Parlementaires : quelle représentation en France et en Europe ?

Les réformes visant à rénover et moderniser les institutions font des remous notamment en outre-mer. La réduction du nombre de députés et de sénateurs (mais aussi le passage à une circonscription unique aux élections européennes) entachera, estiment certains, la représentativité ultramarine et la prise en compte des spécificités locales. D’autres y voient plutôt la fin de privilèges…

L e monde parlementaire va évoluer. C’était le souhait formulé par Emmanuel Macron dès le début de sa campagne présidentielle, puis devant le Congrès, réuni en juillet 2017 à Versailles. L’objectif du chef de l’État : rénover profondément la vie politique et parlementaire française, tendre vers des institutions modernisées, plus efficaces et plus représentatives de la diversité politique.

Présentant au mois d’avril les grandes lignes de la réforme institutionnelle, Édouard Philippe a réitéré cette ambition précisant qu’il ne s’agissait « ni de revenir à la IVe République, ni de passer à la VIe », mais bien de « revenir aux sources de la Ve République, dans laquelle le gouvernement gouverne et le Parlement légifère et contrôle ». Après une consultation de tous les groupes parlementaires et l’aménagement de certaines dispositions, les textes (un projet de loi constitutionnel, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire) ont été présentés le 9 mai en Conseil des ministres avant de passer à l’épreuve du vote prochainement.

Grandes lignes

Le projet de loi constitutionnel, le plus consensuel, prévoit de supprimer la Cour de justice de la République, créée en 1993, en charge de juger les ministres et secrétaire d’État pour les crimes et délit commis dans l’exercice de leurs fonctions. Souvent critiquée pour sa trop grande indulgence, celle-ci disparaitrait au profit de la cour d’appel de Paris.

Autres dispositions, confortant « l’indépendance de nos juridictions », le renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour la nomination et l’exercice du pouvoir disciplinaire des magistrats du parquet et la fin de la présidence à vie des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel. L’exécutif a également prévu une transformation profonde du Conseil économique social et environnemental qui deviendra une chambre de la société civile « chargée, avec un nombre de membres réduit de moitié, d’organiser les consultations des citoyens et des experts sur les projets d’avenir pour notre pays ».

Cette révision constitutionnelle implique par ailleurs pour « rendre plus efficace le processus législatif » la limitation des amendements, une focalisation à l’Assemblée sur les points principaux des textes, « grâce à un meilleur travail en commission » à l’instar de ce qu’il se pratique au Sénat. Les textes jugés urgents par le gouvernement seront inscrits prioritairement à l’ordre du jour et le calendrier pour le vote du budget accéléré. Ces derniers points ont soulevé de vives critiques notamment dans l’opposition qui entrevoit un « affaiblissement des pouvoirs du Parlement ».

Un nouvel article doit aussi entériner le statut particulier de la Corse, un autre doit inscrire l’impératif de lutte contre le changement climatique dans le domaine de la loi pour que le Parlement prenne sa part dans ce « défi majeur du siècle », un dernier enfin posera la question d’un fondement institutionnel pour le service national universel.

Réduction des effectifs et des cumuls

Mais ce qui pose surtout problème aux élus réside dans les autres textes, les projets de loi organique et ordinaire. Et pour cause, ils prévoient, quant à eux, la réduction de 30 % du nombre de parlementaires, la limitation du cumul des mandats dans le temps à trois mandats identiques (sauf pour les maires des communes de moins de 9 000 habitants) et l’introduction d’une dose de représentation proportionnelle aux élections législatives pour 15 % des sièges de députés à pourvoir.

Vu de Calédonie

Consulté pour avis, le Congrès s’est prononcé lundi sur le projet de loi organique : l’intergroupe (CE, Rassemblement LR, MPC) a proposé que l’avis comporte une opposition à la réduction du nombre actuel de parlementaires en Nouvelle-Calédonie (deux députés, deux sénateurs) mettant en avant les spécificités locales comme la distance avec Paris et la possibilité de représentativité laissée aux indépendantistes avec ces sièges multiples.

Ces derniers, qui se sont abstenus, ont répondu, en matière de représentativité, que le découpage actuel des circonscriptions justement ne leur permet pas d’être représentés et plaident plutôt en faveur d’un redécoupage.

