’Israël et les États-Unis viennent de quitter pour protester contre les « sympathies gauchistes trop affirmées » de l’actuelle direction ? L’Unesco est « une institution spécialisée de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture créée le 16 novembre 1945 à la suite des dégâts et des massacres de la Seconde Guerre mondiale », nous dit Wikipédia.

Or, on connaît « l’inclinaison » des indépendantistes pour les organismes onusiens ; certes, une place à l’Unesco ne remplace pas un siège à l’ONU, mais c’est incontestablement pour eux « un pas dans la bonne direction ». Alors, faut-il voir dans la démarche de Philippe Germain l’ultime concession pour gagner les voix nécessaires afin qu’il retrouve son fauteuil de président, rue des Artifices ? Ça y ressemble. En tout cas la réponse tombera rapidement : certainement après le week-end du 11 novembre, où l’UC, le Palika et le RDO doivent discuter de la « situation au gouvernement » et testeront auprès de leurs militants leur capacité « d’arbitrer » l’élection du prochain président du gouvernement.

Déjà, on a entendu sur les ondes, Néko Hnepeune, le président de la province des Îles, dire tout son « embarras à boucler son budget et à lancer de nouveaux et nécessaires projets ». Et conclure : « Que ça ne pouvait plus durer longtemps… ». Un signe ?

3 – La question du référendum de 2018 a-t-elle été évoquée à Paris ?

Directement, non ! Une commission doit se pencher, localement et avec l’aide de l’État sur sa rédaction, dit le relevé de conclusion du Comité des signataires. Mais « la question de la question » s’est bien entendu imposée en filigrane de toutes les discussions entre loyalistes d’abord et entre indépendantistes et non-indépendantistes, ensuite. Côté plateforme, et plus singulièrement dans la mouvance Rassemblement, on cherche toujours à éviter un référendum avec des gagnants et des perdants, qui s’opposeraient et on préfère parler de l’après-référendum.

Comme si la question pouvait encore être « modulée », après que le président de la République et le Premier ministre ont, tous deux, affiché leur volonté « d’aller au bout de l’Accord de Nouméa » et dans les termes prescrits « par les négociateurs de l’Accord », dont Emmanuel Macron s’avoue, au nom de l’État, « co-dépositaire ».

Cette fois, c’est Roch Wamytan qui a définitivement tranché le débat : « Je ne vois pas pourquoi certains qualifient aujourd’hui ce référendum de binaire ou de clivant, affirme le leader de l’UC. Je ne vois pas en quoi poser la question pour ou contre l’indépendance aurait quelque chose de clivant : en tout cas dans l’esprit des signataires de l’Accord de Nouméa (dont il fait partie), il a toujours été clair que la question du référendum serait celle-là. Elle est claire et compréhensible par tous : si c’est Oui à l’indépendance ce sera l’indépendance, si c’est Non à l’indépendance ce ne sera pas l’indépendance. » Fermez le ban !

En clair, la position défendue depuis le début par les Républicains calédoniens à propos du référendum était la bonne. La seule en adéquation avec l’esprit de l’Accord. Certains au gouvernement devraient méditer la leçon. Et accepter de discuter.

M.Sp.

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