Quand la Nouvelle-Calédonie s’immisce dans le débat corse…

La Nouvelle-Calédonie s’est invitée, malgré elle, dans la controverse corse, suscitée par la fermeté du Président, Emmanuel Macron. Modèle pour les uns, repoussoir pour les autres : ils sont en fait bien peu à connaître les spécificités du processus de l’Accord de Nouméa. Aux antipodes, géographiques, mais aussi institutionnelles de la Corse, notre territoire se serait bien passé d’une telle polémique à quelque huit mois du référendum…

Tout a commencé avec l’annonce de la visite du chef de l’État sur l’île de Beauté. Ses déclarations passées sur la colonisation, « crime contre l’humanité », sa propension à manier le « en même temps », pour ménager la chèvre et le chou, réjouissaient les autonomistes ou indépendantistes. Lesquels espéraient certainement (encore) un gain substantiel en matière d’autonomie institutionnelle et fiscale.

Sûrement plus éclairés, certains leaders du « peuple corse » (comme ils aiment à se définir) ont fait appel au concept lointain de l’Accord de Nouméa pour asseoir leurs revendications et tracer la voie au Président Macron. En négligeant toutefois l’historique d’un territoire et celui de départements métropolitains.

La maladresse de Manuel Valls, la réplique de Sonia Backes

Tant et si bien que Manuel Valls, qui conduira la mission de l’Assemblée nationale en Nouvelle-Calédonie dans les jours qui viennent, a dû mouiller la chemise pour déminer le maquis corse avant la visite du président de la République. Mais avec une maladresse que l’on ne lui connaissait pas : « La Corse n’est pas la Nouvelle-Calédonie ! La Corse est une île méditerranéenne profondément française, qui doit être fière de son drapeau tricolore », a-t-il notamment clamé.

Levée de boucliers immédiate du côté des Républicains calédoniens : « Comment, la Calédonie, elle, ne pourrait pas être fière de son drapeau tricolore ? Elle n’a pas envoyé des combattants pendant la guerre ? Elle n’a pas d’histoire avec la France ? Inquiétante, cette comparaison à quelques jours de son arrivée chez nous », s’est tout de suite exclamée la présidente du mouvement, Sonia Backes. Qui poursuit dans un post : « Nous aurons l’occasion de lui dire que nous ne sommes pas des sous-citoyens français et que nous sommes, nous aussi, fiers de notre drapeau tricolore ».

Emmanuel Macron s’est exprimé devant le peuple corse, précisément. D’abord pour saluer la mémoire du préfet Claude Érignac, à l’endroit même d’Ajaccio où il fut assassiné le 6 février 1998 par un commando nationaliste. Puis, avec la plus grande solennité, pour fermer une à une toutes les portes à de nouvelles concessions à la Corse : « C’est dans votre intérêt. Point de salut, point d’avenir hors la France et la République ! », a-t-il martelé sur tous les tons de la gamme élyséenne.

« Risque » calédonien !

Tout juste Emmanuel Macron consent-il à ce que le terme « corse » soit « inscrit » dans la Constitution. Et c’en est déjà trop pour l’ex- sénateur, Nicolas Alfonsi. Pourquoi ? Fervent partisan de la Corse dans la République, l’ancien élu radical de gauche craint que les « nationalistes n’aient comme seul objectif d’aboutir à terme à un processus à la calédonienne, où les Corses dialogueraient avec l’État sur un pied d’égalité ! » Et l’ex-sénateur, natif de Cargèse, en Corse-du-Sud, de conclure : « Nous n’en sommes pas là encore, mais le risque est que cela se produise dans 20 ans, si on laisse filer les choses ! »

Comme quoi : « risque » dans l’hémisphère Nord peut parfois rimer avec « pari sur l’intelligence » dans l’hémisphère Sud. Et l’on s’étonne encore que le dossier calédonien soit si mal connu des édiles de l’État !

L.N.