Les Républicains calédoniens se sont également abstenus, considérant le texte comme une avancée. Ils disent être favorables à la réduction de parlementaires en Nouvelle- Calédonie. « La France s’est inscrite dans une dynamique de rénovation et de modernisation des institutions. Nous ne pouvons pas être absents de cette démarche souhaitée par nos concitoyens. Préserver les privilèges de quelques-uns ne peut guider nos choix sur ce sujet », ont-il précisé. Le groupe est également favorable à limiter à trois le nombre de mandats exécutifs identiques. « Cette mesure permettra de favoriser le renouvellement de la classe politique et d’insuffler une nouvelle dynamique au sein des institutions calédoniennes. »

Sur cette question de la limitation des « mandats identiques », il a été demandé à ce qu’un exercice corresponde à une période de renouvellement général de l’assemblée, c’est-à-dire aux provinciales, les échéances électorales n’étant pas forcément les mêmes qu’en Métropole (ex : tous les ans pour le président du Congrès). Il est prévu que les lois et règlements pourront comporter, pour les collectivités territoriales, des règles adaptées aux spécificités liées à leur insularité. Ces textes seront examinés prochainement au Parlement.

C.M.

©AFP


Europe : retour à une circonscription unique

Un autre texte a retenu l’attention de nos parlementaires : à un an des élections européennes, le projet de loi relatif à l’élection des représentants du Parlement européen a été validée par l’Assemblée nationale avant de passer au Sénat le 23 mai. Celui-ci prévoit le retour à une circonscription unique sur l’ensemble du territoire en remplacement du système à huit circonscriptions régionales dont une pour l’outre-mer (avec trois sections : Atlantique, océan Indien et Pacifique).

Il s’agit, selon l’exécutif, d’un moyen d’intéresser les Français à cette élection avec des grandes listes nationales (à l’instar de l’élection présidentielle), d’inciter à une plus grande participation. Le rétablissement d’une circonscription unique est globalement approuvé par la classe politique, la répartition par régions ayant fait finalement peu de preuves au niveau de la proximité entre les élus et leurs électeurs, même si, admettent-ils, une campagne nationale risque de mettre à jour encore davantage les divisions sur la question européenne avec un débat probable entre les listes eurosceptiques et les europhiles.

Mais les voix se font surtout entendre en outre-mer. Dans un communiqué, les députés Gomès, Dunoyer et le sénateur Poadja, ainsi que les députées Sage et Sanquer, de Polynésie française, représentants UDI constructifs, ont fait part de leur opposition. Ils estiment que ce texte conduira les collectivités françaises du Pacifique à disparaître du Parlement européen. « Jusqu’alors, arguent-il, chaque océan constituait une circonscription électorale, ce qui garantissait aux collectivités ultramarines de disposer d’un député européen susceptible de porter les attentes de la région dont il est issu. Avec la nouvelle loi, la présence de candidats placés en position éligible sur les listes présentées pour les élections européennes dépendra exclusivement de la volonté des partis politiques nationaux… Le nombre limité d’électeurs des collectivités françaises du Pacifique ne permettra pas à des candidats calédoniens ou polynésiens d’être retenus ».


À Paris

Le nombre de parlementaires serait réduit de 30 %, avec un rapport global inchangé entre les deux Chambres. Le nombre de députés passerait de 577 à 404, dès le prochain scrutin législatif en 2022. Le nombre de sénateurs tomberait de 348 à 244, dès septembre 2021. La règle indiquée garantit au moins un député et un sénateur par département ou territoire.


À Bruxelles

Le Parlement européen se renouvelle tous les cinq ans avec une prochaine élection en mai 2019. La plupart des 27 organisent des scrutins en circonscription unique, à l’échelle nationale. Quelques pays avaient néanmoins décidé de créer des circonscriptions régionales : l’Italie, la Pologne, la Belgique, l’Irlande (le Royaume-Uni, désormais exclu) et la France.

Le nombre d’élus est de 751 et la France dispose de 73 élus, un peu moins de 10 %. Mais ces chiffres vont évoluer après le Brexit. La commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen a proposé que le nombre de sièges soit réduit à 705 avec une redistribution vers quelques pays. La France pourrait voir augmenter le nombre d’eurodéputés qui lui est dévolu, de 73 à 79.

L’espoir d’Emanuel Macron de voir des listes transnationales a été retoqué par le Parlement européen. Reste la formation des groupes au sein du Parlement pour lesquels il faut au moins 25 députés issus de 7 pays.