Poissons de récifs : Rien ne vaut l’isolement des hommes

Une étude internationale a évalué pour la première fois l’impact de l’homme sur les poissons de récifs coralliens en Nouvelle-Calédonie. Elle révèle que la biomasse et la biodiversité des communautés de poissons sont maximales dans les récifs isolés, situés à plus de 20 heures de trajet de Nouméa. Une nouvelle échelle de référence qui permet d’évaluer l’état de tous nos récifs coralliens et surtout l’efficacité des mesures de protection.

Durant cette étude conjointe entre l’IRD, les universités de Montpellier, Nouvelle-Calédonie et Hawaï, avec le soutien du CNRS, les scientifiques ont échantillonné 1 833 communautés de poissons sur l’ensemble de l’archipel à partir d’observations sous- marines.

Ils ont ainsi évalué, pour la première fois à cette échelle, les niveaux de biomasse, le nombre d’espèces et de fonctions écologiques des poissons sur une variation de densité humaine allant des récifs isolés à des densités de 2 135 habitants au km2 près de Nouméa. Leurs résultats confirment que la biomasse et la biodiversité sont maximales dans les récifs isolés des populations humaines, situés à plus de 20 heures de trajet de Nouméa, c’est-à-dire au cœur du parc naturel de la mer de Corail.

Derniers refuges

Plus important, cet état optimal peut désormais servir de référence pour évaluer l’état des récifs coralliens situés ailleurs, mais aussi l’efficacité des mesures de protection et en particulier des réserves marines (que l’on ne pouvait scientifiquement jauger faute de connaître l’état d’origine de leur écosystème, les données fournies par les premiers naturalistes étant insuffisantes et peu détaillées).

Ainsi, en utilisant cette comparaison, les chercheurs ont d’abord pu révéler que sur les récifs exploités et proches de l’homme, l’état des communautés de poissons était préoccupant, avec une chute de 44 % de la biomasse par rapport au point de référence, 69 % pour les poissons prédateurs, 36 % pour les herbivores et 60 % pour le nombre de fonctions écologiques.

Par ailleurs, une comparaison avec les poissons issus cette fois des aires marines protégées montre que le bénéfice lié à cette protection est finalement réduit à quelques groupes d’espèces et fonctions et limité pour d’autres (prédateurs).

Enfin, il a été démontré que même les réserves intégrales de grande taille, anciennes, où l’accès est interdit et qui protègent de nombreuses communautés de poissons proches de l’homme, n’ont finalement qu’un effet restreint. L’IRD prend ici l’exemple de la réserve Merlet (38 ans d’existence, 172 km2) où les espèces prédatrices ont une biomasse 3,5 fois moins élevée que dans les récifs isolés de référence.

L’IRD de conclure que même si elles sont utiles et complémentaires (lire ci-dessous), les réserves marines de Nouvelle-Calédonie ne peuvent « concurrencer » les récifs isolés qui sont les seuls à maintenir l’intégrité des fonctions écologiques sur les systèmes coralliens, notamment celles associées aux prédateurs. D’où l’importance, insistent-ils, de protéger ces récifs isolés, « derniers refuges pour des composantes essentielles de la biodiversité marine »…

 


Les réserves, meilleurs outils de protection

Des études récentes révèlent que 75 % des récifs coralliens sont menacés à l’échelle mondiale (100 % à l’horizon 2050). Ces chiffres s’avèrent particulièrement alarmants, puisque ces réservoirs de biodiversité subviennent, on le sait, directement aux besoins alimentaires, économiques et culturels de nombreuses populations à travers le monde. Les réserves marines constituent à ce jour le principal outil pour tenter de préserver les écosystèmes coralliens et se révèlent efficaces, disent les scientifiques, puisque l’on observe toujours une augmentation de la quantité de poissons dans la zone définie, après une mise en réserve.

 


À savoir

L’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) recense six catégories d’aire marine protégée, allant de la simple zone gérée pour une exploitation durable des ressources marines (catégorie 6) à la réserve intégrale où toute activité humaine et accès à la réserve sont strictement interdits (catégorie 1).

 

C.M. / Photo IRD