Parc naturel de la mer de Corail : Trois projets d’arrêtés à discuter

Du 28 juin au 12 juillet, les Calédoniens peuvent donner leur avis sur des projets d’arrêtés relatifs au parc naturel de la mer de Corail. Ils concernent la mise en réserve des récifs et lagons « pristines », l’encadrement des activités touristiques ou encore les actions à réaliser sur les atolls d’Entrecasteaux, patrimoine mondial de l’Unesco.

Le 6e comité de gestion du parc naturel de la mer de Corail, s’est réuni comme prévu, mercredi 20 juin, sous la houlette du président du gouvernement, Philippe Germain, et du haut-commissaire, Thierry Lataste. Au total, 32 membres représentant les institutions, les associations environnementales et ONG, les aires coutumières et les professionnels du secteur maritime étaient présents. Plusieurs projets d’arrêtés du gouvernement étaient à l’ordre du jour, pour lesquels un avis favorable a été émis. Mais les discussions ne sont pas pour autant terminées…

Mise en réserve

Le premier projet concerne la mise en réserve de la totalité des récifs et lagons « pristines » (« intacts ») du parc, aux Chesterfield et Bellona (plateaux), à d’Entrecasteaux (atolls), Pétrie et Astrolabe (récifs).

L’arrêté établit pour chaque endroit des zones de réserves, intégrales ou naturelles.
L’accès aux réserves intégrales sera interdit « sauf en cas d’activités scientifiques, de suivi de gestion de l’environnement (dûment autorisées) ou dans des cas de force majeure liée à la sauvegarde de la vie humaine ».

Rappelant que le parc naturel de la mer de Corail abrite un tiers des récifs et lagons éloignés de la planète et 36 % des récifs coralliens de Nouvelle- Calédonie, cet arrêté illustre, disent les autorités concernées, « la détermination commune du territoire et de l’État à veiller à la préservation de la biodiversité » sur ces « pristines ».

Le tourisme finalement autorisé ?

Le second projet d’arrêté soumis pour avis au comité de gestion doit venir encadrer le tourisme professionnel dans les réserves naturelles (pas intégrales) et va continuer sans aucun doute à faire beaucoup plus de bruit.

Il n’interdit l’entrée dans ces réserves qu’aux navires d’une capacité de plus de 200 passagers, bienvenue donc aux croisières de type Ponant. Le nombre de passagers présents au même moment hors du navire dans une réserve naturelle est arrêté à 50 et le débarquement est autorisé par groupe de douze au maximum. Le mouillage se fera dans les zones dédiées quand elles existent.

Dans ces réserves, la baignade sera autorisée ; la voile, la plongée, la marche sur les îlots, l’observation de la faune terrestre et marine seront soumises à conditions. Les activités aériennes motorisées ou non motorisées (kite, drones, etc.) seront en revanche interdites, tout comme les activités à traction (wakeboard, parachute ascensionnel, etc.), les campings, pique-niques et la pêche.

Les touristes et leurs encadrants devront « prendre toutes les précautions pour causer le minimum de dérangement à la faune […] pour ne pas dégrader la faune », veiller à avoir un comportement « non intrusif » lors de l’approche éventuelle d’animaux (ne pas nourrir, ne pas manipuler, traverser des colonies et rester à distance pour prendre des photos). Il sera interdit de laisser des déchets, de prélever des artefacts, de rejeter les eaux de ballast dans les réserves, il faudra limiter la pollution sonore et lumineuse, mouiller à distance, veiller à empêcher la « dissémination des espèces ».

Tout navire professionnel touristique effectuant un circuit dans le parc sera soumis à autorisation de la Nouvelle-Calédonie (autorisation d’activité ou d’escale pour les navires s’arrêtant ponctuellement). Elle sera valable trois ans ou durant la durée du circuit pour les trajets ponctuels, mais le gouvernement pourra la suspendre à tout moment en cas de non-respect de la réglementation en vigueur.

La ligne directrice « vise à interdire tous usages pouvant avoir un impact sur la biodiversité du parc », estiment les autorités, qui ajoutent que « le projet d’arrêté tel que défini permettra d’évoluer vers un tourisme professionnel durable soucieux de veiller au comportement respectueux des visiteurs ». Pas sûr que tous les Calédoniens soient de cet avis…

Consultation

Et justement, ceux qui le souhaitent devraient pouvoir accéder jusqu’au 12 juillet aux projets d’arrêtés et aux synthèses des connaissances ayant permis leur rédaction. Ces documents sont accessibles sur le site internet du parc naturel de la mer de Corail (https://mer- de-corail.gouv.nc) et il est possible de donner son avis (dans l’« espace participatif »).

À l’issue de cette période, disent les responsables, « les commentaires pourront enrichir les projets » qui seront à nouveau présentés au comité de gestion puis soumis aux membres du gouvernement. Espérons que les Calédoniens seront nombreux à donner leur avis et qu’ils seront effectivement écoutés.

 


PAS CONTENTS !

EPLP avait fait part, juste avant le comité de gestion, de sa totale opposition à ces projets d’arrêtés. L’association réclamait le classement en réserve intégrale de l’ensemble des îles éloignées de la ZEE, ainsi que les récifs et lagons associés, soit au total seulement « 1 % de la superficie du parc », à commencer par les Chesterfield- Bellona. Les autorités auront préféré classer en réserve intégrale seulement certaines parties (Nord Chesterfield, Nord-Ouest Bellona, l’Observatoire, Olry, Sud Bellona, l’île Longue…)

Par ailleurs, EPLP s’opposait fermement au tourisme de croisière aux Chesterfield et sa pétition en ligne avait recueilli pas moins de 4 200 signatures. Sachant qu’« une hausse, même significative, du nombre de croisiéristes n’est pas à même d’influer positivement sur l’économie du pays » pourquoi « ne pas mettre sous cloche ces inestimables, mais toutes petites zones ? », interrogeait-elle. Et « comment envisager que les îlots minuscules sortent indemnes de la visite de quelque centaines de touristes x fois par an – même par groupes de 10 !, x années durant ? »

EPLP faisait enfin valoir l’absence d’études d’impact pour la prise de ces décisions et une méthode « expéditive ».


Plan d’action pour d’Entrecasteaux

Un dernier projet à été émis : c’est la révision du plan d’action pour les atolls d’Entrecasteaux, inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 10 ans. Cette nouvelle feuille de route doit être adoptée pour la période 2018-2022.
Elle comporte une quarantaine d’actions. On y trouve notamment, pour 2018, la mise en réserve intégrale des récifs Pelotas et Gilbert (inclus dans le premier arrêté), l’interdiction de toute pêche en réserve, l’autorisation exceptionnelle de travaux scientifiques dans les réserves intégrales, la réalisation du protocole de suivi des tortues vertes, la poursuite du suivi des traits de côte. Les activités de loisirs « impactantes » seront interdites en 2019 et une interdiction saisonnière ou des plages horaires journalières mises en place pour l’accès aux îlots. Un guide des bonnes pratiques sera publié.

Le plan prévoit par ailleurs le contrôle ou l’éradication de tous les cocotiers, du lantana, de la verveine bleue et du faux mimosa, un suivi des récifs, des lagons, des oiseaux, des effets du changement climatique, un recensement des vestiges de l’exploitation de phosphate.
Un recensement des liens culturels avec les Bélep est prévu tout comme l’implication des étudiants et habitants des Bélep dans les études de suivi. Il s’agira encore d’établir des partenariats avec les autres sites marins Unesco ou de prendre part aux réunions internationales de gestionnaires.

C.M.