PromoSud, acrobate de la comptabilité

Suite à la publication d’un rapport de la Chambre territoriale de comptes sur sa gestion, PromoSud avait organisé une conférence de presse de déminage. Pour faire bonne figure, les responsables de la SEM ont effectué une opération étonnante consistant à se vendre les murs du Casino de Nouméa.

Circulez, y’a rien à voir. C’est en substance, le message qu’avaient tenté de faire passer le directeur de PromoSud, Michel Lasnier, et la présidente du conseil d’administration, Martine Lagneau, lors d’une conférence de presse le 27 juillet. Cette communication faisait suite à la publication d’un rapport plutôt alarmant de la Chambre territoriale des comptes (CTC) sur la gestion de la société d’économie mixte entre 2012 et 2016. Les deux responsables de la SEM, bras armé du développement économie de la province Sud, avaient expliqué que les conclusions des magistrats se basaient sur des projections remontant à 2015. Une manière élégante de dire que la Chambre avait fait fausse route, ce qui pouvait paraître étonnant. Peu rancuniers, les magistrats n’avaient pas répondu.

La feinte du comptable

Pour rappel, l’analyse révèle un manque de stratégie, de clarté dans les règles d’intervention, ainsi que de suivi des investissements. Les magistrats s’inquiètent également du manque de rentabilité des projets portés par PromoSud, censée porter les orientations de l’assemblée de la province Sud en matière de développement économique. Orientations sur lesquelles peu d’élus ont de la visibilité, d’autant que la société communique très peu, si ce n’est pas du tout, avec la province Sud. De manière plus générale, la CTC s’inquiète du manque de rentabilité des entreprises soutenues et de la durée de portage excessivement longue par la SEM. Un constat qui pose la question de la pertinence des engagements de PromoSud, sans compter qu’il n’existe aucune évaluation des interventions afin de mesurer leur impact, notamment sur le plan de l’emploi.

Si la question de la rentabilité des investissements questionne autant la Chambre territoriale des comptes, c’est que les conséquences pour la société d’économie mixte ne sont pas anodines. Les structures aidées ne dégageant pas de bénéfices, elles ne peuvent pas rembourser les avances, plombant les comptes de PromoSud. Pire, celles perdant de l’argent nécessitent des avances supplémentaires. Autant d’éléments qui ne contribuent pas à la bonne santé financière de la SEM et qui, de fait, limitent ses capacités d’intervention. Michel Lasnier expliquait pourtant fin juillet que la situation était loin d’être catastrophique, affichant une trésorerie de 1,7 milliard de francs alors que les magistrats prévoyaient un déficit de 42 millions de francs.

L’explication est simple et repose sur un tour de passe-passe comptable. A peine quelques jours avant la publication du rapport de la Chambre territoriale des comptes, PromoSud créait la société civile immobilière au nom très transparent de GC 89 sur décision du bureau de l’Assemblée de la province Sud, signée notamment par Philippe Michel, le président d’institution, Dominique Molé, le troisième vice-président, et Thierry Reydellet, à la tête de la Direction de l’économie, de la formation et de l’emploi. L’objet de cette SCI, détenue par PromoSud et la SHN (société hôtelière de Nouméa), consiste à racheter les murs des casinos de Nouméa appartenant à la SHN.

Un risque réel pour les finances de la collectivité

La SHN est une des sociétés aidées par PromoSud qui détient notamment les Casinos ou encore le Sheraton de Deva. L’idée de vendre les murs du Grand Casino de la pointe Magnin à la SCI a permis en toute discrétion de vendre les murs des casinos pour un montant de 2,3 milliards de francs afin de renflouer les caisses de la SHN qui a pu, à son tour, rembourser les avances versées par PromoSud. Cette manipulation légale, mais plutôt douteuse du point de vue de la sincérité budgétaire, a permis de récupérer de la trésorerie en générant une dette supplémentaire. Réalisée sur emprunt, cette opération est toutefois loin d’être blanche puisque la SEM devra assumer les intérêts sur l’emprunt bancaire qui représentent une somme non négligeable que nous n’avons pu obtenir. Contactée à plusieurs reprises PromoSud et la province n’ont pas souhaité apporter de réponse. Ni Michel Lasnier ni Martine Lagneau n’ont donné suite à nos demandes d’interview. Autre coût supplémentaire, le fait de se vendre les murs a généré le paiement de droits d’enregistrement auprès de l’administration fiscale. Le montant est également loin d’être négligeable puisqu’il représente près de 250 millions de francs.

PromoSud devait présenter un rapport d’activité à l’assemblée de la province Sud. Une présentation qui n’a toujours pas été faite, selon les informations dont nous disposons. Il est peut-être temps que les élus se penchent sur cette société dont elle est garante. Au-delà de la pertinence des choix d’investissement, la Chambre alerte sur les risques bien réels que pourraient avoir à assumer la collectivité en cas de défaillances importantes d’entreprises soutenues.

M.D.